Des marées lunaires jusque-là inconnues animent l’océan de plasma autour de notre planète

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Illustration comparant l'impact de la Lune sur les marées océaniques (bleu), avec l'effet sur les marées de la plasmasphère (orange). | Académie chinoise des sciences/Live Science
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Les marées sur Terre sont bien connues et sont l’un des phénomènes les plus fiables au monde. Il s’agit d’ondes de très longue période qui se déplacent dans l’océan en réponse aux forces exercées par la Lune et le Soleil. Certes, les marées affectent la dynamique des océans, mais influencent également la magnétosphère terrestre. Récemment, des chercheurs, via des observations satellitaires, ont révélé des preuves d’effets de marée dans la plasmasphère terrestre — la partie la plus externe de l’ionosphère — en corrélation avec les phases de la Lune, tout comme celle de nos océans. Un nouveau regard se porte ainsi sur l’interaction de la Lune avec notre planète et pourrait conduire à une meilleure prédiction des risques météorologiques spatiaux.

Les marées sont des phénomènes universels et jouent souvent un rôle essentiel dans les systèmes planétaires et galactiques, où les gradients d’attraction gravitationnelle sont importants. En tant qu’unique satellite naturel de la Terre, la Lune et son interaction gravitationnelle avec la Terre ont suscité des recherches approfondies et attisé la curiosité pendant plusieurs centaines d’années.

Les marées océaniques et leur relation avec les phases de la Lune sont connues depuis l’Antiquité. Au fil des siècles, une série de phénomènes de marée a été découverte, allant des marées terrestres aux modulations lunaires de l’ionosphère. Ces marées lunaires ont principalement des périodes semi-diurnes (et bimensuelles) et sont d’une importance fondamentale pour les conditions de notre planète.

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Rappelons que les oscillations des marées lunaires ont de multiples effets sur la Terre, notamment sur l’écoulement des eaux souterraines, les courants océaniques et les vents atmosphériques. Elles déclenchent également des événements sismiques et des éruptions volcaniques et perturbent la déviation verticale. Sans compter les marées ionosphériques affectant la transmission radio et l’altitude des satellites en orbite terrestre basse.

Récemment, un groupe de chercheurs mené par Chao Xiao de l’Université du Shandong et de l’Institut de géologie et de géophysique de l’Académie chinoise des sciences, a fourni des preuves de l’existence d’une variation de marée lunaire à la limite de la plasmasphère, qui entoure la Terre. Cette force de marée jusque-là inconnue crée dans le plasma des fluctuations similaires aux marées dans les océans. Leurs travaux sont publiés dans la revue Nature Physics.

La plasmasphère, un océan soumis à l’influence de la Lune

La région la plus externe de l’ionosphère est la plasmasphère. C’est une région de plasma dense et froid qui entoure la Terre. Bien que le plasma se trouve dans toute la magnétosphère (qui nous protège des vents solaires et autres particules), la plasmasphère contient généralement le plasma le plus froid et dense. Compte tenu de ces propriétés, elle peut être considérée comme un « océan de plasma », et la plasmapause représente la « surface » de cet océan, en raison du changement drastique des propriétés du plasma à travers cette frontière.

Considérant ainsi cette zone comme un océan, il serait logique qu’elle soit influencée par la Lune, de manière similaire aux océans sur Terre. Pour éprouver cette hypothèse, les auteurs ont utilisé plus de 40 ans de données recueillies par des satellites pour suivre les changements infimes de la forme de la plasmasphère.

Concrètement, ils ont analysé les données de plus de 50 000 traversées de plasmapause in situ par divers engins spatiaux appartenant à 10 missions scientifiques, sur près de quatre cycles solaires, de 1977 à 2015. Les capteurs des satellites sont capables de détecter des changements infimes dans les concentrations de plasma, ce qui a permis à l’équipe de cartographier la limite exacte de la plasmapause avec plus de détails que jamais auparavant, explique un article de Balazs Heilig accompagnant l’étude, disponible dans la revue Physics Nature.

