Dans un premier temps, les réseaux sociaux (comme notamment les célèbres Facebook, Twitter et Instagram) étaient un moyen de rester en contact avec des amis, la famille ainsi que des personnes d’intérêt. Au fil du temps, ces plateformes se sont démocratisées en mettant en avant leurs nombreux avantages pour la communication et l’accès à l’information. Cependant, à présent, un usage moins connu du grand public — mais non moins dangereux — a fait son émergence : la manipulation de l’opinion publique sur et via les réseaux sociaux.
Vous avez sans aucun doute entendu parler du fait que des pirates informatiques peuvent accéder à vos données et les utiliser, que des gouvernements utilisent les médias sociaux pour vous manipuler, etc. Peut-être vous demandez-vous comment cela est possible. Aujourd’hui, nous mettons en lumière certaines de ces pratiques.
De nos jours, les médiaux numériques ont une place importante au sein de la société et permettent de s’exprimer et d’échanger, des éléments non négligeables dans la vie politique d’un pays. Par exemple, de récents travaux de recherche ont mis en évidence le lien étroit existant entre les résultats politiques d’une élection et la nature et la quantité des échanges sur les médias sociaux, les jours et mois précédents. C’est notamment le cas pour les élections américaines, allemandes, australiennes et françaises.
Il faut savoir que les réseaux sociaux ne se contentent pas de vous fournir les publications des comptes que vous suivez : ils utilisent des algorithmes pour organiser ce qui s’affiche sur votre écran, en fonction de vos interactions et intérêts sur ledit réseau. En effet, certaines publications s’affichent chez certains utilisateurs, et plus les personnes réagissent (que ce soit positivement ou négativement), plus elles seront mises en avant pour d’autres utilisateurs.
Malheureusement, les mensonges et les contenus extrêmes suscitent généralement de nombreuses réactions et se propagent donc très vite (ainsi que de manière très vaste). Et ce sont souvent de véritables armées de bots qui aident à cette propagation (à savoir qu’un bot informatique est un agent logiciel automatique ou semi-automatique qui interagit avec des serveurs informatiques).
Ces bots ont l’apparence de vrais comptes, mais ne correspondent pas à de vraies personnes : ces derniers sont contrôlés par des pirates, des entreprises, etc. Par exemple, concernant la pandémie actuelle de COVID-19, des chercheurs ont rapporté que plus de la moitié des comptes Twitter discutant du virus, sont justement des bots.
Sur Internet, il existe un nombre incalculable de faux comptes, utilisés à diverses fins, par le biais d’une fausse identité. Dans de nombreux cas, cette tromperie peut facilement être révélée en consultant l’historique du compte (peu voire pas d’amis, peu voire pas de publications, création récente du compte, peu voire pas de photos, des publications uniquement en relation avec le thème propagé, etc.). Mais dans certains cas, il y a un grand investissement pour que ces faux comptes semblent réels.
Par exemple, Jenna Abrams, un compte avec plus de 70’000 abonnés, a été cité par des médias grand public comme le New York Times, exposant ses opinions xénophobes et d’extrême droite. Cependant, il s’agissait en réalité d’un faux compte contrôlé par l’Internet Research Agency, une organisation russe de diffusion de propagande sur Internet : un gros troll (à noter qu’en argot Internet, un troll caractérise un individu ou un comportement qui vise à générer des polémiques).
Dans tous les cas, la propagation de fausses informations ou trompeuses visant à manipuler l’opinion publique peut avoir de très grandes conséquences. C’est d’ailleurs l’une des principales menaces identifiées à l’ère digitale par le Forum économique mondial.
Semer le chaos
Souvent, les trolls ne se soucient pas autant des problèmes que du fait de semer la méfiance ou simplement, le chaos. En effet, plus que de simplement attiser les désaccords, les trolls veulent encourager la croyance que la vérité n’existe plus. Il faut se méfier de ce qui peut être lu sur les médiaux sociaux, afin de ne pas nous laisser nous entraîner dans leur jeu, et réussir à préserver nos propres opinions (et que ces dernières ne soient pas façonnées par ces trolls et leurs attaques).
