Vaincre la résistance électrique dans les circuits électroniques est un défi permanent pour les ingénieurs et les physiciens afin d’améliorer les technologies actuelles. Un matériau jusqu’alors inexploité vient de révéler des spectaculaires propriétés de conduction électrique et pourrait révolutionner la micro-électronique nouvelle génération.
L’oxyde de lanthane-strontium-cuivre (OLSC), de formule La-Sr-Cu-O, est un métal dont les propriétés de conduction nouvellement découvertes expérimentalement pourraient faire de celui-ci un matériau clé pour les supraconducteurs de demain. En effet, lorsqu’il est plongé dans un puissant champ magnétique, ce matériau présente des propriétés inhabituelles de conduction électrique. L’étude de l’OLSC pourrait conduire les scientifiques à mieux comprendre le fonctionnement des supraconducteurs à haute température (HTS).
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Contrairement aux supraconducteurs à basse température, les HTS sont constitués d’une combinaison de matériaux permettant aux électrons de se déplacer librement à travers les particules composant la structure conductrice. Toutefois, bien que le terme « haute température » soit utilisé, les HTS requiert tout de même des températures inférieures à -135 °C ; des températures toujours plus élevées que les -240 °C nécessaires aux supraconducteurs basse température.
Tester les limites des HTS permettrait un jour de les incorporer dans nos technologies quotidiennes. Cependant, leurs propriétés sont encore peu connues des scientifiques. Mais une équipe de physiciens du National High Magnetic Field Laboratory de l’université d’État de Floride a obtenu d’intéressants résultats qui pourraient offrir un début d’explication sur le fonctionnement des HTS. La découverte a été publiée dans la revue Science.
Les cuprates : des matériaux aux propriétés inhabituelles
Dans la plupart des métaux, les électrons interagissent avec les particules environnantes pour former des quasi-particules. Ces dernières possèdent les propriétés ordinaires des électrons ainsi que des propriétés supplémentaires. Dans les supraconducteurs, les électrons s’apparient par paires via des interactions électrons-phonons, pour former des paires de Cooper ; ces quasi-particules sont à l’origine du phénomène de supraconductivité (résistivité électrique nulle).
Les matériaux constitués d’oxyde de cuivre — les cuprates — forment une catégorie d’HTS. Ils prennent la forme d’une fine couche d’oxyde de cuivre pris en étau entre d’autres matériaux dopant la couche conductrice. À la bonne température, cette combinaison devient ce que les scientifiques appellent un « métal étrange ». L’étrangeté vient de l’inhabituelle relation entre la chute constante de la température et la résistance électrique des atomes de la structure.
Pour la plupart des métaux, tandis que la température augmente, chaque degré en plus ajoute la même quantité de résistance électrique à l’ensemble. Cette relation linéaire disparaît à basse température. Mais ce n’est pas le cas pour les cuprates. En effet, même lorsqu’ils sont plongés à basse température, l’étrange relation linéaire entre température et résistance électrique persiste.
Une étrange relation entre résistance et intensité magnétique
Les physiciens se sont alors penchés sur la relation entre la résistance électrique et l’intensité du champ magnétique environnant. De précédentes études ont déjà testé l’effet du magnétisme sur les cuprates, mais aucune n’a testé l’effet des variations de l’intensité magnétique sur ces derniers.
Les auteurs ont donc placé un morceau d’oxyde de lanthane-strontium-cuivre au sein d’un champ magnétique de 80 teslas — soit 50 fois plus intense que le champ magnétique généré par un scanner médical ordinaire.
La variation du champ magnétique a révélé une étrange relation linéaire liée à la résistance électrique, tout comme avec la température. Cette similarité n’a pas été perçue comme une coïncidence par les physiciens. « Habituellement, lorsque vous voyez ce genre de chose, cela signifie qu’il y a un principe très simple qui se cache derrière » explique le physicien Arkady Shekhter.
Découvrir une augmentation proportionnelle de la résistance avec l’intensité magnétique suggère également une corrélation avec la dynamique des électrons ; hypothèse précédemment avancée mais qui nécessitait des preuves expérimentales. Cette corrélation entre les électrons semble écarter tout rôle joué par des quasi-particules indépendantes. Cela tend donc à démontrer qu’un nouveau phénomène, autre que la conductivité électrique ordinaire, est à l’oeuvre dans le processus.
« Nous faisons face à un problème que nul langage physique actuel ne peut solutionner » explique Shekhter. « Nous devons trouver un nouveau langage pour décrire ces matériaux ». Avec le développement de nouveaux outils théoriques, les physiciens devraient être capables d’approfondir leurs connaissances des HTS, voire même de créer des matériaux avec des propriétés encore plus inhabituelles.