Des chercheurs suggèrent qu’il existe un compromis fondamental entre la résolution et la précision d’une horloge en raison de la seconde loi de la thermodynamique. Cela implique notamment qu’en raison de l’entropie, les horloges se rapprochent de leur limite de précision à mesure que leur résolution augmente. Cette découverte pourrait avoir d’importantes implications pour les ordinateurs quantiques, nécessitant des systèmes de chronométrage très précis sur des échelles temporelles extrêmement courtes.
Que ce soit dans de simples montres ou dans les technologies GPS, les horloges font pleinement partie de notre quotidien. Depuis l’invention des horloges atomiques en 1950, ces systèmes ont pris un tournant déterminant. Les horloges optiques sont désormais si précises qu’elles accumulent moins de cent millisecondes d’erreur sur une période aussi longue que la durée de vie estimée du Soleil. Cependant, ces avancées ont soulevé des questions fondamentales quant aux principes physiques pouvant imposer des limites aux performances des horloges.
En effet, à l’instar de tout système physique, les horloges sont soumises aux lois de la thermodynamique. « Pire encore, elles dépendent fortement de l’augmentation de l’entropie découlant de la deuxième loi de la thermodynamique », expliquent les chercheurs du Center of Quantum Science de Vienne dans leur nouvelle étude, en collaboration avec l’Institute for Quantum Optics and Quantum Information de Vienne et l’Institut de Physique Théorique de Zurich.
En d’autres termes, les horloges génèrent du désordre à mesure qu’elles comptabilisent le temps. Cela signifie qu’elles sont des témoins de la rupture macroscopique de la symétrie inversée du temps — soit l’unidirectionnalité de la flèche du temps. Dans cette vision, les fonctions d’une horloge nécessitent de puiser continuellement des ressources de manière irréversible et déséquilibrée, afin de produire des informations temporelles.
La résolution d’une horloge fait référence à la plus petite unité de mesure qu’elle peut afficher ou distinguer. Par exemple, une horloge qui affiche le temps au plus proche de la seconde a une résolution d’une seconde. Cela ne concerne pas l’exactitude de l’heure affichée, mais plutôt la finesse des détails que l’horloge peut montrer. La précision, en revanche, concerne à quel point les mesures d’une horloge correspondent à l’heure réelle. Une horloge précise affichera une heure qui est très proche de l’heure standard (comme l’heure atomique). Si une horloge a tendance à avancer ou à retarder, on dit qu’elle manque de précision.
Cependant, les processus thermodynamiques sont intrinsèquement aléatoires et ne sont jamais parfaitement prévisibles. Cela signifie qu’une horloge est également soumise à cette caractéristique et que la mesure du temps comporte techniquement toujours des erreurs. Cela suggère également que la thermodynamique impose des limites fondamentales aux horloges. En explorant ces limites, les chercheurs de la nouvelle étude ont précédemment suggéré que les horloges se rapprochent de leur limite de précision à mesure que l’entropie augmente. Dans le cadre de leur nouvelle recherche, ils ont exploré ce que cela pourrait impliquer quant à leur résolution.
Une résolution augmentant au détriment de la précision
Afin d’explorer son hypothèse, l’équipe de recherche a d’abord réalisé qu’elle devait définir plus précisément ce qu’est véritablement une horloge, d’un point de vue thermodynamique. Il a été suggéré qu’afin de pouvoir fonctionner, une horloge nécessite non seulement un système pouvant produire un chronométrage ou des « tic-tacs » d’une manière irréversible et aléatoire, mais également d’un autre système connexe comptabilisant ces tic-tacs.
Afin de comprendre cette réflexion, il suffit de considérer l’analogie du sablier écoulant les grains de sable de façon aléatoire. La fréquence des « tic-tacs » est ici assimilée aux grains qui s’écoulent dans la moitié inférieure. Cependant, si un sablier de 10 minutes est par exemple suffisamment précis pour mesurer ce même intervalle (10 min), sa résolution est très faible, et il ne peut ainsi être utilisé pour mesurer précisément des intervalles plus courts. En revanche, cette résolution augmente si l’on peut comptabiliser individuellement chaque grain qui tombe. Par contre, le système serait alors moins précis, car le caractère aléatoire induit par la thermodynamique signifie que chaque grain ne s’écoule pas à intervalle régulier.
Cela suggère que la résolution des horloges augmente au détriment de leur précision. Les calculs des experts de la nouvelle étude ont démontré que la résolution (c’est-à-dire la fréquence à laquelle l’horloge tourne) est égale à l’inverse du carré de la précision (c’est-à-dire le nombre de fois où elle peut tourner avant d’être décalée d’une unité). « Cela devient pertinent lorsqu’on cherche à maximiser la résolution d’une horloge avec une précision élevée, qui est finalement limitée par le nombre d’événements aléatoires », expliquent-ils.
Toutefois, cette limitation ne s’appliquerait que peu aux horloges actuelles les plus précises, telles les horloges atomiques, étant donné que leur résolution est d’environ une seconde. Elle s’appliquerait davantage aux ordinateurs quantiques, qui ont à la fois besoin d’une grande résolution et d’une extrême précision. Les implications s’étendraient également aux futurs ordinateurs quantiques autonomes, qui devraient être capables d’autoréduire leurs taux d’erreur. Cela signifie que les horloges incluses dans ces dispositifs pourraient fonctionner à proximité de leurs limites fondamentales.