Manger sain, moins cher et plus écologique : une étude bouscule les idées reçues

Les aliments sains et respectueux de l’environnement n’engageraient pas nécessairement des coûts élevés.

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Une alimentation saine permettrait à la fois de faire des économies et de réduire les émissions de CO2 par rapport à la plupart de nos choix alimentaires habituels, selon une récente étude mondiale. Contrairement à la croyance populaire, les aliments sains et respectueux de l’environnement n’engageraient pas nécessairement des coûts élevés. Ces données pourraient contribuer à mieux orienter les consommateurs et les gouvernements dans leurs choix et stratégies alimentaires.

L’indicateur de « Coût et accessibilité d’une alimentation saine » (CoAHD) établi par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) est utilisé depuis 2020 pour le suivi de la sécurité alimentaire dans le monde. Les suivis ont révélé que près de 2,6 milliards de personnes dans le monde ne disposent pas des moyens nécessaires pour acheter en quantité suffisante les aliments les moins chers indispensables à leur santé et disponibles dans leurs pays.

La mauvaise qualité de l’alimentation pourrait être due soit à une offre limitée de produits accessibles, soit à un revenu insuffisant, soit tout simplement à une question de préférence alimentaire. Il existe une croyance populaire selon laquelle les aliments meilleurs pour la santé (comme les produits bio) ont un coût plus élevé que la moyenne. Ces constats ont conduit les gouvernements et les organisations sanitaires et alimentaires à identifier des stratégies permettant d’élargir les options d’aliments sains et à moindre coût.

D’autre part, orienter les choix alimentaires vers des produits à faible empreinte carbone est également devenu une priorité en matière d’objectifs de développement durable, dans le contexte climatique actuel. Mais là encore, l’idée largement répandue veut que les produits à moindre émission carbone soient moins accessibles. Autrement dit, choisir des aliments à la fois sains, accessibles et à faible empreinte carbone représente un défi pour de nombreux ménages.

Cependant, des études récentes ont montré qu’au sein de groupes alimentaires nutritionnellement similaires (par exemple les féculents et les produits de la mer), les options les moins chères émettent généralement moins de gaz à effet de serre (GES). De ce fait, les régimes alimentaires sains composés de produits moins coûteux seraient également plus respectueux de l’environnement.

Mais ces études ne quantifiaient pas avec précision les empreintes carbone minimales possibles dans le cadre d’une alimentation CoAHD, ni déterminaient quels types de substitutions permettraient les plus importantes réductions de GES par unité de coût. Des chercheurs de l’Université Tufts, dans le Massachusetts, aux États-Unis, apportent des éléments de réponse en mesurant la limite des émissions minimales de GES pour une alimentation saine.

Quand bien manger coûte moins cher

Pour effectuer leur analyse, l’équipe de la nouvelle étude a cherché à identifier les aliments qui constitueraient le moyen le plus durable de répondre aux besoins nutritionnels. Les bases de référence sont définies selon les objectifs du « panier repas sain » utilisé pour le suivi mondial par les agences des Nations Unies et les gouvernements du monde entier.

Trois types de données ont été analysés pour chaque aliment, en utilisant 2021 comme année de référence : sa disponibilité et son prix dans chaque pays, sa part dans l’approvisionnement alimentaire total de chaque pays et les émissions moyennes mondiales de GES associées au produit.

D’autre part, cinq types de régimes alimentaires différents ont été modélisés pour chaque pays : le régime le plus sain à faibles émissions, le régime le plus sain au coût le plus bas et trois variantes basées sur les aliments les plus consommés. « Cette étude mesure la limite des émissions minimales de GES pour une alimentation saine, définie comme les émissions minimales d’équivalent CO₂ par jour nécessaires pour atteindre les objectifs du Panier de repas sain (PRS) mondial », écrivent les chercheurs.

D’après les résultats publiés le 9 décembre dans la revue Nature Food, une alimentation saine composée des produits les plus populaires pour chaque groupe alimentaire générerait 2,44 kilogrammes de CO₂ par personne et par jour, pour un coût moyen mondial de 9,96 dollars. En revanche, le régime alimentaire de référence visant uniquement à minimiser l’empreinte carbone n’en émettrait que 0,67 kilogramme mais coûterait en moyenne 6,95 dollars.

En outre, un régime alimentaire sain conçu pour être le plus économique émettrait 1,65 kilogramme de CO2 par personne et par jour et coûterait 3,68 dollars. Un troisième scénario combinant des produits à la fois populaires, sains et plus accessibles aurait un coût d’environ 6,33 dollars et des émissions de 1,86 kilogramme de CO2.

Les résultats confirment globalement que dans la plupart des groupes alimentaires, les alternatives les moins chères constituent également celles à plus faible empreinte carbone. Cela serait dû au fait qu’elles nécessitent généralement moins d’énergie fossile (par exemple en étant disponibles localement et moins transformées) et entraînent moins de changements d’affectation des sols.

« Les gens ne peuvent ni voir ni goûter les émissions causées par chaque aliment, mais tout le monde peut voir le prix du produit — et au sein de chaque groupe alimentaire, les options les moins chères entraînent généralement moins d’émissions », explique dans un billet de blog, William A. Masters, coauteur principal de l’étude et professeur à la Friedman School de l’Université Tufts.

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Part de l’énergie alimentaire et des émissions de GES par aliment dans trois régimes alimentaires de référence, 2021. a  La part de l’énergie alimentaire des aliments est codée par couleur dans chacun des six groupes alimentaires du HDB : aliments d’origine animale ; féculents ; légumineuses, noix et graines ; légumes ; fruits ; et huiles et matières grasses. b) La part des émissions équivalentes en GES (GESe) est indiquée pour chaque aliment dans les mêmes groupes alimentaires. Ces résultats sont présentés pour trois scénarios de régimes alimentaires de référence extrêmes : régime 1 (aliments les moins chers), régime 2 (aliments les moins émetteurs) et régime 3 (aliments les plus courants) dans chaque pays. Les données proviennent de 171 pays pour les régimes 1 et 2 et de 159 pays pour le régime 3. © Yan Bai et al.

Un compromis à considérer pour certains aliments

Toutefois, il existe un compromis à considérer si l’on choisit soit les options à faible coût, soit les options à faibles émissions de CO2 pour certains groupes d’aliments, précisent les chercheurs. Par exemple pour les produits d’origine animale, le lait constitue généralement l’option la plus économique et ses émissions de CO₂ sont bien inférieures à celles du bœuf et des autres viandes. Et si les poissons comme les sardines et le maquereau présentent des émissions encore plus faibles, ils ont un coût par calorie intermédiaire.

Par ailleurs, pour les féculents de base, le riz constitue généralement l’option la plus abordable, mais le blé et le maïs sont moins polluants même s’ils sont un peu plus chers. Cela s’explique par le fait que les émissions de GES liées à la production du riz sont plus importantes, en particulier pour les rizières inondées.

Les chercheurs espèrent néanmoins que les résultats puissent aider les consommateurs, les entreprises alimentaires et les gouvernements à réorienter leurs priorités vers des aliments répondant aux besoins de santé de manière plus durable et abordable. « Dans certains cas, réduire les émissions coûte cher, car cela implique d’investir dans de nouveaux équipements et sources d’énergie », indique Masters.

« Mais au supermarché, la frugalité est un bon indicateur de durabilité. La plupart des gens peuvent réduire leurs émissions en choisissant des options moins chères dans chaque groupe alimentaire, à quelques exceptions près… », conclut-il.

Source : Nature Foods
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