Crise scientifique aux États-Unis : une lettre ouverte de 1 900 chercheurs contre la politique de Trump

« Nous percevons un réel danger en ce moment… ».

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Plus de 1 900 scientifiques membres de l’Académie nationale des sciences ont co-signé une lettre ouverte tirant la sonnette d’alarme sur « le réel danger » que représente l’administration Trump pour la science. Dès le début de son second mandat, le président a apporté de grands bouleversements portant directement atteinte à la communauté scientifique et aux recherches du pays.

Les agences et institutions scientifiques américaines ont connu des bouleversements majeurs depuis la prise de fonction de l’administration Trump, allant de coupes budgétaires radicales à la suppression de départements entiers de recherche. Ces décisions ont fait perdre des milliers d’emplois à des scientifiques et autres employés de centres de recherche, sans compter la suspension de domaines de recherche prometteurs.

La semaine dernière, Robert F. Kennedy Jr., le secrétaire à la Santé et aux Services sociaux des États-Unis, a par exemple annoncé la suppression de 10 000 emplois au sein du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), soit environ un huitième des effectifs. Ces suppressions d’emploi concernent des agences sanitaires éminentes, telles que les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et la Food and Drug Administration (FDA).

Connu pour être un théoricien du complot et un fervent anti-vaccin, Kennedy serait aussi à l’origine d’une récente décision exhortant les scientifiques à supprimer toute référence aux vaccins à ARNm dans leurs demandes de subvention. Il a également entravé les politiques vaccinales du pays en apportant un soutien mitigé à la vaccination contre la rougeole, malgré une épidémie en cours. Il a aussi annulé un contrat de près de 600 millions de dollars dédié à l’étude de traitements potentiels contre la grippe aviaire.

Excédé par la situation, Peter Marks, le principal expert gouvernemental en matière de vaccins à la FDA, a par exemple démissionné la semaine dernière, dénonçant « l’assaut sans précédent de l’administration contre la vérité scientifique ». « Il est devenu évident que le secrétaire ne souhaite ni vérité ni transparence », écrit-il dans sa lettre de démission. « Il souhaite plutôt une confirmation servile de ses fausses informations et de ses mensonges ».

Les sciences environnementales ont également été la cible de décisions controversées. Les références au changement climatique ont été supprimées des sites web gouvernementaux, tandis que plus de 1 100 chercheurs pourraient perdre leur emploi suite à la dissolution du bureau de recherche et développement de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). L’administration envisage en outre de supprimer jusqu’à un cinquième des effectifs de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), l’une des plus importantes agences de prédiction climatique au monde.

La publication de la lettre ouverte des scientifiques de l’Académie nationale des sciences fait suite à ces décisions considérées comme anti-scientifiques et principalement basées sur des idéologies qui ne devraient pas avoir leur place dans la recherche scientifique. « Nous percevons un réel danger en ce moment », indique la lettre. « Nos convictions politiques sont diverses, mais nous sommes unis, en tant que chercheurs, dans notre volonté de protéger l’indépendance de la recherche scientifique. Nous lançons ce SOS pour lancer un avertissement clair : l’entreprise scientifique nationale est en voie de disparition ».

Un climat de peur dans la communauté de chercheurs

L’Académie nationale des sciences des États-Unis est une institution centenaire, créée par décret du Congrès en 1863, sous l’administration d’Abraham Lincoln. Elle fonctionne aujourd’hui comme une organisation à but non lucratif et compte deux autres académies sous sa direction : l’Académie nationale d’ingénierie et l’Académie nationale de médecine. Ensemble, elles représentent l’excellence scientifique américaine et comptent plus de 6 800 membres élus par leurs pairs.

La lettre a été signée par 1 900 d’entre eux, issus des plus grandes universités du pays, y compris l’Ivy League, les huit plus anciennes et influentes universités américaines (Université de Yale, Université de Columbia, Université de Harvard, etc.). Le groupe dénonce une politique abusive de la part de l’administration Trump, incluant notamment des menaces contre les universités privées, des annulations de subventions fédérales et des procédures de financement orientées par des considérations idéologiques, des licenciements massifs, des démissions, et des actes de censure.

« L’administration réduit le financement des agences scientifiques : elle met fin aux subventions accordées aux scientifiques, supprime le financement de leurs laboratoires et entrave la collaboration scientifique internationale », indique la lettre. « Les coupes budgétaires obligent les institutions à suspendre leurs recherches, à licencier des professeurs et à cesser d’inscrire des étudiants diplômés, qui constituent le vivier de scientifiques de la prochaine génération ».

L’Université de Columbia a par exemple été avisée que son financement fédéral serait suspendu si elle n’adoptait pas des politiques disciplinaires conformes aux idéologies de l’administration et ne désactivait pas un département universitaire spécifiquement visé. Selon les auteurs, plus de 50 universités feraient actuellement l’objet d’enquêtes de ce type. Une telle déstabilisation pourrait mettre en péril l’enseignement supérieur et les recherches menées dans ces établissements.

Ces initiatives ont instauré un climat de peur dans la communauté de chercheurs. Craignant de perdre leur emploi ou leur financement, certains scientifiques se voient contraints de retirer leur nom de publications jugées sensibles, d’abandonner des projets prometteurs ou de réécrire leurs propositions de subvention afin d’éviter toute confrontation idéologique avec les orientations de l’administration.

« Bien que certains membres de la communauté scientifique aient protesté, la plupart des chercheurs, des universités, des instituts de recherche et des organisations professionnelles ont gardé le silence, de peur d’antagoniser l’administration et de mettre en péril leur financement », ajoute le document.

Selon Robert Steinbrook, directeur du groupe de recherche sur la santé chez Public Citizen, la communauté scientifique devrait faire preuve de davantage de courage. « Si les scientifiques et les organisations scientifiques et médicales ne défendent pas avec force la science et la santé publique, qui le fera ? », interroge-t-il. De leur côté, les signataires de la lettre exhortent le public à se joindre à leur appel, dans l’espoir de sensibiliser l’administration et de faire cesser les menaces qui pèsent aujourd’hui sur la science.

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