Le 21 juin est officiellement la journée internationale de la maladie de Charcot, maladie du motoneurone la plus fréquente chez l’adulte. Ces paraplégies spastiques héréditaires (HSP) sont un ensemble de pathologies rares très hétérogènes, dont le principal symptôme est une raideur (spasticité) et une faiblesse des membres inférieurs conduisant à de sévères troubles de la marche, dus à l’atteinte des motoneurones. Ces maladies touchent environ 3 personnes sur 100 000 en Europe, avec un début généralement à l’âge adulte et parfois dès l’enfance. Récemment, des chercheurs ont identifié un nouveau gène impliqué dans une maladie dégénérative qui affecte les cellules du motoneurone supérieur du système nerveux. Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches diagnostiques et de nouveaux traitements.
Les paraplégies spastiques héréditaires (HSP) forment un groupe hétérogène de maladies, tant sur le plan clinique — avec des symptômes et une évolution variables — que sur le plan génétique et neuro-pathologique — plus de 80 gènes connus comme étant impliqués. Les HSP représentent le deuxième groupe le plus commun des maladies touchant les motoneurones — neurones responsables de la transmission de l’information nerveuse aux muscles.
Cette atteinte provoque une baisse d’efficacité de la conduction des signaux transmis à partir du cerveau le long de la moelle épinière, laquelle entraine une rigidité (spasticité) progressive et une faiblesse des membres inférieurs. Ces déficits se manifestent par des réflexes exagérés, des crampes et des spasmes, rendant la marche difficile, et dans les cas les plus graves, par une paralysie complète des membres inférieurs. Cette maladie frappe les deux sexes, à n’importe quel âge. D’ailleurs, le célèbre Stephen Hawking a été diagnostiqué alors qu’il n’était qu’un étudiant. Il a survécu jusqu’au début de la soixantaine, mais malheureusement beaucoup de malades n’atteignent pas cet âge. En effet, l’espérance de vie d’une personne atteinte de la maladie de Charcot, par exemple, est d’environ 3 à 5 ans après le diagnostic.
À l’heure actuelle, malgré le nombre de gènes connus impliqués dans les HSP, de nombreux patients restent toujours sans diagnostic génétique. Sans compter qu’il n’y a pas de remède pour la maladie et les traitements sont en grande partie symptomatiques. C’est pourquoi la recherche médicale qui leur est dévolue est essentielle. Récemment, une équipe de l’Université d’Exeter, dirigée par le professeur Andrew Crosby et le Dr Emma Baple, a identifié un nouveau gène, nommé « TMEM63C », impliqué dans le développement d’une maladie dégénérative des motoneurones supérieurs du système nerveux, ainsi que dans le métabolisme des lipides. Leur travail est publié dans la revue Brain.
Du cholestérol impliqué dans la dégénérescence de certains motoneurones
Les auteurs ont basé la présente étude sur leurs travaux antérieurs, publiés également dans Brain en 2020. Effectivement, ils avaient déjà proposé une hypothèse du mécanisme sous-jacent à ces pathologies neurodégénératives des motoneurones, conduisant presque implacablement à la paraplégie. Ainsi, ils ont mis en évidence le rôle joué par un déséquilibre des niveaux de cholestérol et d’autres graisses dans les compartiments des cellules du corps, déclenché par un certain nombre de mutations génétiques différentes. Ils ont en fait trouvé le dénominateur commun à ces dernières : elles conduiraient toutes à un métabolisme anormal du cholestérol dans les cellules nerveuses.
Dans l’étude actuelle, la même équipe a réussi à identifier un gène supplémentaire, complétant le schéma de développement pathologique. Ils ont procédé à une analyse génétique de 7 individus touchés par ces troubles neuromoteurs, répartis dans trois familles sans aucun lien de parenté. Pour ce faire, ils ont procédé à un séquençage de l’exome entier (WES), c’est-à-dire de tous les gènes codant pour les protéines du génome. En termes simples, ce séquençage permet de détecter les changements génétiques conduisant à des changements dans les séquences protéiques, qui peuvent à leur tour mener à des maladies.
Ainsi, les chercheurs ont déterminé le gène impactant la façon dont les motoneurones de la partie supérieure de la moelle épinière communiquent avec les fibres musculaires. Effectivement, TMEM63C est située dans la région de la cellule où opèrent les voies de traitement des lipides qu’ils ont identifiées. Cela renforce encore l’hypothèse selon laquelle ces dégénérescences des motoneurones sont causées par un traitement anormal des lipides, y compris du cholestérol.
Vers un traitement curatif ?
Les maladies neurodégénératives des motoneurones affectent les cellules nerveuses qui contrôlent l’activité musculaire volontaire comme la marche, la parole et la déglutition. Il existe de nombreuses formes aux caractéristiques cliniques diverses et au degré de gravité variable. Au fur et à mesure que la maladie progresse, les cellules du motoneurone sont endommagées et peuvent éventuellement mourir. Cela conduit les muscles, qui dépendent de ces messages nerveux, à s’affaiblir et à dépérir progressivement.
Si elle est confirmée, la théorie, établie dans cette étude, pourrait conduire les scientifiques à utiliser des prélèvements sur des patients pour prédire l’évolution et la gravité de la maladie. Cela permettrait également de surveiller l’effet de nouveaux médicaments potentiels, développés pour traiter ces troubles.
D’ailleurs, en collaboration avec le groupe dirigé par le Dr Julien Prudent de l’unité de biologie mitochondriale du Medical Research Council de l’Université de Cambridge, l’équipe a entrepris des études pour déterminer le rôle exact de la protéine TMEM63C à l’intérieur de la cellule.
En utilisant des méthodes de microscopie avancées, les travaux de l’équipe de Cambridge ont montré qu’un sous-ensemble de TMEM63C est localisé à l’interface entre deux organites cellulaires essentiels, le réticulum endoplasmique et les mitochondries. Le réticulum endoplasmique est le compartiment de la cellule où se déroule la fabrication des protéines et des lipides. Dans la cellule musculaire, il joue en plus un rôle essentiel lors de la contraction musculaire en libérant et en recaptant le calcium qu’il contient. Les mitochondries, quant à elles, sont le lieu de la production la plus importante d’Adénosine TriPhosphate (ATP), le « carburant » énergétique des cellules, à partir de glucose. L’interface entre ces deux organites est une région de la cellule nécessaire à l’homéostasie (équilibre) du métabolisme lipidique, et proposée par l’équipe d’Exeter comme étant fondamentale pour le développement des paraplégies spastiques héréditaires.
Le Dr Julien Prudent explique dans un communiqué : « Cette découverte renforce l’idée que la capacité des différents compartiments à communiquer entre eux, en échangeant des lipides par exemple, est essentiel pour assurer l’homéostasie cellulaire nécessaire à la prévention des maladies ».
En effet, associé à cette localisation spécifique, le Dr Luis-Carlos Tabara Rodriguez, chercheur postdoctoral dans le laboratoire du Dr Prudent, a également découvert que TMEM63C contrôle la morphologie du réticulum endoplasmique et des mitochondries.
La Dr Emma Baple, de l’Université d’Exeter, conclut : « Comprendre précisément comment le traitement des lipides est altéré dans les maladies dégénératives des motoneurones est essentiel pour développer des outils de diagnostic et des traitements plus efficaces pour un grand groupe de maladies qui ont un impact énorme sur la vie des gens. La découverte de ce gène est une autre étape importante vers ces objectifs importants ».