Il aura fallu attendre deux semaines après l’impact, filmé et photographié, entre le vaisseau de la NASA et l’astéroïde Dimorphos pour que l’agence spatiale confirme le succès de la mission. La déviation est de 32 min, contre les 76 secondes initialement prévues ! C’est la première fois que l’humanité modifie délibérément le mouvement d’un objet céleste et la première démonstration à grande échelle de la technologie de défense planétaire contre la menace astéroïde.
En novembre 2021, la NASA a lancé la mission DART (Double Asteroid Redirection Test) afin d’envoyer un vaisseau spatial s’écraser sur un petit astéroïde pour ajuster son orbite. L’objectif est de tester la faisabilité d’une stratégie qui pourrait protéger la planète des objets géocroiseurs — astéroïdes et comètes dont l’orbite autour du Soleil les amène dans le voisinage de la Terre. En effet, même un léger changement dans la trajectoire d’un objet céleste assez imposant pour menacer l’humanité, constitue un moyen de protection efficace pour éviter les collisions apocalyptiques.
L’administrateur de la NASA, Bill Nelson, a déclaré lors d’une conférence de presse : « Nous avons tous la responsabilité de protéger notre planète. Après tout, c’est la seule que nous ayons ».
Ainsi, le 27 septembre 2022, le monde entier retenait son souffle dans les minutes précédant la collision frontale entre le vaisseau de la NASA et l’astéroïde Dimorphos. Il s’agit d’une petite roche spatiale d’un peu plus de 160 mètres de diamètre. Elle était et est toujours inoffensive, ne présentant aucun risque pour la Terre. Avant l’impact de DART, Dimorphos orbitait autour d’un plus grand astéroïde appelé Didymos, toutes les 11 heures et 55 minutes.
Les astronomes chargés de la mission s’étaient fixés une réduction de sa période de rotation de 1 min, l’impact le rapprochant de Didymos, il mettrait ainsi moins de temps pour effectuer une orbite complète. La collision a eu lieu avec succès. Néanmoins, il a fallu attendre la conférence de la NASA du 11 octobre pour savoir s’il avait effectivement fait dévier l’astéroïde. C’est le cas, avec une déviation bien plus importante que prévu.
Un succès inédit pour l’humanité
Avant l’impact de DART, comme mentionné précédemment, il fallait 11 heures et 55 minutes à Dimorphos pour orbiter Didymos. Depuis la collision intentionnelle de DART avec Dimorphos, les astronomes utilisent des télescopes sur Terre pour mesurer à quel point ce temps a changé.
Il faut savoir qu’à chaque orbite, de par sa position par rapport au Soleil et nos observatoires, Dimorphos traverse l’ombre projetée par Didymos, et une demi-orbite plus tard, c’est Dimorphos qui projette brièvement une ombre sur Didymos. Concrètement, l’équipe a mesuré le temps s’écoulant entre ces deux « éclipses » afin de déterminer une réduction de la période de rotation de Dimorphos.
Avant la collision, la NASA avait défini un changement minimum de 73 secondes, ou plus, de période d’orbite pour confirmer ou non la réussite de la mission. Les premières données montrent que DART a dépassé cette référence minimale de plus de 25 fois !
En effet, l’équipe a déclaré que l’impact a modifié l’orbite de 32 minutes, la faisant passer de 11 heures et 55 minutes à 11 heures et 23 minutes. Cette mesure a une marge d’incertitude d’environ ±2 minutes.
Lori Glaze, directrice de la division des sciences planétaires de la NASA, déclare dans un communiqué : « Ce résultat est une étape importante vers la compréhension du plein effet de l’impact de DART avec son astéroïde cible. Au fur et à mesure que de nouvelles données arrivent chaque jour, les astronomes seront en mesure de mieux évaluer si, et comment, une mission comme DART pourrait être utilisée à l’avenir pour aider à protéger la Terre d’une collision avec un astéroïde, si jamais nous en découvrons un qui se dirige vers nous ».
L’équipe continue de recueillir des données avec des observatoires au sol dans le monde entier et des installations radar planétaires comme le Goldstone du NASA Jet Propulsion Laboratory en Californie et l’observatoire Green Bank de la National Science Foundation en Virginie-Occidentale. Ils mettent à jour la mesure de la période avec des observations fréquentes pour améliorer sa précision.
Une stratégie de défense planétaire opérationnelle
Les chercheurs de la mission DART vont maintenant se focaliser sur la mesure de l’efficacité du transfert d’élan à partir de la collision d’environ 22 530 kilomètres par heure de DART avec sa cible. En d’autres termes, il s’agit d’établir avec précision le lien entre le poids du vaisseau, les vitesses respectives et le résultat de ces forces.
C’est pourquoi une analyse plus approfondie des « éjectas » — des roches astéroïdes projetées en grande quantité dans l’espace par l’impact — est nécessaire. Le télescope spatial Hubble fourni des images cruciales de ces débris, avec lesquelles les astronomes suivent, au fil du temps, la forme que prend cette queue de débris liés à Dimorphos, de plus de 9600 km de long. En y associant les images prises par le vaisseau lui-même quelques secondes avant l’impact, les scientifiques tentent de mieux appréhender et comprendre l’astéroïde, notamment les caractéristiques de sa surface.
Sans compter que le recul induit par cette explosion de débris a considérablement amélioré la poussée de DART contre Dimorphos. L’image, comme le suggère la NASA, serait celle d’un jet d’air sortant d’un ballon, ce jet envoyant le ballon dans la direction opposée.
Nancy Chabot, responsable de la coordination DART du Johns Hopkins Applied Physics Laboratory (APL), souligne : « DART nous a fourni des données fascinantes sur les propriétés des astéroïdes et l’efficacité d’un impacteur cinétique en tant que technologie de défense planétaire. L’équipe DART continue de travailler sur ce riche ensemble de données pour bien comprendre ce premier test de défense planétaire de déviation d’astéroïdes ».
Finalement, pour aboutir à des données cohérentes et robustes, les astronomes continueront d’étudier l’imagerie de Dimorphos à partir du Light Italian CubeSat for Imaging of Asteroids (LICIACube), fourni par l’Agence spatiale italienne, pour approximer la masse et la forme de l’astéroïde.
D’ici quatre ans, le projet Hera de l’Agence spatiale européenne prévoit également de mener des études détaillées sur Dimorphos et Didymos, se focalisant sur le cratère laissé par la collision de DART et une mesure précise de la masse de Dimorphos. La stratégie de défense planétaire pour les futurs astéroïdes géocroiseurs de grande ampleur se met en place de manière efficace.