Le géant du fast-food KFC ambitionne de créer un véritable « restaurant du futur ». Dans ce contexte, il s’est associé avec la start-up russe 3D Bioprinting Solutions pour développer de la viande de poulet bio-imprimée. Cette initiative vise à répondre à une demande croissante d’alternatives à la viande et à la nécessité de trouver des procédés industriels plus respectueux de l’environnement.
Cette « viande du futur » serait-elle donc imprimée directement par une machine ? L’idée pourra en dégoûter plus d’un… Pourtant, la technologie développée par le spécialiste russe de la bio-impression promet de produire des nuggets aussi proches que possible, tant en goût qu’en apparence, du produit KFC original.
Des cellules de poulet réassemblées couche par couche
La bio-impression ? C’est une technologie qui permet de produire artificiellement des tissus biologiques. Telle une imprimante 3D ordinaire, les bio-imprimantes structurent le produit final en empilant les cellules vivantes et les biomatériaux qui le constituent, couche après couche. Aujourd’hui, on utilise cette technique pour imprimer des tissus utilisés en recherche pharmaceutique. L’an dernier, des chercheurs américains présentaient l’impression 3D de peau vivante, pouvant notamment servir au soin des grands brûlés ou au traitement d’infections de la peau. Si ce n’est pas encore clair, voici une petite vidéo qui explique parfaitement le principe de la bio-impression :
Aujourd’hui, il est question de produire des tissus biologiques consommables. Pour ce faire, 3D Bioprinting Solutions utilise des cellules de poulet et du matériel végétal, ce qui permet de limiter au strict minimum l’implication des animaux dans le processus de fabrication (car il est bien question ici de produits carnés, et non pas d’aliments pour végétariens). La technologie permettrait de reproduire le goût et la texture des nuggets de KFC. La chaîne de restauration prévoit d’ailleurs de fournir à son partenaire tous les ingrédients nécessaires, tels que la panure et les épices, pour obtenir le goût « unique » de KFC.
À l’heure actuelle, aucune autre méthode disponible sur le marché ne permet la création de produits aussi complexes à partir de cellules animales. Le produit final, baptisé Biomeat, est présenté comme étant plus sain que l’original. En effet, cette viande artificielle possède les mêmes microéléments que le produit d’origine, à la différence près qu’elle ne contiendra aucun des additifs utilisés traditionnellement dans l’agriculture et l’élevage des animaux.
En outre, une étude parue dans l’American Environmental Science & Technology Journal affirme que la culture de viande à partir de cellules a un impact minimal sur l’environnement. Le process permet de réduire de plus de moitié la consommation d’énergie, de réduire de 25 fois les émissions de gaz à effet de serre et nécessite 100 fois moins de terres que la production traditionnelle de viande !
Ces nuggets à base de cellules animales sont aussi vus comme un produit plus éthique, causant bien moins de mal-être et de douleurs aux animaux. KFC souligne par ailleurs dans un communiqué qu’il continue, en parallèle, à garantir le bien-être animal, depuis la ferme d’élevage, jusqu’à la transformation.
KFC veut faire de ses restaurants de véritables vitrines technologiques et dans cette optique, il suit de près les innovations liées à la production alimentaire. Sa dernière création en la matière est un produit sans viande, ou plutôt à base de fausse viande, créé en collaboration avec Beyond Meat (un producteur américain de substituts de viande à base de plantes). Il a été lancé l’an dernier dans un des restaurants de la chaîne, à Atlanta. KFC fut ainsi la première chaîne de restauration rapide à intégrer un produit de Beyond Meat ; d’autres, tels que Burger King ou Dunkin’ ont rapidement suivi. KFC prévoit aujourd’hui d’étendre la disponibilité de son poulet frit végétal à une cinquantaine de restaurants à Los Angeles et San Diego.
Une solution à la pénurie d’organes et à la famine ?
Ces produits carnés artificiels réalisés avec 3D Bioprinting Solutions seront donc la prochaine étape de son développement. Si la chaîne prévoit de les proposer bientôt à sa clientèle moscovite, l’initiative pourrait également servir un dessein bien plus large. En effet, face à la croissance de la population mondiale, de nombreux scientifiques recherchent aujourd’hui des solutions qui permettraient un approvisionnement alimentaire stable pour tous, tout en réduisant l’impact environnemental des procédés de production. L’utilisation de technologies basées sur la bio-impression 3D pourrait bien être une piste intéressante pour répondre à cette problématique.
« À l’avenir, le développement rapide de ces technologies nous permettra de rendre les produits carnés imprimés en 3D plus accessibles et nous espérons que notre coopération avec KFC aidera à accélérer le lancement de produits carnés à base de cellules sur le marché », a déclaré Yusef Khesuani, co-fondateur et directeur associé de 3D Bioprinting Solutions.
Cette impression couche par couche permet, en outre, d’explorer diverses textures d’aliments. Un avantage qui pourrait permettre de développer des aliments répondant à des besoins spécifiques, notamment de personnes malades. « La dysphagie est très courante dans la population gériatrique. Parce que ces patients ont des difficultés à avaler, on leur propose de la nourriture essentiellement en bouillie, ils n’ont donc pas d’appétit et le problème s’aggrave », explique Boris Rubinsky, de l’UC Berkeley et co-auteur d’un article présentant une nouvelle technique de bio-impression 3D. Il ajoute qu’il serait possible de créer pour ces personnes des aliments avec de la texture, plus appétissants, et fondant dans la bouche.
Néanmoins, les techniques de bio-impression sont encore loin d’être optimales. « À l’heure actuelle, la bio-impression est principalement utilisée pour créer un petit volume de tissu. Le problème est qu’il s’agit d’un processus très lent, vous ne pouvez donc rien imprimer de gros, car les matériaux biologiques se détérioreraient avant la fin », précise Rubinsky.
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Au cours des deux dernières décennies, la technologie a déjà réalisé d’énormes progrès, mais selon des chercheurs de l’Université de technologie et de design de Singapour, il est essentiel de résoudre le goulot d’étranglement inhérent à la maturation des tissus bio-imprimés en tissus fonctionnels. Ils ajoutent que « l’industrie est toujours à la traîne dans la bio-impression de tissus ou d’organes spécifiques à l’Homme en raison de la complexité des tissus spécifiques des matrices extracellulaires […] et du manque d’un milieu de co-culture approprié pour supporter plusieurs types de cellules ».
L’impression 3D d’organes humains artificiels « à la demande » n’est donc pas encore pour demain. Mais dès que la technologie le permettra, les bénéfices pour la santé humaine seront énormes.