Brian Armstrong, milliardaire américain, fondateur et PDG de la plateforme Coinbase, et Blake Byers, un entrepreneur de la Silicon Valley spécialisé en bio-ingénierie, viennent de lancer une start-up dédiée à la reprogrammation épigénétique. La société, baptisée NewLimit, ambitionne de reprogrammer l’expression de nos gènes pour prolonger la durée de vie humaine.
« NewLimit commencera par interroger en profondeur les moteurs épigénétiques du vieillissement et développer des produits capables de régénérer les tissus pour traiter des populations de patients spécifiques », précise un communiqué publié sur le blog de l’entreprise. Il est notamment question d’utiliser l’apprentissage automatique pour saisir pleinement le mécanisme de vieillissement cellulaire, afin de développer des thérapies qui pourraient ralentir, voire inverser le processus.
Retarder, stopper et même inverser les effets du vieillissement, c’est l’un des objectifs les plus ambitieux de la médecine moderne. Nombreux sont ceux qui tentent désespérément de trouver le moyen d’empêcher les humains de vieillir, pour différer le plus possible l’échéance de la mort. Le célèbre milliardaire Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, s’intéresse lui aussi de près au sujet : il y a quelques mois, il a d’ailleurs investi dans une société similaire, Altos Labs, qui elle aussi tente de développer une technologie de reprogrammation biologique des cellules humaines.
Changer complètement « ce qu’est » la cellule
À partir de cellules humaines et d’autres espèces de référence, NewLimit prévoit d’élaborer des modèles d’apprentissage automatique permettant de mettre en évidence les caractéristiques de la chromatine qui changent avec l’âge — la chromatine est la structure qui englobe l’ADN dans le noyau des cellules ; elle est notamment chargée de réguler l’expression des gènes. Le but étant d’identifier les changements qui sont impliqués dans le processus de vieillissement.
« Il est incroyablement ambitieux d’essayer de « guérir le vieillissement » et nous pensons que cette mission pourrait prendre des décennies », reconnaissent les deux fondateurs. L’approche de NewLimit est la suivante : attribuer aux cellules de l’organisme une nouvelle capacité, à savoir un potentiel de régénération — une fonction particulièrement active dans les premières années de la vie humaine, mais qui s’estompe avec le temps. L’entreprise a déjà levé plus de 100 millions de dollars pour lancer ses recherches, « avec un financement supplémentaire disponible en cas de progrès raisonnables », précise le communiqué.
Selon Armstrong et Byers, les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine de la biologie sont tels qu’il est désormais possible de suivre l’évolution des systèmes biologiques en temps réel, à l’échelle de la cellule, ce qui permet de mieux comprendre leur fonctionnement. « Nous pouvons maintenant séquencer l’ADN, l’ARN et l’épigénétique de cellules individuelles, dans un tissu entier, et conserver la représentation spatiale de l’emplacement des cellules », précisent-ils.
Diverses expériences de différenciation cellulaire ont montré des résultats encourageants, prouvant qu’il était possible de reprogrammer une cellule d’un certain type en un autre. En particulier, les recherches de Shinya Yamanka ont montré que la reprogrammation de cellules de peau de souris en cellules souches pluripotentes nécessitait la combinaison de seulement quatre protéines, jouant le rôle de facteurs de transcription. « Dans un système aussi complexe que la biologie des mammifères, avec des milliards de paires de bases d’ADN et des dizaines de milliers de protéines, il suffit de doser quatre protéines pendant quelques semaines pour changer complètement ‘ce qu’est’ la cellule », soulignent les fondateurs.
Un objectif considéré comme « un impératif moral »
« Étendre la santé humaine », c’est l’objectif annoncé par NewLimit, qui ambitionne de fournir à l’humanité un moyen de vivre plus longtemps, mais sans douleur et sans dégradation physique, ni cognitive — alors que beaucoup redoutent de vivre leurs dernières années de vie affaiblis et atteints de démence. « Nous pensons qu’il existe un impératif moral pour essayer de mettre fin à cette souffrance qui affecte chacun d’entre nous », insistent Armstrong et Byers.
NewLimit est actuellement en train de rechercher des talents pour former l’équipe initiale. Est-ce qu’ils parviendront un jour à trouver la clé du rajeunissement ? Peut-être. Est-ce que cette biotechnologie sera accessible à tous et non pas réservée aux plus fortunés ? Assurément, selon les deux collaborateurs, qui pensent que « comme pour chaque produit révolutionnaire », les premiers prototypes seront sans doute coûteux, mais devraient rapidement arriver à des coûts inférieurs.
À noter que certains milliardaires ne partagent pas le même point de vue que Jeff Bezos et Brian Armstrong. Par exemple, Elon Musk a récemment fait part de son opinion, en déclarant que trouver la clé de l’immortalité ne serait pas nécessairement une bonne chose, et pourrait même s’avérer très dangereux. « Il est important pour nous de mourir parce que la plupart du temps, les gens ne changent pas d’avis, ils meurent simplement. […] Nous pourrions devenir une société très sclérosée où les nouvelles idées ne peuvent pas réussir », a-t-il déclaré la semaine dernière au Wall Street Journal. Le PDG de SpaceX vient également de suggérer sur son compte Twitter qu’une limite d’âge (inférieure à 70 ans) soit fixée pour se présenter à un poste politique…
Musk rappelle que le taux de natalité affiche actuellement une baisse rapide à l’échelle mondiale. Une étude publiée dans The Lancet l’été dernier, révélait que plus d’une vingtaine de pays, dont le Japon, la Thaïlande et l’Espagne, pourraient voir leur population diminuer de moitié d’ici 2100. Or, permettre aux individus de vivre plus longtemps entraînerait un vieillissement rapide de la population, qui ne ferait qu’aggraver le phénomène.