Lecture pour le plaisir, une habitude en voie de disparition : une baisse de 40 % en seulement 20 ans

« C'est significatif et profondément préoccupant…»

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Une enquête portant sur plus de 236 000 Américains révèle que la lecture quotidienne pour le plaisir a diminué de plus de 40% au cours des 20 dernières années – un changement culturel préoccupant. Le déclin soutenu et régulier du nombre de personnes qui lisent soulève des questions quant aux impacts culturels, éducatifs et sanitaires, la lecture jouant un rôle essentiel pour l’apprentissage et la santé mentale tout au long de la vie.

Lire pour le plaisir, c’est-à-dire à des fins autres que les études ou le travail, est depuis longtemps reconnu comme un outil éducatif. Cela inclut tous les genres littéraires, allant de la fiction à la non-fiction, en passant par les journaux, les magazines, etc. Des études ont démontré des avantages directs en matière de compréhension, de vocabulaire, de raisonnement logique et d’imagination. Une association avec la réussite scolaire, l’employabilité ainsi que la réussite professionnelle a également été démontrée.

D’autre part, des recherches ont montré que la lecture de loisir favorisait l’empathie et l’intelligence émotionnelle. Elle contribue aussi à la santé mentale, notamment en réduisant le stress, l’anxiété et la dépression, en favorisant le sommeil et en ralentissant le déclin cognitif chez les personnes âgées. La lecture constitue en outre un élément essentiel de la culture et de l’identité sociale, en favorisant par exemple le sentiment d’appartenance et en contribuant au partage d’expériences.

Des enquêtes ont cependant suggéré une diminution de la lecture pour le plaisir au cours des dernières décennies. Les résultats précédents manquaient toutefois de précision et de cohérence, probablement en raison d’un manque de données. La récente étude de grande envergure menée par l’Université de Floride et l’University College de Londres offre un nouvel aperçu des tendances de lecture de loisir sur vingt ans.

« Nous travaillons avec des données extrêmement détaillées sur la façon dont les gens passent leurs journées », explique dans un communiqué Jessica Bone, chercheuse principale en statistiques et épidémiologie à l’University College de Londres et auteure principale de l’étude. « Et comme il s’agit d’un échantillon représentatif des ménages américains, nous pouvons non seulement observer la tendance nationale, mais aussi son évolution dans différentes communautés », ajoute-t-elle.

« … un déclin soutenu et régulier d’environ 3% par an »

L’enquête – détaillée dans la revue iScience – s’appuie sur les données de plus de 236 270 Américains ayant participé au programme American Time Use Survey entre 2003 et 2023. Dans le cadre de l’étude, la lecture de loisir ne se limite pas uniquement aux livres, mais inclut également les magazines et les journaux, imprimés, électroniques ou audio.

Les analyses révèlent une baisse significative de plus de 40% de la lecture quotidienne pour le plaisir au cours des vingt dernières années. « Il ne s’agit pas d’une légère baisse, mais d’un déclin soutenu et régulier d’environ 3% par an », explique Jill Sonke, directrice des initiatives de recherche au Centre des arts en médecine de l’Université de Floride et codirectrice de l’EpiArts Lab. « C’est significatif et profondément préoccupant », poursuit-elle.

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Résumé graphique de l’étude. © Bone et al.

Une tendance affectant surtout les populations à faible revenu

Toutefois, la tendance à la baisse n’est pas uniformément répartie au sein de la population étudiée. Elle s’avère plus marquée chez les Afro-Américains que chez les Caucasiens, ainsi que chez les personnes à faibles revenus, à plus faible niveau d’éducation ou vivant en zones rurales. Cela traduit une aggravation des disparités en matière d’accès à la lecture.

« La lecture a toujours été un moyen simple et efficace de s’engager de manière créative et d’améliorer la qualité de vie. La perte de l’un des outils les plus simples de notre boîte à outils de santé publique est une perte considérable », estime Sonke.

Les chercheurs ont également constaté que les femmes restent plus enclines à lire, même au sein de groupes où la pratique est en forte diminution. « Et parmi ceux qui lisent, le temps consacré à la lecture a légèrement augmenté, ce qui pourrait suggérer une polarisation : certains lisent davantage tandis que beaucoup ont complètement arrêté », indique Bone.

Par ailleurs, la lecture avec les enfants est demeurée relativement stable au cours des deux dernières décennies. Elle reste toutefois nettement moins fréquente que la lecture de loisir, ce qui est particulièrement préoccupant au regard de son rôle dans l’apprentissage, le développement du langage et la réussite scolaire.

Essor des médias numériques : un important facteur de déclin

Bien que l’étude n’inclue pas les causes précises de la baisse de lecture pour le plaisir, les chercheurs avancent plusieurs facteurs potentiels, notamment l’essor des médias numériques, les pressions économiques croissantes, qui peuvent à leur tour réduire le temps de loisir, ainsi que les inégalités d’accès aux livres et aux bibliothèques.

« Notre culture numérique est certainement un facteur », analyse Sonke. « Mais il existe aussi des problèmes structurels : accès limité à la lecture, insécurité économique et déclin national des loisirs. Si vous cumulez plusieurs emplois ou que vous rencontrez des difficultés de transport en zone rurale, aller à la bibliothèque peut s’avérer tout simplement impossible. »

Pour tenter d’inverser la tendance, les chercheurs recommandent de mettre l’accent sur la lecture avec les enfants, en raison de ses impacts à long terme sur leur développement. Ils suggèrent également de développer des stratégies se concentrant sur les activités communautaires, comme les groupes de lecture, tout en renforçant l’accès aux bibliothèques.

Source : iScience
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