Lancement d’un ordinateur quantique dans l’espace, une première mondiale qui ouvre une nouvelle ère technologique

Un large éventail d’applications, comme la surveillance climatique, au programme.

ordinateur quantique espace
Intérieur de la charge utile du satellite au cours de l'assemblage. | Walther Group/DLR RSC3 (Trauen, Allemagne)
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Un ordinateur quantique photonique a, pour la première fois, été envoyé dans l’espace le 23 juin dernier à bord d’une fusée Falcon 9 de SpaceX, marquant une étape historique pour la technologie quantique. Intégré à un satellite en orbite terrestre à environ 550 kilomètres d’altitude, l’appareil vise à explorer le potentiel de cette technologie pour soutenir les missions spatiales et améliorer les dispositifs actuels.

Les ordinateurs quantiques s’imposent comme l’une des technologies potentiellement transformatrices du XXIᵉ siècle, en raison de leur aptitude à révolutionner des domaines aussi divers que la finance, la recherche biomédicale, la logistique, l’intelligence artificielle, la chimie ou encore les sciences climatiques. Leur puissance réside dans leur capacité à résoudre certains problèmes d’une complexité telle qu’ils nécessiteraient des années, voire des décennies, aux supercalculateurs classiques les plus avancés.

Leur application à grande échelle se heurte toutefois à des défis techniques majeurs. Les systèmes quantiques sont extrêmement sensibles aux perturbations environnementales, ce qui engendre des erreurs de calcul — une problématique que les chercheurs tentent de surmonter depuis plusieurs décennies. La correction d’erreur s’est ainsi imposée comme l’un des principaux obstacles freinant la commercialisation de cette technologie.

Les ordinateurs quantiques nécessitent aujourd’hui des environnements strictement contrôlés : laboratoires équipés de dispositifs cryogéniques, salles blanches — où la concentration particulaire est rigoureusement régulée — ou enceintes spécialement conçues pour éliminer les vibrations. À cela s’ajoute l’impératif de contrôles et d’étalonnages réguliers, réalisés par des spécialistes hautement qualifiés.

La conception d’un ordinateur quantique capable de fonctionner dans l’espace représente un défi encore plus ambitieux. Une équipe codirigée par l’Université de Vienne, en Autriche, l’a néanmoins relevé en mettant au point un appareil résistant aux températures extrêmes, aux radiations et aux vibrations propres aux conditions spatiales.

« Je suis très fier que le premier ordinateur quantique actuellement dans l’espace ait été développé par des chercheurs autrichiens. Nous avons repoussé les limites des technologies photoniques actuelles pour proposer un outil polyvalent permettant de réaliser des expériences quantiques dans les conditions extrêmes d’une mission spatiale », a déclaré, dans un communiqué, Philip Walther, de l’Université de Vienne, qui a dirigé le projet. « Nous attendons avec impatience les innovations et les applications qui émergeront de ce système », a-t-il ajouté.

satellite quantique fusee
Illustration du satellite avec l’ordinateur quantique (à gauche), lancement du Falcon 9 de SpaceX (à droite). © Université de Vienne/SpaceX

Conçu pour fonctionner dans les conditions extrêmes de l’espace

Intégré à un système satellite compact, l’ordinateur quantique a été lancé dans le cadre d’une mission de lancement partagé de SpaceX, depuis la base militaire de Vandenberg, en Californie. Cette mission comprenait 70 autres charges utiles, dont des microsats, des CubeSats et des capsules de retour. Le propulseur Falcon 9, qui a lancé l’ensemble, a ensuite effectué un atterrissage réussi à bord d’un navire stationné dans le Pacifique, tandis que l’étage supérieur de la fusée a déployé les satellites environ deux heures après le décollage.

Afin de garantir la résistance de l’appareil aux contraintes spatiales, l’équipe a consacré quatre semaines à son assemblage dans une salle blanche du Responsive Space Cluster du Centre aérospatial allemand, à Trauen. « Notre appareil devait tenir dans la taille d’une boîte à chaussures, être très économe en énergie et résister aux chocs thermiques et mécaniques », explique Iris Agresti, chercheuse postdoctorale à l’Université de Vienne et membre du projet. « De plus, nous devions développer un logiciel de contrôle capable d’assurer un fonctionnement autonome et de prévenir d’éventuelles pannes », ajoute-t-elle.

Les chercheurs ont ainsi dû adapter les composants traditionnellement employés dans les laboratoires de photonique — tels que les sources de photons uniques, les détecteurs et les fibres optiques — afin de les rendre plus robustes, plus compacts et compatibles avec un pilotage à distance. Une fois développés, ces éléments ont subi une série de tests de fiabilité simulant les vibrations et les chocs caractéristiques des lancements spatiaux.

Le système a également été modifié pour répondre aux normes de sécurité spatiale. Les composants ont notamment été chauffés dans un four à vide thermique, afin de libérer les gaz piégés dans les matériaux et d’éviter ainsi tout risque d’explosion. « Ce projet nous a transformés en véritable groupe spatial. Nous disposons désormais du savoir-faire nécessaire pour mener de nouvelles expériences dans l’espace, que ce soit pour la physique quantique fondamentale ou pour des applications pratiques », a déclaré Walther à Interesting Engineering.

« L’edge computing » : un avantage clé des ordinateurs quantiques en orbite

L’un des principaux atouts d’un ordinateur quantique en orbite réside dans sa capacité à effectuer du « edge computing » : les données brutes collectées depuis l’espace peuvent être traitées localement, sans nécessiter un transfert vers des serveurs terrestres. Combinée à la vitesse de calcul quantique, cette stratégie pourrait réduire de manière significative la consommation énergétique et le délai de traitement des informations.

Le système a également été configuré pour servir des missions futures dans les domaines de la surveillance climatique, des télécommunications et de la recherche fondamentale en physique quantique. Connecté à une caméra embarquée, il permettra notamment d’en explorer le potentiel pour l’observation terrestre. Il s’agit, au demeurant, d’une expérience pionnière destinée à éprouver les performances et les limites des technologies quantiques dans des conditions extrêmes.

La mise en service de l’ordinateur et le début des expérimentations étaient prévus dans les deux semaines suivant l’insertion orbitale. « Cette collaboration place l’Europe à l’avant-garde du calcul quantique pour les missions spatiales. Elle pourrait donner naissance à la prochaine génération de satellites économes en énergie », conclut Philip Walther.

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