Par exemple, lorsque l’on voit un post qui a des millions de likes, une partie de nous pourrait se dire que ce dernier reflète l’opinion publique. Mais ce n’est pas forcément le cas, au vu du nombre de faux comptes qui existent et à la manipulation de masse qui peut en résulter. À un niveau plus profond et grave, il est possible de manipuler les foules afin de retourner les voix des démocraties les unes contre les autres, et ainsi, les régimes autoritaires peuvent commencer à sembler préférables au chaos, et être le « moindre mal ».
Par ailleurs, le fait de ne pas agir a souvent été justifié par des préoccupations concernant la liberté d’expression. Mais la liberté d’expression, inclut-elle le droit de créer 100’000 faux comptes dans le but de répandre des mensonges et le chaos ?
Vous aimerez également : Comment les théories du complot émergent et s’effondrent-elles ?
Parlons de cas concrets : une étude de l’Institut des sciences de l’information de l’USC a étudié l’usage de bots dans le cadre de la campagne présidentielle américaine : l’étude a ainsi permis de mettre en évidence l’existence de 4,9% et 6,2% des profils libéraux et conservateurs comme étant des bots. L’enquête du Congrès américain a permis d’identifier l’usage par les Russes de trolls et de bots afin de diffuser de fausses informations et influencer la campagne. Et en France, certaines études ont étudié le macronleaks qui a eu lieu lors de l’élection présidentielle : les résultats des chercheurs ont montré l’usage de trolls et de bots afin de disséminer l’information relative à l’implication de la Russie dans cette affaire. La nature et le comportement des bots utilisés mènent à penser à l’usage de marchés noirs dont la valeur marchande sont les bots.
#WikiLeaks publie l’intégralité des « #MacronLeaks » (moteur de recherche inclus) https://t.co/W23KsI7ZXu
— Le Monde (@lemondefr) July 31, 2017
Prenez le dessus
Alors, qu’est-ce qui peut être fait à une échelle individuelle ?
Dans un premier temps : utilisez votre bon sens, vérifiez les sources et les dates de ce que vous lisez et ce que vous partagez sur vos comptes ou à vos connaissances. Utilisez les réseaux sociaux de manière plus délibérée. Choisissez ce que vous consommez, plutôt que de consommer le flux par défaut. Vous pouvez notamment vous renseigner auprès des sites comme PolitiFact pour vérifier la légitimité des informations politiques circulant sur les réseaux sociaux.
Dans un deuxième temps : si vous avez des doutes sur la validité d’un compte, n’hésitez pas à le reporter à la plate-forme. En effet, faites pression sur les plateformes de médias sociaux pour supprimer des comptes présentant des signes clairs d’automatisation. Demandez plus de contrôles pour gérer ce que vous voyez et quels messages sont amplifiés (ce qui est notamment possible dans les réglages). Cela concerne également les publicités que vous voyez. Demandez plus de transparence sur la manière dont les messages sont promus et sur qui place les annonces. Dans le cas d’un compte Twitter par exemple, vous pouvez tester son score botometer pour identifier si celui-ci est automatisé ou non.
Troisièmement : soyez conscient des trolls et ne tombez pas dans leur jeu.
Et, peut-être plus important encore : utilisez les réseaux sociaux avec parcimonie (comme toute autre substance addictive et toxique) et investissez dans des conversations plus constructives dans le développement de la communauté. Écoutez les discours de vraies personnes, de vraies histoires et de vraies opinions, et construisez vos opinions à partir de là. Enfin, il est important de ne pas prendre toute information pour acquise et de questionner la validité de celle-ci surtout si elle ne provient pas d’une source de confiance.