La Food and Drug Administration (FDA) vient d’approuver pour la première fois la prescription d’un jeu vidéo aux enfants atteints du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Le jeu en question, EndeavorRx, a été spécialement conçu pour améliorer l’attention et les capacités de concentration des enfants.
Le TDAH est l’un des troubles de santé mentale pédiatrique les plus fréquemment diagnostiqués. Il combine trois symptômes différents, dont l’intensité varie d’un enfant à l’autre : le déficit de l’attention, l’hyperactivité motrice et l’impulsivité. Il se caractérise par des perturbations durables des fonctions cognitives, des troubles de l’apprentissage, qui entraînent souvent une baisse de l’estime de soi se traduisant par des comportements anxieux et/ou provocateurs. Selon la Haute autorité de santé, 3,5 à 5,6% des enfants scolarisés souffriraient de TDAH en France. Aux États-Unis, le TDAH toucherait environ 4 millions d’enfants âgés de 6 à 11 ans.
Un jeu spécifiquement conçu pour améliorer l’attention
Le traitement traditionnel du TDAH – du moins, en France – repose avant toute chose sur une psychothérapie. Un traitement médicamenteux n’est envisagé que si celle-ci s’avère insuffisante. Dans ce cas, le médicament prescrit est le méthylphénidate, qui n’élimine pas le trouble, mais en atténue les symptômes ; sa prise nécessite néanmoins une surveillance étroite, car il peut entraîner divers effets secondaires (insomnie, palpitations cardiaques, perte d’appétit, maux de tête, etc.). D’où l’intérêt de développer des traitements alternatifs pour prendre en charge ce trouble.
Le jeu EndeavorRx, conçu par la société Akili Interactive, peut être prescrit à des enfants de 8 à 12 ans souffrant de TDAH. Le principe consiste à piloter un petit vaisseau à travers divers environnements (jungles, rivières, volcans, etc.) dans une course d’obstacles, comme expliqué dans cette petite vidéo de présentation :
Le jeu a ainsi été pensé pour cibler et activer directement les systèmes neuronaux, au moyen de stimuli sensoriels et de défis moteurs, pour améliorer le fonctionnement cognitif. Car le plus difficile pour les enfants atteints de TDAH est de rester un long moment assis, à écouter leur enseignant et suivre les instructions, sans se déconcentrer, comme l’explique Elysa Marco, neurologue pour enfants : « Pour les enfants atteints de TDAH, l’amélioration de leur capacité à se concentrer et à résister à la distraction est essentielle à leur fonctionnement quotidien et à leurs performances à l’école ». Or, rester assis devant l’écran et se concentrer sur le jeu vidéo peut être ici particulièrement bénéfique. Et contrairement au traitement médicamenteux qui vise l’ensemble des symptômes, EndeavorRx cible spécifiquement le déficit d’attention.
La FDA a donné son feu vert après cinq études menées sur le jeu en question, auprès de plus de 600 enfants au total. L’étude la plus importante a impliqué 348 participants : plus d’un tiers des enfants ont montré une amélioration notable de l’attention après avoir joué à EndeavorRx 25 minutes par jour, cinq jours par semaine, pendant un mois. Parmi le groupe témoin – invité à jouer à un jeu de mots qui n’a pas été conçu pour traiter spécifiquement le TDAH – seuls 21 % des enfants ont montré une amélioration similaire. De plus, près de la moitié des parents ont constaté un changement cliniquement significatif des déficiences quotidiennes de leur enfant après un mois de traitement avec EndeavorRx.
Des résultats qui restent à confirmer
Cette approche ludique témoigne dans tous les cas de l’intérêt croissant des thérapies numériques dans le secteur médical. « Avec EndeavorRx, nous utilisons la technologie pour aider à traiter une maladie d’une manière entièrement nouvelle, car nous ciblons directement la fonction neurologique par le biais d’une médecine qui ressemble à du divertissement », explique le pharmacologue Eddie Martucci, PDG de la société Akili.
Les résultats de l’étude sont toutefois à considérer avec du recul, sachant qu’elle a été financée par la société éditrice du jeu ! En outre, l’étude n’a été menée que durant un mois, sur des enfants qui ne suivaient pas de traitement médicamenteux en parallèle. Les auteurs soulignent d’ailleurs que leurs résultats ne sont pas encore suffisants pour envisager de remplacer complètement les traitements traditionnels par ces séances de jeux vidéos.
Contrairement au médicament, aucun effet secondaire grave n’a été relevé pendant les tests, mais certains participants (9,3 %) ont tout de même déclaré avoir éprouvé certaines sensations désagréables pendant le jeu, comme un sentiment de frustration, de l’agressivité, ainsi que des maux de tête ou des vertiges.
En attendant, EndeavorRX a tout de même reçu l’approbation de la FDA et pourrait s’avérer très efficace en complément d’autres traitements ; la FDA précise d’ailleurs que ce jeu devrait être utilisé dans le cadre d’un programme thérapeutique plus vaste, incluant le suivi des professionnels de santé, la prise d’un médicament et d’autres programmes éducatifs. Le jeu n’a pas encore été officiellement lancé ; les familles et professionnels de santé sont invités à s’inscrire sur le site officiel pour être avertis de sa disponibilité.
Les jeux vidéos sont souvent accusés d’entraîner des addictions ou de favoriser les comportements agressifs. Pourtant, la FDA reconnaît aujourd’hui officiellement l’intérêt thérapeutique d’EndeavorRx. Et ce n’est pas la première fois que ce potentiel est mis en exergue. Il y a dix ans déjà, des chercheurs démontraient que les jeux de réalité virtuelle étaient efficaces pour réduire l’anxiété et la douleur causées par une maladie chronique ou certaines procédures médicales. Par ailleurs, un rapport publié dans Cell en 2013 attestait que certains jeux d’action pouvaient aider les enfants dyslexiques à lire plus rapidement.
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En 2015, une étude parue dans The Journal of Neuroscience révélait quant à elle que la pratique de jeux vidéos 3D complexes pouvait améliorer les capacités de mémorisation. Et enfin, des chercheurs de l’Institut Max Planck ont montré que le jeu vidéo pouvait entraîner une augmentation de la matière cérébrale, notamment dans les zones du cerveau associées à l’orientation spatiale, la planification stratégique et la motricité fine.
Voilà quelques arguments qui aideront à déculpabiliser les plus joueurs d’entre vous !