De nombreux organismes sur Terre utilisent la respiration aérobie comme mécanisme de respiration cellulaire. Cette respiration peut s’effectuer grâce au dioxygène atmosphérique ou au dioxygène dissout dans les liquides. Une nouvelle étude révèle que les environnements aqueux sur Mars pourraient contenir suffisamment d’oxygène moléculaire dissous pour abriter une vie microbienne aérobie.
La respiration aérobie est le mécanisme respiratoire utilisant l’oxygène comme comburant. Il s’agit du métabolisme respiratoire le plus répandu et énergétiquement favorable sur Terre. En effet, il permet l’émergence de systèmes cellulaires efficaces et donc de structures multicellulaires complexes.
L’histoire de l’oxygène et de la respiration aérobie sur Terre est fortement corrélée à la photosynthèse, conduisant à une proportion atmosphérique de dioxygène actuelle d’environ 21% à une pression de 1 bar. À l’opposé, Mars possède une atmosphère très fine à une pression d’environ 6.1 mbar, et uniquement quelques traces de dioxygène produit par photodissociation du CO2.
Au regard de sa rareté, l’oxygène moléculaire atmosphérique n’a reçu que très peu d’intérêt de la part des scientifiques. Toutefois, l’analyse géochimique de météorites martiennes et de roches riches en manganèse a révélé l’existence d’environnements aqueux extrêmement oxydants dans le passé de la planète rouge, impliquant un rôle important du dioxygène dans la dynamique chimique de la croûte martienne.
Mars : la vie pourrait prospérer dans les régions aqueuses de la planète
Des environnements aqueux sous la forme de saumure peuvent aujourd’hui exister à la surface et sous la surface martienne malgré l’atmosphère quasi-inexistante et les températures très basses. Des analyses récentes ont démontré l’existence de sels (perchlorates) de calcium et magnésium à divers endroits de la surface et dans des zones peu profondes de la planète, impactant la dynamique (notamment le point de congélation) des régions aqueuses.
Sur le même sujet
:
Molécules organiques et méthane saisonnier sur Mars : les
découvertes capitales de Curiosity
Bien que les micro-organismes aérobies et les animaux microscopiques aient besoin de grandes concentrations d’O2 dissoutes dans les liquides pour survivre, de récentes expériences, observations et simulations ont abaissé les limites requises de dioxygène dissout. Tant et si bien que les niveaux d’oxygène moléculaire présent dans les zones martiennes liquides pourraient permettre d’abriter la vie. C’est ce que montre une nouvelle étude parue dans la revue Nature Geoscience.
En se basant sur des études et des analyses précédentes du sol martien, des géobiochimistes du Caltech ont modélisé les niveaux d’oxygène dissous dans diverses régions aqueuses de Mars et ont découvert que presque toutes ces zones — particulièrement dans les régions polaires — possédaient les concentrations en dioxygène suffisantes pour abriter une vie microbienne aérobie.
« Nous avons découvert qu’actuellement sur Mars, la solubilité de l’oxygène dans différents fluides peut excéder les quantités limites nécessaires pour la respiration aérobie » explique l’étude.
Des saumures martiennes avec suffisamment d’oxygène pour maintenir une vie microbienne aérobie
Pour ce faire, les chercheurs ont tout d’abord développé un modèle chimique décrivant la dissolution de l’oxygène dans les saumures à des températures inférieures au point de congélation de l’eau. Ensuite, ils ont examiné la dynamique climatique globale de Mars et comment elle a varié au cours des derniers 20 millions d’années ; période pendant laquelle l’inclinaison de l’axe de la planète a évolué, modifiant les climats locaux.
Les résultats ont montré que si les niveaux de dioxygène atmosphérique sont très bas, les saumures peuvent en capturer suffisamment pour permettre à la vie microbienne aérobie de se développer. Ces zones aqueuses pourraient même avoir contenu plus de dioxygène que sur Terre il y a 2.4 milliards d’années. L’étude a été spécifiquement menée en considérant les niveaux de dioxygène dissous requis pour des micro-organismes (bactéries, champignons microscopiques) et des éponges.
Plus tôt cette année, la sonde européenne Mars Express a détecté la trace d’un vaste lac d’eau liquide sous la surface du pôle sud de Mars. Le sel pourrait aider une eau comme celle-ci à rester liquide face aux températures inférieures à zéro sur la planète rouge. Les futures missions, notamment l’atterrisseur InSight de la NASA et le rover Mars 2020, devraient révéler de nouvelles informations sur la situation.
Un long travail d’analyse reste encore à effectuer, et des prélèvements in situ devront être réalisés dans le futur pour statuer sur la présence d’une vie martienne, mais ces résultats rappellent que Mars n’est peut-être pas ce monde aseptisé incompatible avec la vie que les scientifiques ont longtemps soupçonné. « Cela change complètement notre compréhension de la possibilité de la présence de vie sur Mars aujourd’hui » conclut Vlada Stamenković, géochimiste au Clatech et auteur principal de l’étude.