Les médicaments laissent des empreintes sur le microbiote intestinal même des années après, selon une étude

« … [cela] constitue un facteur étonnamment puissant pour expliquer les différences individuelles au niveau du microbiome »

medicaments microbiote empreintes
| Unsplash
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

En analysant les données de plus de 2 500 patients, des chercheurs ont découvert que les médicaments laissent une empreinte durable sur le microbiote intestinal, perceptible même plusieurs années après leur prescription. Si les antibiotiques sont depuis longtemps connus pour modifier cet écosystème, l’étude révèle que ces effets concernent également les antidépresseurs, les bêtabloquants et d’autres composés.

Le microbiote intestinal est reconnu pour jouer un rôle central dans notre santé et notre bien-être. Sa composition reflète non seulement notre état de santé, mais aussi notre mode de vie et l’environnement dans lequel nous évoluons. Sa perturbation, appelée dysbiose intestinale, est impliquée dans de nombreuses maladies, allant de la maladie d’Alzheimer à la maladie de Parkinson, en passant par les maladies métaboliques comme l’obésité et la dépression.

Il constitue de ce fait une cible thérapeutique prometteuse pour de multiples affections. L’analyse de sa composition permet d’évaluer les risques de développer certaines pathologies. De récentes études montrent aussi qu’il peut conserver la trace des médicaments consommés par le passé. En particulier, l’utilisation d’antibiotiques peut durablement modifier le microbiote intestinal. Et plus la quantité utilisée est importante, plus les changements dans le microbiote sont importants.

Les effets à long terme d’autres médicaments, tels que les antidépresseurs et les bêtabloquants, ont également été évoqués. Cependant, aucune évaluation systématique n’avait encore étudié leur impact prolongé sur le microbiome fécal. Autrement dit, la manière dont l’exposition passée à différents types de médicaments influe sur le microbiome intestinal reste en grande partie méconnue. (Le terme « microbiote » désigne l’ensemble des espèces microbiennes présentes, tandis que « microbiome » fait référence à l’ensemble des gènes qu’elles renferment.)

Une étude menée par l’Institut de génomique de l’Université de Tartu, en Estonie, comble en partie cette lacune. Elle s’appuie sur une analyse à grande échelle d’échantillons de selles et de dossiers de prescription médicaux recueillis sur plusieurs années. « Il s’agit de la première étude exploitant des données rétrospectives détaillées sur l’utilisation des médicaments, issues de dossiers médicaux électroniques, afin d’évaluer systématiquement leurs effets à long terme sur le microbiome intestinal », souligne le rapport, publié dans la revue mSystems.

Anxiolytiques et antibiotiques: des changements profonds dans la composition du microbiote

Les chercheurs ont étudié les données métagénomiques intestinales de 2 509 personnes issues de la cohorte Biobank estonienne. Celle-ci regroupe des années de prescriptions enregistrées dans les dossiers médicaux électroniques. Les analyses incluent les effets à long terme non seulement d’antibiotiques, mais aussi d’autres médicaments tels que les antidépresseurs, les bêtabloquants (utilisés dans les affections cardiovasculaires), les inhibiteurs de la pompe à protons (contre les troubles gastriques) et les benzodiazépines (prescrites comme anxiolytiques).

La majorité des molécules étudiées se sont révélées associées à des modifications du microbiome intestinal. Une proportion importante de ces changements perdurait plusieurs années après la prise du traitement. Les benzodiazépines, en particulier, ont montré des effets comparables à ceux d’antibiotiques à large spectre, entraînant des changements profonds de la composition microbienne. En revanche, d’autres médicaments anxiolytiques ont induit des effets variables selon les molécules.

« La plupart des études sur le microbiome prennent en compte les médicaments actuels, mais nos résultats montrent que la consommation passée peut être tout aussi déterminante, car elle constitue un facteur étonnamment puissant pour expliquer les différences individuelles au niveau du microbiome », explique Oliver Aasmets, auteur principal de l’étude, dans un communiqué.

Des échantillons de suivi provenant d’un sous-groupe de participants ont confirmé que l’initiation ou l’arrêt de certains traitements entraînait des modifications prévisibles du microbiote intestinal. Les effets prolongés des inhibiteurs de la pompe à protons, des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (des antidépresseurs) et des antibiotiques (notamment les pénicillines et les macrolides) ont ainsi été corroborés.

La taille réduite de cet échantillon limite cependant la portée des conclusions. D’autres travaux devront confirmer ces observations. L’équipe estime néanmoins que, bien que préliminaires, ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte l’historique médicamenteux des patients dans l’étude de l’implication du microbiote dans diverses pathologies.

« Il s’agit d’une évaluation systématique et complète des effets à long terme des médicaments sur le microbiome, réalisée à partir de données médicales réelles », précise Elin Org, auteure correspondante de l’étude. « Nous espérons que ces résultats inciteront chercheurs et cliniciens à considérer l’historique médicamenteux dans l’interprétation des données microbiologiques », conclut-elle.

Source : mSystems
Laisser un commentaire