« Que ton alimentation soit ta première médecine », préconisait Hippocrate. Pour la première fois, des chercheurs norvégiens ont quantifié l’impact réel de différents changements alimentaires sur l’espérance de vie. Au final, augmenter sa consommation en légumineuses, céréales complètes, fruits et légumes, et réduire celle en viande rouge, œufs et produits sucrés, a un impact positif sur la durée de vie, quel que soit l’âge. Mais l’avantage serait moins important si le changement est opéré plus tard dans la vie.
D’après l’équipe de recherche, de l’université de Bergen (Norvège), notre régime occidental moyen (ou ordinaire) se compose d’une quantité trop importante en viandes, féculents raffinés, produits laitiers et sucrés. Dans l’étude, publiée dans la revue PLoS Medicine, les chercheurs montrent qu’un « régime optimal » — riche en légumineuses, céréales complètes, noix, fruits et légumes, et pauvre en viande rouge et viandes transformées — peut augmenter de plus de dix années la durée de vie d’un individu nord-américain de 20 ans (13 ans pour un homme et 10,7 ans pour une femme, en moyenne) par rapport au régime de base.
D’après les auteurs, l’allongement estimé de la durée de vie est surtout dû à une réduction du risque de maladie cardiaque, de diabète et de cancer. Dans le cadre de cette nouvelle étude, les chercheurs ont utilisé les méta-analyses existantes et la base de données du Global Burden of Diseases (programme mondial de recherche épidémiologique en santé publique) pour construire un modèle permettant d’estimer l’effet d’une série de changements alimentaires sur l’espérance de vie, et ce instantanément. Le modèle est disponible sous la forme d’un outil en ligne accessible au public.
« Jusqu’à présent, les recherches ont montré les bénéfices pour la santé de privilégier des groupes d’aliments distincts ou des modes d’alimentation spécifiques, mais ont donné peu d’informations sur l’impact sanitaire d’autres changements de régime », rapporte Lars Thore Fadnes, professeur à l’école de santé publique de l’université de Bergen et auteur principal de l’étude. « Notre méthodologie de modélisation a permis de combler cette lacune ».
Tout dépend de l’âge, du sexe et du groupe d’aliments considéré
Au-delà d’un effet combiné d’une série de changements alimentaires sur la durée de vie, chaque groupe d’aliments possède sa propre influence sur cette dernière. Par exemple, augmenter uniquement sa ration de légumineuses (lentilles, fèves, soja, pois chiches, etc.) à 200 grammes par jour permettrait de gagner un peu plus de deux ans d’espérance de vie à l’âge de 20 ans. Diminuer sa consommation de viande rouge permettrait de gagner 1,6 an pour les femmes et 1,9 an pour les hommes, toujours à 20 ans. Le même résultat est trouvé pour la consommation de viande transformée.
En revanche, plus les changements alimentaires s’initient à un âge avancé, moins l’espérance de vie gagnée est considérable. Ainsi, passer d’un régime ordinaire au régime optimal à l’âge de 60 ans pourrait augmenter l’espérance de vie de 8 ans pour les femmes et de 8,8 ans pour les hommes, et les personnes âgées de 80 ans pourraient tout de même gagner trois ans en moyenne.
Changement alimentaire intermédiaire
Hormis ce changement radical d’alimentation, l’équipe a également examiné un régime de « faisabilité », à mi-chemin entre le régime typique et le régime optimal, certainement plus réaliste pour la majorité d’entre nous. Bonne nouvelle : ce régime montre aussi un bénéfice notable en augmentant l’espérance de vie d’environ six ans pour les femmes et sept ans pour les hommes (à 20 ans). En outre, opter pour ce régime permettrait un gain potentiel de 7% sur la longévité à tout âge : par exemple en consommant (par jour) 100 grammes de légumineuses, 137 grammes de céréales complètes, et en abaissant sa consommation de viande rouge à 50 grammes.
Des avancées et des lacunes
Basée sur de nombreuses autres études, ces résultats et conclusions semblent solides et « le calculateur pourrait être un outil utile pour les cliniciens, les décideurs et les profanes pour comprendre l’impact des choix alimentaires sur la santé », d’après les auteurs. Pourtant, l’étude comprend quelques limites et la qualité globale des preuves a été évaluée comme modérée avec le NutriGrade — un système de notation pour évaluer et juger la méta-preuve des essais contrôlés randomisés et des études de cohorte dans la recherche sur la nutrition.
De plus, il existe de grandes différences individuelles ne permettant pas de tirer de conclusions sérieuses sur l’impact de la durée de vie en général. On ne connait pas non plus le temps nécessaire pour obtenir tous les effets, l’effet d’autres groupes d’aliments (notamment la viande blanche et les huiles), l’impact du développement futur des traitements médicaux, et enfin les changements probables de mode de vie.