Différentes pratiques telles que la méditation ou la pleine conscience gagnent en popularité pour l’amélioration de l’humeur. Cependant, des chercheurs révèlent que la majorité des études scientifiques explorant ces méthodes sont souvent mal conçues et ne portent que sur des échantillons réduits — ce qui remet en question leur fiabilité. Néanmoins, ces résultats ne signifient pas que ces méthodes n’ont pas d’effets sur l’humeur. Ils visent plutôt à encourager les psychologues à effectuer davantage de recherches.
Entre 2010 et 2012, une série d’évènements a servi de déclic poussant les psychologues à effectuer une introspection majeure sur leurs protocoles expérimentaux, au cours d’une période marquante surnommée « renaissance de la psychologie ». En effet, ces scientifiques se sont rendu compte que les méthodes de collecte et d’analyse antérieures à cette date conduisaient très souvent à la publication de faux positifs et de résultats non reproductibles.
Ces études comportaient parfois des résultats « préfabriqués », où les auteurs allaient jusqu’à sélectionner manuellement les participants chez qui l’on enregistrait de présumés résultats positifs par exemple. Non seulement ces résultats étaient invraisemblables et manquaient de cohérence, mais il était également impossible de distinguer le vrai du faux.
Parmi les évènements ayant servi de déclic figure notamment une étude datant de 2011 suggérant que toute personne peut être influencée par un événement futur imprévisible. Les résultats n’ont pas manqué de susciter l’incrédulité chez les pairs et n’ont évidemment pas pu être reproduits. D’éminents psychologues se sont également mis à retirer des dizaines d’articles en avouant avoir fabriqué leurs résultats.
Depuis cette renaissance de la psychologie, les chercheurs ont procédé à une réforme généralisée et sont tenus de « préenregistrer » leurs études. Cette méthode consiste à définir et à soumettre préalablement leurs protocoles expérimentaux, en particulier les plans d’analyse statistique (au moins 45 volontaires), avant de commencer l’expérimentation. Les scientifiques s’engagent notamment à l’avance sur la manière dont ils mèneront leurs études et effectueront les analyses, avant de mettre la main sur les données nécessaires. Cette technique permet de réduire considérablement le risque de faux positifs et de résultats biaisés.
« Ce que fait cette méthode de préinscription, c’est nous lier les mains à l’avance », déclare Elizabeth Dunn de l’Université de la Colombie-Britannique, coauteure de la nouvelle analyse, publiée dans la revue Nature Human Behaviour. Cette étude visait à explorer comment les études « pré-renaissance » peuvent influencer les résultats des recherches sur les méthodes d’amélioration de l’humeur (ou du bonheur).
Un manque de preuves pour la méditation, les exercices et l’exposition à la nature
En ratissant les revues médiatiques sur l’humeur par le biais de recherches Google, les chercheurs ont sélectionné les 5 techniques les plus populaires : exprimer sa gratitude, être plus sociable, faire de l’exercice physique, pratiquer la pleine conscience ou la méditation et augmenter l’exposition à la nature. Les mots-clés utilisés pour les recherches étaient : « comment être heureux » et « les moyens scientifiquement prouvés pour être plus heureux ».
Ensuite, les experts ont cherché les corroborations scientifiques concernant ces cinq techniques. Au total, ils ont réuni des milliers d’études (11 322) publiées entre la pré-renaissance et la mi-novembre 2022 et archivées dans les bases de données de PsycINFO et PubMed. Après avoir éliminé les études dupliquées et celles ne respectant pas certains critères de fiabilité, 1035 publications ont été sélectionnées. À noter que les recherches devaient concerner l’application des 5 stratégies sur des personnes en bonne santé et exclure celles souffrant de pathologies cliniques ou mentales sous-jacentes. Suite à un autre trie par rapport à ce dernier critère d’éligibilité, 532 études ont été retenues.
Après analyse, celles répondant aux critères de préenregistrement susmentionnés étaient au nombre de 57. C’est-à-dire que 475 études (95%) ne comportaient ni protocole préenregistré ni échantillon suffisamment important. Parmi les 57 études les plus fiables, 4 étaient particulièrement robustes concernant les avantages de l’expression de la gratitude et les interactions sociales sur l’amélioration de l’humeur.
Cependant, celles abordant la pleine conscience ou la méditation, ainsi que l’exercice et l’exposition à la nature, n’avaient ni préinscription ni suffisamment de participants — indiquant un défaut de fiabilité. Des enquêtes plus fiables ont d’ailleurs révélé par le passé que la méditation ne démontre que des résultats faibles à modérés sur l’amélioration de l’humeur.
Toutefois, il faut garder à l’esprit que ces résultats ne suggèrent nullement que ces techniques sont inefficaces pour améliorer l’humeur. « Nous ne voulons certainement pas que les gens retiennent de cette étude que, si vous avez une pratique quotidienne de méditation qui vous rend vraiment heureux, vous devriez arrêter de le faire », précise Dunn. Elle suggère tout simplement qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour conclure d’une efficacité généralisée et que davantage de recherches sont de ce fait nécessaires.