Métavers : permettra-t-il de masquer les parties « indésirables » de la vie réelle ? Des experts s’en inquiètent

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Avez-vous déjà rêvé de pouvoir ignorer certaines parties de la réalité ? Non ? Dommage pour vous, selon certains experts du milieu de la réalité augmentée, qui ont exprimé récemment leurs inquiétudes quant au développement du futur métavers de Meta (anciennement Facebook).

Depuis que Facebook a mis en avant sa volonté de faire basculer son métavers dans la réalité, les plumes ne tarissent pas à ce sujet. L’entreprise s’est même offert un changement de nom pour l’occasion. Elle se nomme désormais « Meta ». Une façon de souligner sa volonté de se focaliser sur cette nouvelle technologie, à n’en pas douter.

Ce métavers, qui superposerait des éléments virtuels à notre environnement réel, fait couler en ce moment une encre chargée d’inquiétude parmi des experts du domaine. Louis Rosenberg, informaticien et actuel PDG d’Unanimous AI, connu pour avoir développé le premier système de réalité augmentée fonctionnelle au Air Force Research Laboratory, fait partie de ces inquiets. Il s’est récemment exprimé dans une tribune, publiée dans Big Think, et a également accordé une interview sur le sujet à Business Insider.

Des bulles de réalité personnalisées ?

« Je suis plus convaincu que jamais que la réalité augmentée deviendra centrale dans tous les aspects de la vie, touchant à tout, de la façon dont nous travaillons et jouons à la façon dont nous communiquons les uns avec les autres. En fait, je suis convaincu que cela arrivera cette décennie – et oui, ce sera magique. Mais en même temps, je suis très préoccupé par les conséquences négatives, et ce n’est pas parce que je m’inquiète que de mauvais acteurs piratent la technologie ou détournent nos bonnes intentions. Non, je suis préoccupé par les utilisations légitimes de la RA par les puissants fournisseurs de plateformes qui contrôleront l’infrastructure », pose clairement l’entrepreneur.

Nous vivons déjà dans un monde où beaucoup d’intermédiaires existent entre nous et la réalité, rappelle-t-il. Notre accès aux informations, nos façons de communiquer, d’interagir, transitent à l’heure actuelle par des plateformes qui les altèrent. Un exemple flagrant de cela est, justement, Facebook. Ses algorithmes tiennent compte de nos préférences pour nous montrer des contenus qui abondent dans le sens de nos goûts et de nos opinions. En matière d’information, nous vivons déjà, donc, dans des mondes séparés. Il peut être facile d’avoir l’impression que la planète entière est d’accord avec nous (ou l’inverse) alors que ça n’est évidemment pas le cas.

Ce que craint Louis Rosenberg, c’est que la généralisation de la réalité augmentée amplifie ce phénomène. Un peu sur le même principe, il serait possible de ne pas voir certaines choses qui nous dérangent, parce qu’elles ne collent pas à notre vision du monde. Il prend l’exemple d’un partisan de « l’antiavortement » qui choisirait de masquer les cliniques d’avortement de son champ de vision, ou d’un pacifiste qui déciderait de ne plus voir les magasins d’armes. Nous vivrions alors dans des « bulles de réalité » personnalisées, qui exacerberaient les opinions et les visions du monde. Le « dernier bastion » d’un monde commun que constitue la réalité tangible risquerait, selon lui, de disparaître.

Les informations que nous faisons déjà transparaître de nos vies sur les réseaux sociaux, et sur internet en général, seraient aussi en mesure de nous suivre partout, donnant en permanence des indicateurs sur nos goûts, nos habitudes de consommation… Une tout autre dimension, certainement, pour la publicité et le marketing, si rien n’est régulé à ce sujet avertit également l’informaticien.

Du confort à l’obligation

Louis Rosenberg n’est d’ailleurs pas le seul à exprimer son inquiétude quant au métavers de l’ancien Facebook. « Facebook peut revendiquer l’originalité dans au moins une chose. Son impact à grande échelle, associé à son irresponsabilité, a déclenché un ensemble de défis sociopolitiques divers et fascinants qu’il faudra au moins une génération aux législateurs, aux universitaires et aux militants pour les résoudre », exprime avec virulence Ethan Zuckerman dans une tribune publiée dans The Atlantic, se référant notamment aux polémiques sur l’influence politique de Facebook lors des élections. Professeur à l’université du Massachusetts à Amherst, il y dirige l’initiative pour les infrastructures digitales. Il affirme avoir tenté de construire une première version d’un métavers, il y a 27 ans, et lance un pied de nez à Meta : « c’était désastreux à l’époque, et c’est toujours désastreux maintenant ».

Si le métavers s’avère si terrible que cela, ne serait-il pas facile de simplement enlever nos lunettes, ou tout autre appareil de réalité augmentée ? Pas si simple, pour Louis Rosenberg. Car après tout, ce que nous adoptons par praticité finit souvent par nous paraître essentiel à un moment donné, lorsque toutes sortes d’informations commencent à ne plus transiter que par ce biais.

Avoir une connexion internet ne nous paraît généralement plus si facultatif dans notre vie de tous les jours. C’est d’ailleurs un autre problème qu’il entrevoit : comment feront les familles qui ne peuvent pas se payer des lunettes de réalité augmentée si même le monde réel ne se suffit plus à lui-même pour fournir les informations essentielles ? Il garde cependant une certaine positivité sur le sujet : « Étant un optimiste, je crois toujours que la réalité augmentée peut être une force positive, faisant du monde un endroit magique et élargissant ce que cela signifie d’être humain. Mais pour nous protéger contre les dangers potentiels, nous devons procéder avec prudence et réflexion, en anticipant les problèmes qui pourraient corrompre ce qui devrait être une technologie édifiante ».

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