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(a) Une image plasmasphérique prise par l’imageur IMAGE EUV à 14h14 TU le 26 juin 2000, au-dessus du pôle Nord de la Terre. (b) Une image plasmasphérique capturée par la caméra EUV Chang’e-3 (CE-3) à 13h01 TU le 21 avril 2014, depuis la Lune. Une forte baisse de l’intensité d’émission représente la plasmapause, comme indiqué par les courbes blanches. Les flèches blanches indiquent la direction du Soleil. Les cercles noirs indiquent la taille apparente de la Terre. Les courbes en face représentent les variations de l’intensité de la plasmasphère en fonction des phases de la Lune. Les pics de marée haute sont marqués par les lignes pointillées rouges. © C. Xiao et al., 2023

L’équipe y a associé le rôle de l’activité solaire sur la magnétosphère terrestre. Une fois cette influence prise en compte, il est devenu clair que les fluctuations de la forme de la plasmapause suivaient des schémas quotidiens et mensuels très similaires aux marées de l’océan, indiquant que la Lune est la cause la plus probable des marées de plasma.

Comment tout cela fonctionne-t-il ?

Il faut savoir que les parties supérieures de l’atmosphère de notre planète sont exposées à la lumière ultraviolette du Soleil et sont ionisées, les électrons libérés se déplacent le long des lignes de champ magnétique terrestre et leur énergie accrue est suffisante pour échapper à la gravité terrestre.

Au fur et à mesure que les électrons commencent à s’échapper vers l’extérieur, ils laissent derrière eux une charge électrique positive nette croissante dans l’ionosphère et créent de facto une charge électrique négative nette croissante au-dessus de l’ionosphère ; un champ électrique commence ainsi à se développer. Très rapidement, ce champ électrique résultant s’oppose au mouvement ascendant des électrons hors de l’ionosphère. Les ions réagissent au champ électrique et sont attirés par lui. Ils commencent également à se déplacer vers le haut hors de l’ionosphère.

En seulement quelques heures ou quelques jours, ce plasma (électrons et ions) qui s’échappe peut, à certains endroits, s’accumuler jusqu’à ce qu’un équilibre soit atteint, dans lequel autant de plasma s’écoule vers l’intérieur de l’ionosphère que vers l’extérieur. Cette région « en forme de beignet » de plasma froid, entourant la planète, correspond à la plasmasphère.

Elle se rétrécit avec l’augmentation de l’activité météorologique spatiale. En effet, pendant les orages géomagnétiques, la convection globale se renforce, entraînant ainsi un décollement et un balayage vers le soleil de la partie la plus externe de la plasmasphère. À la suite de l’érosion, la plasmapause — limite extérieure de la plasmasphère — se forme plus près de la Terre.

Par suite, elle s’étend ou « se remplit » pendant les périodes d’inactivité, lorsque les particules chargées de l’ionosphère sous-jacente sont éclairées par le Soleil, par diffusion de ces dernières le long des lignes de champ géomagnétique.

L’équipe a alors découvert que le signal induit par la marée lunaire dans la plasmasphère terrestre possède des périodicités diurnes et mensuelles distinctes, qui sont différentes des variations semi-diurnes et semi-mensuelles dominantes dans les effets de marée lunaire précédemment observés dans d’autres régions.

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La plasmapause de fond est représentée par le cercle bleu. La modulation de la plasmapause par la marée lunaire est représentée par le cercle rouge en pointillés ; à gauche pour la marée basse et à droite pour la marée haute. © C. Xiao et al., 2023

Les chercheurs ne savent pas exactement comment la Lune provoque les marées de plasma, mais leur meilleure estimation actuelle est que la gravité de la Lune provoque des perturbations dans le champ électromagnétique de la Terre. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires.

Résoudre l’origine de l’oscillation observée pourrait contribuer à une meilleure compréhension de la dynamique de la plasmasphère et plus généralement du couplage ionosphère-magnétosphère, et pourrait également conduire à une meilleure prédiction des risques météorologiques spatiaux.

L’auteur principal Chao Xiao conclut dans un communiqué, repris par le China Daily : « Les nouvelles découvertes élargissent notre compréhension des interactions Terre-Lune dans une voie inédite ».

Source : Physics Nature

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