La colonisation de Mars, objectif d’Elon Musk (entre autres) qui veut assurer la survie de l’espèce humaine en la rendant interplanétaire, doit passer par l’établissement au préalable de structures permettant à des êtres humains de survivre à long terme sur la planète rouge. Récemment, des chercheurs ont mis au point un type de béton très particulier : à base de fécule de pommes de terre et de poussière spatiale. Cerise sur le gâteau : il serait bien plus résistant que le béton ordinaire ! Il pourrait servir d’unité de base aux futures constructions martiennes pour accueillir les premiers colons.
Une présence humaine durable sur la Lune et sur Mars nécessitera des habitations assez solides pour se protéger des radiations et des impacts de météorites. La construction d’infrastructures dans l’espace est actuellement d’un coût élevé du fait du transport de masse de la Terre vers l’espace.
Les futures constructions spatiales, du moins pour ce qui est de l’habitat, devront donc s’appuyer sur des matériaux simples, facilement accessibles aux astronautes. La solution serait que les matériaux de construction soient produits à partir de ressources disponibles localement — utilisation des ressources in situ (ISRU) —, en particulier le régolithe (couche de poussière à la surface d’une planète sans atmosphère ou d’un satellite).
La stabilisation de régolithe dans un matériau solide semblable à du béton fournirait non seulement une protection contre les rayonnements et les micrométéorites, les conditions thermiques et les différences de pression entre les environnements intérieurs et extérieurs, mais également des habitats relativement légers.
Plusieurs solutions existent pour la stabilisation du régolithe, mais la plupart présentent des inconvénients majeurs tels qu’une consommation d’énergie ou d’eau extrêmement élevée, ou le besoin d’équipements supplémentaires d’extraction, de transport, de traitement ou de fabrication de grande masse, augmentant le coût et la complexité de toute mission.
Récemment, un groupe de chercheurs de l’Université de Manchester a créé un nouveau matériau baptisé « StarCrete », produit à partir de poussière extraterrestre, de fécule de pomme de terre et d’une pincée de sel. Il pourrait être utilisé pour construire des habitations sur Mars. Leur étude est publiée dans la revue Open Engineering.
Des pommes de terre à la place de sang et d’urine
Cette étude étend les avancées issues de travaux antérieurs de la même équipe. Précédemment, leur matériau utilisait le sang et l’urine comme agent de liaison. Il avait une résistance à la compression d’environ 40 MPa, ce qui est mieux que le béton normal. Néanmoins, dans un environnement aussi hostile que l’espace, cette nécessité régulière de sang semble particulièrement irréaliste, contrairement à l’utilisation de fécule de pommes de terre.
L’équipe de recherche a démontré que l’amidon de pomme de terre ordinaire peut agir comme un liant lorsqu’il est mélangé à de la poussière martienne simulée. Résultat : un matériau semblable à du béton. Lors des tests, StarCrete a montré une résistance à la compression de 72 mégapascals (MPa), soit plus de deux fois plus que les 32 MPa mesurés pour le béton ordinaire. Le béton StarCrete fabriqué à partir de régolithe lunaire était encore plus résistant (plus de 91 MPa en compression).
Docteur Aled Roberts, chercheur au Future Biomanufacturing Research Hub de l’Université de Manchester et auteur principal de l’étude, explique dans un communiqué : « Puisque nous produirons de l’amidon comme nourriture pour les astronautes, il était logique de considérer cela comme un agent liant ».
Un prix faible pour de grands projets, sur Mars ou sur Terre
Aled Roberts souligne : « Les technologies de construction actuelles nécessitent encore de nombreuses années de développement et une énergie considérable, ainsi que des équipements de traitement lourds supplémentaires, ce qui ajoute du coût et de la complexité à une mission. StarCrete n’a besoin de rien de tout cela et simplifie donc la mission. Il la rend donc moins chère et plus réalisable ».
L’équipe a calculé qu’un sac (25 kg) de pommes de terre déshydratées contient suffisamment d’amidon pour produire près d’une demi-tonne de StarCrete, soit plus de 213 briques de matériau. À titre de comparaison, une maison de 3 chambres nécessite environ 7500 briques. De plus, ils ont découvert qu’un sel commun, le chlorure de magnésium, pouvant être obtenu à partir de la surface martienne ou des larmes des astronautes, améliorait considérablement la résistance de StarCrete.
Les prochaines étapes de ce projet consistent à transposer StarCrete du laboratoire au terrain. Le Dr Roberts et son équipe ont récemment lancé une start-up, DeakinBio, qui explore des moyens d’améliorer StarCrete afin qu’il puisse également être utilisé dans un environnement terrestre.
Sans compter que contrairement à de nombreuses autres options technologiques, la production d’amidon ne nécessite pas de traitement à haute énergie, et la majorité de l’eau peut être récupérée, puisque le mécanisme est entraîné par la déshydratation. En effet, s’il est utilisé sur Terre, StarCrete peut offrir une alternative plus verte au béton traditionnel. Le ciment et le béton représentent environ 8% des émissions mondiales de CO2, car leur fabrication nécessite des températures de cuisson et des quantités d’énergie très élevées, contrairement à StarCrete, qui peut être fabriqué dans un four ou un micro-ondes ordinaire.
Néanmoins, pour les utilisations terrestres, il faudra surmonter la sensibilité à l’humidité du liant à base d’amidon. Ceci pourrait être réalisé grâce à l’ajout de biopolymères comme des protéines, des cires ou des résines à base de terpènes.
Finalement, ce matériau représente un réel espoir pour la crise énergétique que nous traversons et pour la modération des émissions de gaz à effet de serre. Le dernier compte rendu du GIEC sonne encore et toujours l’alarme quant à un futur climat presque invivable sur une planète aux températures extrêmes.