Parmi les différents types de mémoire, la mémoire procédurale (ou motrice) concerne l’apprentissage et le stockage des savoir-faire. Par exemple, faire du vélo ou pratiquer un instrument de musique font partie de ce type de mémoire à long terme. Selon les neuroscientifiques, il s’agit d’un type de mémoire particulier qui s’encoderait différemment de la mémoire des noms par exemple. Comment les souvenirs moteurs se forment-ils et pourquoi persistent-ils dans notre cerveau ? Une nouvelle étude tente de répondre à ces questions et de mettre en évidence les possibles causes des troubles du mouvement tels que la maladie de Parkinson. Dans ce cadre, des chercheurs ont observé pour la première fois la formation d’un « souvenir moteur » en temps réel.
« Nous pensons que la mémoire motrice est unique », a déclaré d’emblée dans un communiqué de l’Université de Stanford Jun Ding, professeur associé de neurochirurgie et de neurologie et co-auteur de la nouvelle étude. « Certaines études sur la maladie d’Alzheimer incluaient des participants qui étaient auparavant musiciens et qui ne pouvaient pas se souvenir de leur propre famille, mais qui pouvaient encore produire de la belle musique. Il est clair qu’il y a une énorme différence dans la façon dont les souvenirs moteurs se forment ».
Ces souvenirs seraient encodés dans le cerveau par un réseau complexe de neurones, parfois répartis dans des régions cérébrales éloignées. En effet, l’apprentissage et la consolidation de nouvelles compétences motrices nécessitent une plasticité dans le cortex moteur et le striatum, deux régions motrices clés du cerveau.
L’une des interprétations des adaptations particulières de l’activité neuronale liée au comportement réside dans le fait que ces neurones forment ce que l’on appelle un « engramme mnésique » — ou trace biologique de la mémoire dans le cerveau. Depuis longtemps, la question est de savoir quels processus cellulaires et synaptiques conduisent à la formation de neurones engrammes pendant l’apprentissage, et comment ces neurones s’intègrent dans les circuits cérébraux.
Pour leur nouvelle étude, les chercheurs ont entraîné des souris à utiliser la fonction motrice de leurs pattes pour atteindre des boulettes de nourriture situées derrière une petite fente. Ils ont utilisé une approche génétique pour identifier les neurones activés pendant l’apprentissage comportemental dans le cortex moteur primaire du cerveau (une zone responsable du contrôle des mouvements).
Les engrammes de mémoire forment de nouvelles connexions neuronales avec l’apprentissage
Ils ont également suivi ces cellules avec un marqueur fluorescent afin de voir si, par la suite, elles étaient impliquées dans le rappel du souvenir. C’est le cas, puisque les chercheurs ont noté que ces mêmes neurones étaient activés chez les souris qui se souvenaient encore de la nouvelle compétence quelques semaines plus tard.
L’engramme mnésique évolue même avec l’apprentissage, et de nouvelles voies synaptiques sont créées en permanence. Dans le détail, les neurones engrammés du cortex moteur reçoivent de nouvelles entrées et forment de nouvelles connexions de sortie dans une région cérébrale éloignée : le striatum dorsolatéral. Ces résultats identifient une plasticité synaptique hautement spécifique pendant la formation de traces de mémoire motrice de longue durée.
Les chercheurs expliquent que lorsque nous répétons des compétences acquises, nous renforçons les engrammes moteurs en établissant de nouvelles connexions, ce qui affine la compétence. « Lorsque vous apprenez à lancer un ballon de basket, vous utilisez un ensemble très diversifié de neurones à chaque fois que vous lancez, mais au fur et à mesure que vous vous améliorez, vous utilisez un ensemble plus raffiné qui est le même à chaque fois », a déclaré Richard Roth, co-auteur de l’étude. « Nous assumions déjà que ces voies neuronales raffinées étaient à la base d’un engramme de mémoire, mais nous voulions savoir exactement comment ces voies émergent ».
Vers une meilleure compréhension des troubles du mouvement
En outre, la nouvelle étude pourrait contribuer à éclaircir les causes des troubles du mouvement, comme la maladie de Parkinson. « La pensée actuelle est que la maladie de Parkinson est le résultat d’un blocage de ces engrammes moteurs, mais que se passe-t-il si ces engrammes sont en fait perdus et si les gens oublient ces compétences ? Rappelez-vous que même la marche est une habileté motrice que nous avons tous apprise une fois, et elle peut potentiellement être oubliée », rapportent les auteurs.
D’après eux, soit la maladie de Parkinson est le résultat d’un blocage des souvenirs moteurs, soit elle détruit les engrammes moteurs et inhibe la création de nouveaux engrammes. Des traitements spécifiques devront alors être développés contre la maladie.