Titanate de strontium : l’étrange supraconducteur qui échappe aux théories actuelles

effet meissner
Lévitation d'un aimant au-dessus d'un supraconducteur, par effet Meissner. | Peter Nussbaumer
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Découverte pour la première fois en 1911 par le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes, la supraconductivité est devenue un sujet actif de recherche en physique de la matière condensée et en ingénierie. Ses propriétés impressionnantes de conduction électrique en font une technologie prometteuse. Après plus de 100 ans de recherches, certains matériaux supraconducteurs interrogent encore les scientifiques. Récemment, une équipe de physiciens a commencé à percer le mystère du titanate de strontium ( SrTiO3).

La supraconductivité est classiquement définie par un double phénomène : une résistivité nulle, c’est-à-dire l’absence totale de résistance électrique au passage d’un courant, et l’effet Meissner, c’est-à-dire l’expulsion du champ magnétique lorsque la température du supraconducteur est inférieure à sa température critique. Les courants parcourant un tel matériau peuvent ainsi théoriquement circuler indéfiniment ; d’ailleurs, il faut savoir que pour les besoins d’une expérience, des courants électriques circulent maintenant depuis plus de 22 ans dans un gravimètre à supraconductivité.

titanate strontium
Structure cristalline du titanate de strontium de type pérovskite. Crédits : Université d’Aveiro

La majorité des supraconducteurs conventionnels sont des métaux . Cependant, certains matériaux de nature non métallique peuvent également présenter des propriétés supraconductrices. C’est notamment le cas du titanate de strontium (de formule SrTiO3), encore appelé « tausonite » à l’état naturel, qui montre une résistivité nulle à basses températures. La supraconductivité de ce matériau étant d’autant plus surprenante que, comparé aux supraconducteurs conventionnels, il ne possède que très peu d’électrons.

Si pendant longtemps l’origine de cette propriété est restée un mystère aux yeux des scientifiques, des physiciens du US Department of Energy’s SLAC National Accelerator Laboratory viennent de solutionner une partie de l’énigme. Dans leurs résultats publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, les auteurs montrent que le titanate de strontium présente une dynamique à l’opposé de celle des supraconducteurs. « C’est un système de fonctionnement où tout est inversé » explique le physicien Harold Hwang (Université de Stanford).

Pour comprendre le comportement supraconducteur du SrTiO3, il faut rappeler la façon dont la supraconductivité apparaît dans les matériaux conventionnels. L’émergence de propriétés supraconductrices est décrite par la théorie BCS, du nom de ses auteurs : John Bardeen, Leon Neil Cooper, et John Robert Schrieffer, dont la découverte leur vaudra le prix Nobel de physique en 1972. Dans cette théorie, au sein d’un métal soumis à des températures très basses, les électrons forment des paires – les paires de Cooper.

Lorsqu’ils sont couplés, les électrons forment une configuration cohérente de plus basse énergie (l’énergie de la paire de Cooper est inférieure à l’énergie initiale des deux électrons). Sous cette forme, les paires de Cooper ont un spin nul et se comportent comme des bosons. Dès lors, les paires d’électrons peuvent se déplacer sans aucune résistance dans le milieu, conférant au matériau ses propriétés supraconductrices.

Grâce à leur configuration électronique, les métaux constituent le cœur des supraconducteurs. D’ailleurs, il faudra attendre plusieurs dizaines d’années après la découverte d’Onnes, en 1911, pour que les premiers supraconducteurs non métalliques soient observés. Dans les années 1960, les physiciens ont découvert que le titanate de strontium présentait des propriétés supraconductrices alors que, selon les modèles de l’époque, il n’aurait pas dû.

« C’est un des nombreux matériaux que nous qualifions de supraconducteurs « non conventionnels », car leurs propriétés ne peuvent être expliquées par les théories actuelles » explique l’auteur principal de l’étude, Adrian Swartz (Stanford Institute for Materials and Energy Science). « En étudiant ce curieux comportement, nous espérons obtenir des indices sur les paramètres à l’origine de la supraconductivité dans ces matériaux non conventionnels, y compris ceux opérant à des températures plus élevées ».

Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé la spectroscopie tunnel, une technologie de haute précision permettant de « cartographier » les différents états de surface d’un matériau en fonction de leur énergie. « Cela fait plusieurs dizaines d’années que nous souhaitions réaliser cette expérience, mais nous n’en avions pas encore les moyens technologiques » précise Hwang. Et cette attente semble avoir porté ses fruits, car les auteurs ont observé une remarquable propriété du titanate de strontium.

Les supraconducteurs conventionnels possèdent en général un grand nombre d’électrons et des atomes vibrant peu intensément. À l’opposé, le SrTiO3 montre très peu d’électrons libres mais ses atomes vibrent avec une grande intensité. Cette configuration est compatible avec l’émergence de propriétés supraconductrices. « Ainsi, le titanate de strontium est un supraconducteur non conventionnel agissant comme un supraconducteur conventionnel sous certains aspects » conclut Hwang.

Le graphène n’est donc plus le seul matériau supraconducteur non métallique digne d’intérêt. Les auteurs de la publication ont pour objectif de continuer l’étude du titanate de strontium afin d’en explorer toutes les propriétés. Même si cette découverte ne solutionne qu’une partie de l’énigme entourant les supraconducteurs non conventionnels, elle participe un peu plus à l’émergence technologique prometteuse de la supraconductivité.

Source : PNAS

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