Le télescope spatial de la NASA enchaîne les découvertes depuis sa mise en service officielle, le 12 juillet dernier. Après avoir émerveillé le monde entier avec d’incroyables clichés de galaxies lointaines et l’image la plus profonde de l’Univers obtenue à ce jour, il révèle aujourd’hui la plus ancienne galaxie jamais observée. Les données indiquent qu’elle est apparue 300 millions d’années après le Big Bang.
Les premières centaines de millions d’années de l’Univers (qui correspondent à un décalage vers le rouge, ou redshift, supérieur à 10) marquent une époque inexplorée et mystérieuse. Jusqu’à présent, une seule galaxie avait été détectée à cette distance : la galaxie GN-z11, découverte en 2016 grâce aux données de Hubble et de Spitzer. Son décalage vers le rouge était déjà particulièrement élevé (z ≈ 11). Une équipe a entrepris de rechercher de nouvelles galaxies de la même époque ou encore plus précoces, grâce au NIRCam de James Webb.
Dans un article de préimpression non révisé par les pairs, les scientifiques rapportent la découverte de deux galaxies candidates « particulièrement lumineuses », nommées GLASS-z13 et GLASS-z11 (de redshifts 13 et 11 respectivement). Alors qu’elle nous apparaît telle qu’elle était environ 300 millions d’années « seulement » après le Big Bang, GLASS-z13 devient la galaxie la plus distante jamais observée. Le télescope n’observe que dans l’infrarouge, mais les données ont été « traduites » dans le spectre visible : la galaxie est de forme circulaire, essentiellement rouge, mais blanche en son centre.
Regarder loin pour regarder dans le passé
« Nous regardons potentiellement la lumière des étoiles la plus éloignée que quiconque ait jamais vue », a déclaré à l’AFP Rohan Naidu, astronome au Harvard Center for Astrophysics et premier auteur de l’article. En effet, tout comme nous voyons notre Soleil tel qu’il était il y a huit minutes (car sa lumière met environ huit minutes à nous parvenir), la lumière de la galaxie GLASS-z13 a été émise il y a 13,5 milliards d’années.
Observer la formation des toutes premières galaxies après le Big Bang (survenu il y a 13,8 milliards d’années) constitue l’un des principaux objectifs du James Webb. On ne sait pas encore exactement quand ni comment se sont formées les galaxies les plus précoces et les nouvelles données capturées par l’instrument apporteront sans doute des éléments de réponse.
Il ne s’agit que de données préliminaires, mais les scientifiques peuvent déjà en déduire certaines caractéristiques, dont certaines sont pour le moins surprenantes. Pour commencer, les deux galaxies repérées sont particulièrement massives : selon l’équipe, elles auraient déjà accumulé environ un milliard de masses solaires en étoiles au cours des 300 à 400 millions d’années qui ont suivi le Big Bang. Ceci suggère que les étoiles se sont formées beaucoup plus tôt dans l’Univers primitif et plus rapidement que ne le pensaient les scientifiques jusqu’alors.
L’équipe souligne par ailleurs que la luminosité de ces galaxies (de magnitude absolue dans les UV estimée à -21) représente « une opportunité unique pour un suivi spectroscopique et morphologique détaillé » à une telle distance. La modélisation de leur morphologie suggère qu’elles ont toutes deux une forme de disque. En particulier, la galaxie la plus proche, GLASS-z11, affiche un profil de lumière qui prouve que son disque galactique était déjà bien en place à z ≈ 11.
De nouvelles contraintes sur l’évolution des galaxies primitives
Ces galaxies apparaissent relativement petites : environ 1600 années-lumière de diamètre pour GLASS-z13 et environ 2300 années-lumière pour GLASS-z11 (pour rappel, le diamètre de notre Voie lactée est compris entre 100 000 et 200 000 années-lumière). Ces dimensions sont typiques de galaxies lumineuses habituellement observées à des redshifts compris entre 6 et 9, notent les chercheurs.
« Ces deux objets imposent déjà de nouvelles contraintes sur l’évolution des galaxies à l’époque de l’aube cosmique », résument les auteurs de l’étude. Leur découverte n’est sans doute pas un hasard, précisent-ils, ajoutant qu’il existe sans doute toute une population de sources lumineuses ultraviolettes à cette distance, présentant des capacités similaires de formation d’étoiles.
Si GLASS-Z13 a bien existé à l’aube de l’Univers, son âge exact reste pour le moment inconnu. Elle a pu apparaître à tout moment au cours des 300 premiers millions d’années. Cette découverte reste bien entendu à confirmer, mais une autre équipe d’astronomes — dirigée par Marco Castellano, du National Institute of Astrophysics de Rome — qui a travaillé sur les mêmes données est parvenue à des conclusions similaires, ce qui met Naidu et ses collaborateurs plutôt en confiance.
Si ces galaxies sont confirmées par spectroscopie, et qu’effectivement deux galaxies candidates de redshift 11 à 13 restent à découvrir dans chaque minuscule portion du champ extragalactique (environ 50 arcmin2), « il est clair que le JWST va réussir à repousser la frontière cosmique jusqu’au bord du Big Bang », concluent les chercheurs.