Un médicament coûtant moins de 2€ par jour aide au traitement des formes graves de COVID-19

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Des chercheurs espagnols ont démontré qu’un médicament couramment utilisé pour traiter certaines maladies cardiovasculaires, le métoprolol — commercialisé sous plusieurs noms dont Lopressor et Bétaloc, peut aider à traiter efficacement les formes graves de COVID-19 en réduisant notamment l’infiltration des neutrophiles dans les poumons et en améliorant l’oxygénation.

Pour prouver l’efficacité du métoprolol — normalement utilisé pour traiter l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et pour prévenir l’angine de poitrine — dans le traitement des formes graves de COVID-19, des chercheurs du Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculares (CNIC), en Espagne, ont mené une étude randomisée sur 20 patients intubés. Les résultats ont été publiés récemment dans le Journal of the American College of Cardiology (JACC).

La forme la plus grave de COVID-19 est l’insuffisance respiratoire sévère, qui nécessite une intubation et est associée à un taux de mortalité élevé. L’infection pulmonaire par le SARS-CoV-2 peut évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), dans lequel l’inflammation et l’hyperactivation des neutrophiles jouent un rôle central. Les médecins ne cessent de le répéter : il y a un inquiétant manque de thérapies pour le SDRA associé à la COVID-19.

Métoprolol : un effet hautement sélectif sur les neutrophiles hyperactivés

L’équipe de recherche a découvert que le métoprolol, un bêtabloquant bien connu, a un effet hautement sélectif sur les neutrophiles hyperactivés dans des situations de stress aigu comme un infarctus du myocarde. Étant donné le rôle central joué par les neutrophiles dans le SDRA, l’équipe a postulé que le métoprolol pourrait être un traitement efficace pour les patients atteints de COVID-19 sévère.

L’étude a été dirigée par le Dr Borja Ibáñez, chef de groupe du Laboratoire translationnel d’imagerie et de thérapie cardiovasculaires du CNIC, cardiologue à l’Hospital Universitario Fundación Jiménez Díaz (FJD) de Madrid, dans le cadre du projet MADRID-COVID, un essai clinique randomisé mené en étroite collaboration entre le CNIC et les services de cardiologie, de soins intensifs, de pneumologie et la biobanque de l’hôpital FJD.

L’essai pilote a examiné l’effet de l’administration de métoprolol par voie intraveineuse sur l’inflammation pulmonaire et la fonction respiratoire chez des patients COVID-19 sévères intubés après avoir développé un SDRA.

Le Dr Ibáñez explique que l’équipe « a randomisé 20 patients intubés pour COVID-19 pour qu’ils reçoivent du métoprolol par voie intraveineuse (15 mg par jour pendant 3 jours) ou soient inclus dans un groupe témoin qui n’a pas reçu de métoprolol ». Ils ont analysé l’infiltrat inflammatoire dans le liquide broncho-alvéolaire avant et après le traitement et ont également suivi les paramètres de progression clinique tels que l’oxygénation et le nombre de jours de ventilation mécanique.

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Comparaison de l’infiltration de cellules immunitaires dans le tissu pulmonaire entre le groupe contrôle (gauche) et le groupe traité au métoprolol (droite). La tempête de cytokines, responsable de nombreux dégâts tissulaires, peut également être évitée ou diminuée avec le métoprolol. © Clemente-Moragón, A. et al. J Am Coll Cardiol

Le co-auteur Eduardo Oliver a affirmé que le traitement par métoprolol intraveineux a réduit de manière significative l’infiltration des neutrophiles dans les poumons et a amélioré l’oxygénation. Le spécialiste des soins intensifs Arnoldo Santos, qui a coordonné la partie de l’étude consacrée aux soins intensifs, a indiqué que l’équipe a constaté une tendance claire chez les patients traités au métoprolol à nécessiter moins de jours de ventilation mécanique et donc un séjour plus court dans l’unité de soins intensifs.

Un traitement efficace et bon marché

« Bien qu’il faille être prudent avec les résultats d’un essai pilote, nous avons observé que le traitement au métoprolol dans ce contexte clinique est sûr, qu’il est associé à une réduction très significative de l’infiltration pulmonaire et qu’il semble entraîner des améliorations très rapides de l’oxygénation des patients », a ajouté Ibáñez.

Les chercheurs proposent donc le métoprolol intraveineux comme une « intervention prometteuse qui pourrait améliorer le pronostic des patients COVID-19 gravement malades ». Ils soulignent également que le métoprolol est un médicament sûr et bon marché (coût du traitement quotidien inférieur à 2 euros) qui est facilement disponible.

« L’effet du métoprolol sur l’hyperactivation des cellules inflammatoires impliquées dans le SDRA est exclusif à ce bêta-bloquant », ajoute le co-premier auteur Agustín Clemente-Moragón. Dans une étude expérimentale précédente, le même groupe a récemment démontré que d’autres bêtabloquants apparemment similaires n’ont aucun effet sur l’inflammation pulmonaire exacerbée.

Cette étude est un excellent exemple de collaboration entre chercheurs fondamentaux et cliniciens. En effet, les quatre premiers auteurs ont contribué à parts égales à l’étude ; deux sont des chercheurs fondamentaux (Clemente-Moragón et Oliver), un est cardiologue (Martínez-Milla) et un est spécialiste des soins intensifs (Santos).

« Bien qu’il s’agisse d’une étude pilote et qu’elle devra être confirmée par un essai de plus grande envergure, la sécurité, la disponibilité et l’effet biologique robuste du métoprolol pourraient ensemble être suffisants pour envisager son utilisation chez les jeunes patients admis aux soins intensifs avec une COVID-19 sévère », indique le Dr Valentín Fuster, directeur général du CNIC et co-investigateur de cette étude.

L’équipe de recherche dirigée par le Dr Ibáñez a récemment reçu un financement de l’Instituto de Salud Carlos III (ISCIII) pour un essai clinique visant à démontrer définitivement les avantages cliniques du métoprolol chez 350 patients atteints de COVID-19 sévère admis dans 14 unités de soins intensifs en Espagne. L’essai clinique, nommé MAIDEN, sera coordonné par le réseau de recherche cardiovasculaire CIBER et inclura la participation de spécialistes cardiovasculaires et respiratoires.

Source : Journal of the American College of Cardiology

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