Les métaux étranges sont étudiés par les physiciens depuis des décennies, sans qu’un modèle théorique solide n’ait pu être développé afin d’en expliquer la nature ou la dynamique. Récemment, une équipe de chercheurs a percé le mystère de ces curieux matériaux en montrant qu’il s’agissait d’un nouvel état de la matière bordé par deux états précédemment connus. En outre, les auteurs soulignent les similitudes en termes de propriétés physiques entre les métaux étranges et les trous noirs.
Les métaux étranges sont liés aux supraconducteurs à haute température et ont des connexions surprenantes avec les propriétés des trous noirs. Les électrons dans les métaux étranges dissipent l’énergie aussi vite qu’ils le permettent selon les lois de la mécanique quantique, et la résistivité électrique d’un métal étrange, contrairement à celle des métaux ordinaires, est proportionnelle à la température.
Avoir une compréhension théorique des métaux étranges est l’un des plus grands défis de la physique de la matière condensée. En utilisant des techniques de calcul de pointe, des chercheurs du Flatiron Institute de New York et de l’Université Cornell ont développé le premier modèle théorique robuste de ces matériaux. Les travaux révèlent que les métaux étranges sont un nouvel état de la matière, rapportent les chercheurs dans la revue PNAS.
« Les métaux étranges partagent des propriétés remarquables avec les trous noirs, ouvrant de nouvelles directions passionnantes pour la physique théorique », déclare Olivier Parcollet, physicien au Centre de physique quantique computationnelle (CCQ) du Flatiron Institute.
Métaux étranges : l’obstacle de leur complexité quantique
Dans le monde de la mécanique quantique, la résistance électrique est un sous-produit des électrons qui se heurtent aux objets. Lorsque les électrons traversent un métal, ils rebondissent sur d’autres électrons ou impuretés du métal. Plus il y a de temps entre ces collisions, plus la résistance électrique du matériau est faible. Pour les métaux typiques, la résistance électrique augmente avec la température, suivant une équation complexe.
Mais dans des cas inhabituels, comme lorsqu’un supraconducteur à haute température est chauffé juste au-dessus du point où la supraconduction s’arrête, l’équation devient beaucoup plus simple. Dans un métal étrange, la conductivité électrique est directement liée à la température et à deux constantes fondamentales de l’Univers : la constante de Planck et la constante de Boltzmann. Par conséquent, les métaux étranges sont également connus sous le nom de métaux planckiens.
Les modèles de métaux étranges existent depuis des décennies, mais la résolution précise de ces modèles s’est avérée hors de portée avec les méthodes existantes. Les intrications quantiques entre électrons signifient que les physiciens ne peuvent pas traiter les électrons individuellement, et le nombre de particules dans un matériau rend les calculs encore plus complexes.
Un nouvel état de la matière partageant des propriétés avec les trous noirs
Les auteurs ont utilisé deux méthodes différentes pour résoudre le problème. Tout d’abord, ils ont utilisé une méthode d’enrobage quantique basée sur des idées développées par Georges au début des années 90. Avec cette méthode, au lieu d’effectuer des calculs détaillés sur l’ensemble du système quantique, les physiciens effectuent des calculs détaillés sur seulement quelques atomes et traitent le reste du système plus simplement. Ils ont ensuite utilisé un algorithme quantique de Monte Carlo, qui utilise un échantillonnage aléatoire pour calculer la réponse à un problème.
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Les chercheurs ont résolu le modèle des métaux étranges jusqu’au zéro absolu (-273.15 °C), la température inférieure limite inaccessible dans l’Univers. Le modèle théorique qui en résulte révèle l’existence de métaux étranges comme un nouvel état de la matière bordant deux phases de la matière précédemment connues : les verres de spin isolants de Mott et les liquides de Fermi.
« Nous avons découvert qu’il y a une région entière dans l’espace des phases qui présente un comportement planckien qui n’appartient à aucune des deux phases entre lesquelles nous faisons la transition », explique Kim. Les nouveaux travaux pourraient aider les physiciens à mieux comprendre la physique des supraconducteurs à haute température.
Peut-être étonnamment, le travail a des liens avec l’astrophysique. Comme les métaux étranges, les trous noirs présentent des propriétés qui ne dépendent que de la température et des constantes de Planck et de Boltzmann, telles que la durée pendant laquelle un trou noir « résonne » après avoir fusionné avec un autre trou noir. « Le fait de trouver cette même échelle dans tous ces différents systèmes, des métaux planckiens aux trous noirs, est fascinant », conclut Parcollet.