Des microbes anciens découverts dans la zone la plus inhospitalière du globe, repoussant les limites de la vie

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Une équipe de scientifiques japonais et américains sont allés rechercher la vie à plus de 5 kilomètres sous la surface de l’océan. Ils souhaitaient savoir si des formes de vie pouvaient persister dans des sédiments anciens – une région auparavant considérée comme dépourvue de vie. Ces derniers y ont trouvé des communautés entières de micro-organismes ayant vécu pendant plus de 100 millions d’années.

Les chercheurs ont collecté et analysé des échantillons de sédiments sous le gyre du Pacifique Sud, dans une plaine abyssale – une vaste zone plate de sédiments au fond de l’océan. Les échantillons provenaient de 3700 à 5700 mètres, soit jusqu’à plus de 5,6 kilomètres sous la surface de l’océan.

Auparavant, les chercheurs pensaient que ces plaines dans l’océan n’abritaient pas la vie. En effet, les sédiments contiennent peu de matière organique, ce qui rend la nourriture des microbes très rare. Les bactéries que les chercheurs ont trouvées étaient affamées, et la plus ancienne communauté que les chercheurs ont retrouvée dans des sédiments possèderait environ 101,5 millions d’années.

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Une fois que les chercheurs ont pu effectuer des tests en laboratoire, en nourrissant ces microbes anciens, de minuscules bactéries et archées (des microorganismes unicellulaires procaryotes – c’est-à-dire des êtres vivants constitués d’une cellule unique qui ne comprend ni noyau ni organites (à l’instar des bactéries), ont pu se développer, se reproduire et absorber des nutriments.

plaine abyssale
Schéma d’une plaine abyssale. Crédits : Wikimédia

Le co-auteur de l’étude Steven D’Hondt, professeur à l’Université de Rhode Island, faisait partie de l’équipe d’expédition et a recueilli des échantillons. L’objectif de cette mission était principalement de « comprendre à quoi ressemble la vie dans la communauté sédimentaire marine la moins hospitalière à laquelle on puisse penser », a expliqué D’Hondt.

Mais il s’est avéré que la communauté était loin d’être morte. Le biologiste Yuki Morono, qui a dirigé l’étude, a mené une série de tests sur une période de deux ans pour déterminer que les microbes découverts – soit 10 types de bactéries et traces d’archées différentes – pouvaient effectivement bien prospérer dans cet environnement. « Dès que Yuki leur a donné un environnement meilleur, ils ont pu en profiter », ajoute D’Hondt.

La vie dans une zone morte

Les nouvelles découvertes bouleversent les connaissances antérieures sur les zones océaniques pauvres en énergie. Bien que les sédiments les plus profonds proviennent de plusieurs kilomètres sous la surface de l’océan, les sédiments échantillonnés ici sont issus d’une couche d’environ 75 mètres d’épaisseur. Cette couche de sédiments repose sur une roche volcanique ignée, s’accumulant lentement (environ 75 centimètres tous les millions d’années !). Il faut savoir que la plupart du temps, les sédiments sont de la poussière. Par ailleurs, il n’y a pas beaucoup de vie dans la zone océanique située au-dessus, et les restes d’animaux qui flottent se dissolvent pour la plupart lorsqu’ils descendent.

Cela signifie que pour les microbes qui habitent les sédiments, il n’y a pas beaucoup d’énergie disponible. Ces derniers ne peuvent pas non plus réellement partir à la recherche de la nourriture – ils sont piégés dans les couches de poussière marine. « C’est comme s’ils étaient coincés dans une éponge à grains très fins », explique D’Hondt.

Pourtant, les communautés ont survécu. Comme les chercheurs ne savent pas à quelle vitesse les micro-organismes peuvent se reproduire avec si peu d’énergie, ils ne savent pas quel âge ont réellement les microbes individuels. Plutôt qu’un seul ensemble vivant pendant 100 millions d’années, « cela pourrait être les arrière-arrière-grands-parents de ces micro-organismes », déterrés par les scientifiques.

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Cette découverte soulève la question suivante : comment est-ce que ces communautés microbiennes ont-elles réussi à survivre si longtemps ? Selon les chercheurs, en grande partie, la réponse reste un mystère. « Nous ne savons pas comment ils ont vécu si longtemps dans ces conditions extrêmement limitées en énergie », explique D’Hondt.

Cependant, les chercheurs suggèrent plusieurs possibilités. Selon eux, les microbes pourraient trouver un moyen de se reproduire malgré les circonstances, faisant prospérer leurs communautés pendant des millions d’années. Ou alors, les minuscules organismes trouvent une source d’énergie encore non détectée. Les chercheurs estiment qu’il est également possible que des cellules individuelles vivent pendant une durée incroyablement longue. « Mon instinct me dit que nous allons découvrir qu’il s’agit de ces trois choses combinées », ajoute D’Hondt.

En attendant et quoi qu’il en soit, cette découverte fait allusion à de nouvelles possibilités de vie en général, suggérant que, peut-être, elle peut également exister sur d’autres planètes jugées au départ comme hostiles. Selon D’Hondt, sur Mars ou sur Europe (le satellite naturel de Jupiter), des communautés microbiennes établies il y a des centaines de millions d’années, voire plus, pourraient persister. « Avec juste une once d’énergie, elles pourraient encore être là, survivant à peine. Si la vie ancienne peut persister dans les zones les plus inhospitalières de la Terre, alors les limites de la survie disparaissent », explique D’Hondt. « Il n’y a probablement pas de limite à la vie, nulle part », a-t-il ajouté.

Source : Nature Communications

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