Une nouvelle mesure de l’agglomération de l’Univers pourrait remettre en question le modèle cosmologique standard

L'écart relevé suggère que l’Univers est moins compact qu’on le pensait.

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Cette image, appelée Hubble eXtreme Deep Field (HXDF), prise en 2012, montre certaines des plus jeunes galaxies de l'Univers observable, lorsqu'il n'avait qu'environ 800 millions d'années. | NASA/ESA/R. Bouwens et G. Illingworth
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Une vaste étude internationale portant sur 25 millions de galaxies a mis en évidence une contradiction majeure dans la mesure de l’agglomération de l’Univers, connue sous le nom de « paramètre S». Alors que les calculs basés sur le fond diffus cosmologique prédisent une valeur S8 de 0,83, les nouvelles estimations avancent une valeur de 0,776. Cet écart suggère que l’Univers est moins compact qu’on le pensait, ce qui pourrait remettre en question le modèle cosmologique standard.

Selon le modèle cosmologique standard, l’Univers a été progressivement étendu par une force invisible connue sur le nom d’énergie noire, quelques millions d’années après le Big Bang. À mesure que cette expansion progressait, la matière ordinaire s’est agglomérée autour d’amas de matière noire, ce qui a contribué à la formation des galaxies et des amas de galaxies. Dans son état actuel, l’Univers est composé de 5% de matière ordinaire (principalement de l’hydrogène et de l’hélium), de 25% de matière noire, de 70% d’énergie noire ainsi que d’une infime quantité de photons.

La manière dont la matière ordinaire s’agglutine autour de la matière noire est mesurée selon le paramètre S8. En d’autres termes, ce paramètre caractérise à quel point notre univers est « grumeleux » — une variable essentielle pouvant influencer son taux d’expansion (constante de Hubble). La valeur de ce paramètre peut être calculée selon le modèle cosmologique standard, en ajustant celui-ci avec les propriétés du fond diffus cosmologique (CMB) — le rayonnement résiduel émis environ 380 000 ans après le Big Bang. Cette méthodologie a donné une estimation de S8 de 0,83.

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Cependant, cette valeur est en contradiction avec celle obtenue par l’équipe de la nouvelle étude ainsi que d’autres équipes. Cet écart entre les deux valeurs pourrait donner lieu à un autre désaccord cosmologique majeur dit « tension S8 », au même titre que la « tension de Hubble ».

Dans le cadre de la nouvelle recherche, les experts de l’Université de Princeton ont étayé leurs mesures en collaborant avec plusieurs groupes d’astronomes internationaux. Les résultats définitifs sont détaillés dans la revue Physical Review D. « Notre objectif global est de mesurer certaines des propriétés les plus fondamentales de notre univers », a expliqué sur le blog de Princeton le coauteur de l’étude Roohi Dalal.

Une valeur de S8 inférieure à celle estimée avec le modèle standard

Bien que l’énergie et la matière noire composent la grande majorité de notre univers, nous n’en savons que très peu sur ces dernières. La seule manière de les détecter est d’observer de quelle façon elles déforment la lumière provenant de galaxies lointaines par exemple, par le biais d’un léger effet de lentille gravitationnelle. Cette distorsion est si infime qu’elle est presque imperceptible en observant une seule galaxie. Cependant, elle est plus aisément détectable en effectuant ce genre de mesure sur des millions de galaxies. Pour ce faire, l’équipe de la nouvelle étude s’est appuyée sur l’une des plus puissantes caméras astronomiques au monde, l’Hyper Suprime-Cam (HSC) et sur le télescope japonais Subaru de 8,2 mètres pour observer un total de 25 millions de galaxies.

En analysant les résultats à l’aveugle (afin d’éviter les éventuels biais), les chercheurs ont obtenu une valeur S8 de 0,776. Cette valeur a été confirmée par les calculs des équipes d’astronomes japonaises et taïwanaises contribuant à l’étude, ainsi que celles du Dark Energy Survey et du Kilo-Degree Survey.

« Nous confirmons un sentiment croissant au sein de la communauté scientifique, selon lequel il existe un réel écart entre la mesure de l’agrégation dans l’univers primitif (mesurée à partir du CMB) et celle de l’ère des galaxies, il y a 9 milliards d’années », a déclaré l’un des coauteurs de l’étude, Arun. Kannawadi, de l’Université de Princeton.

Bien que l’écart entre les deux valeurs soit a priori assez faible, leurs confirmations par d’autres équipes semblent exclure le hasard. « Nous ne disons pas que nous venons de découvrir que la cosmologie moderne est complètement fausse. Les statistiques montrent qu’il n’y a qu’une chance sur 20 que ce soit simplement dû au hasard, ce qui est convaincant, mais pas complètement définitif », estime l’un des directeurs de la recherche, Michael Strauss, de l’Université de Princeton.

Une potentielle explication est qu’il puisse y avoir une erreur d’origine inconnue dans l’estimation de l’une des deux mesures, ou que le modèle cosmologique standard est tout simplement incomplet ou biaisé. Cela soulèverait la possibilité d’un besoin de refonte de ce modèle.

En prochaine étape, l’équipe de recherche prévoit de tester son hypothèse en réajustant différents paramètres, tels que la quantité exacte de matière noire et d’énergie noire dans l’Univers. Les futures études seront d’ailleurs appuyées prochainement par des dispositifs plus puissants, comme le télescope de l’observatoire Vera C. Rubin au Chili et le télescope spatial Nancy Grace, qui devraient être mis en service respectivement en 2025 et 2027.

Source : Physical Review D.

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