La réponse immunitaire est l’un des mécanismes physiologiques les plus complexes qui soient. Elle fait en effet intervenir divers types de cellules et des conjonctions de différentes réponses sous-jacentes. Lorsqu’un agent pathogène est détecté dans l’organisme, le système immunitaire envoie ses globules blancs en ligne de front. Mais comment ces cellules font-elles pour se déplacer à travers l’organisme jusqu’au site cible ? Des chercheurs ont répondu à cette question en montrant, à l’aide de caméras microscopiques, que les lymphocytes T cytotoxiques ont la faculté de creuser de véritables tunnels à travers les tissus.
Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont démontré comment un type de globule blanc, un lymphocyte T cytotoxique (CTL), est capable de creuser des tunnels à travers les tissus, ouvrant ainsi la voie aux réponses immunitaires d’urgence. Et ils ont capturé ce mécanisme avec une caméra. Vous pouvez voir, ci-dessous, des CTL colorés en rouge évoluer dans un tunnel à travers des fibres de collagène colorées en vert, sous microscopie à nappe de lumière.
Un parcours compliqué à travers la matrice extracellulaire
Les CTL, également appelés cellules T tueuses, détruisent les cellules infectées, cancéreuses ou endommagées. Ils recherchent des molécules spécifiques qui indiquent des cellules problématiques (antigènes). Ces cibles sont souvent peu nombreuses au début d’une maladie ou d’une infection. De ce fait, la capacité des CTL à les trouver rapidement est importante pour une réponse immunitaire efficace.
« Comprendre la migration et les interactions des cellules immunitaires dans les réseaux de collagène est crucial pour démêler les détails sous-jacents de la réponse immunitaire et pour concevoir des stratégies de traitement efficaces », déclare le physicien théoricien Heiko Rieger de l’Université de la Sarre en Allemagne. Souvent, les cibles des cellules T tueuses se trouvent dans une matrice extracellulaire (MEC) dense, la substance entre les cellules de notre corps qui fournit à nos cellules un ancrage, un support structurel et des signaux biochimiques.
Il existe différents types de matrices extracellulaires, dont le plasma sanguin et les tissus conjonctifs. La variété de tissus est un parcours d’obstacles complexe d’échafaudages en fibres de collagène, d’élastine pour les protéines extensibles et collantes pour aider à tout lier, dans lequel les vésicules évoluent et les capillaires s’étendent.
Lymphocytes T cytotoxiques : ils creusent des tunnels à travers les tissus
Le biophysicien de l’Université de la Sarre Zeinab Sadjadi et ses collègues, ont utilisé du collagène de vaches pour créer un modèle de matrice extracellulaire. Ils ont ensuite observé comment les CTL humains ont traversé différentes densités de cette matrice. Les lymphocytes T tueurs observés montraient une capacité à passer d’un mouvement lent à rapide.
En se déplaçant à travers le tissu, les cellules immunitaires poussent et étirent les fibres de collagène hors du chemin, créant un tunnel que d’autres composants immunitaires utilisent — l’équipe soupçonne que c’est le mouvement lent qu’ils utilisent pour rechercher leur cible et créer les tunnels. Des expériences ont montré que les cellules T se suivaient à travers ces tunnels, suggérant qu’elles exploitent le trajet le plus rapide une fois que les voies ont déjà été créées.
Bien sûr, cette découverte n’a été mise en lumière que dans le modèle simplifié du laboratoire et pas encore dans le milieu beaucoup plus complexe du tissu conjonctif humain réel, mais des modes de migration similaires ont été observés dans un autre type de cellule immunitaire. « La similitude entre les caractéristiques des CTL et des trajectoires des lymphocytes NK (natural killer) pointe vers un mécanisme commun pour la migration des deux types de cellules à travers les réseaux de collagène », explique Rieger.
Des cellules T tueuses attaquant inutilement les tissus conjonctifs enflammés ont déjà été observées chez les rats, soutenant l’idée qu’elles peuvent manipuler la matrice extracellulaire et même l’impliquer dans l’arthrite. « Nos résultats suggèrent que les propriétés de modulation de la MEC des tissus auraient un impact sur l’efficacité de la réponse immunitaire, et pourraient donner lieu à des idées pour de nouvelles stratégies thérapeutiques dans le traitement du cancer », indique Rieger.