Il est avéré que la santé d’une femme enceinte influe considérablement sur la santé de l’enfant à naître. Des chercheurs affirment aujourd’hui que cette influence est bien plus conséquente et persisterait jusqu’à l’âge adulte de la progéniture. Une étude publiée dans l’European Journal of Preventive Cardiology suggère en effet que les descendants de mères ayant un mode de vie sain pour le cœur, vivent près de dix ans de plus sans développer de maladie cardiovasculaire que les autres individus.
Pour parvenir à cette conclusion, ces chercheurs ont suivi la descendance de près de 2000 parents pendant 46 ans. Alimentation, activité physique, cholestérol, indice de masse corporel, … Le mode de vie des mères et des pères a été également scrupuleusement analysé pour évaluer son impact sur la santé de leur progéniture à l’âge adulte.
« Notre étude suggère que les mères sont les principaux gardiens de la santé de leurs enfants », résume l’auteur principal de l’étude, le Dr James Muchira de l’Université Vanderbilt (Tennessee). Des recherches antérieures ont déjà montré que les parents conditionnent la santé de leurs enfants non seulement via la transmission de gènes, mais aussi via l’environnement qu’ils leur offrent et le mode de vie qu’ils inculquent. Les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires tels que l’obésité, le tabagisme, le diabète et l’hypertension artérielle se regroupent dans les familles, et sont transmis des parents à la progéniture.
Un risque deux fois plus élevé de maladie cardiaque précoce
Cette nouvelle étude est la première du genre qui cherche plus précisément à établir un lien entre la santé cardiaque des parents et l’âge auquel leur descendance développe une maladie cardiovasculaire. L’influence de la santé de chaque parent a été examinée séparément. Au total, 1989 trios enfant-mère-père ont été retenus pour cette étude ; ces données sont issues de la Framingham Heart Study, une étude américaine initiée en 1948, qui vise à identifier les facteurs contribuant aux maladies cardiovasculaires en suivant trois générations de participants. À savoir que l’espérance de vie aux États-Unis n’a pas dépassé 78,9 ans depuis 2010 et devrait enregistrer les gains les plus faibles d’ici 2030 par rapport aux autres pays développés, en raison de la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires.
Les descendants ont été recrutés à l’âge moyen de 32 ans ; leur santé cardiovasculaire a fait l’objet d’un suivi pendant 46 ans (de 1971 à 2017). Très logiquement, l’équipe du Dr Muchira s’est en effet concentrée sur la période de la vie où apparaissent généralement les premières crises cardiaques ou les premiers accidents vasculaires cérébraux.
La santé cardiovasculaire de chaque parent a été évaluée selon sept facteurs, connus pour influer positivement sur la santé cardiaque : tabagisme nul, alimentation saine, activité physique régulière, indice de masse corporelle normal, tension artérielle, cholestérol sanguin et glycémie à des taux standards. Les trois catégories de santé cardiovasculaire étaient : médiocre (0 à 2 facteurs atteints), intermédiaire (3 à 4) et idéale (5 à 7). Les chercheurs ont pris soin d’évaluer les liens de cause à effet entre chaque paire : mère-fille, mère-fils, père-fille et père-fils.
Résultat : la progéniture des mères ayant une santé cardiovasculaire idéale a vécu neuf années de plus sans maladie cardiovasculaire que la progéniture des autres mères. Il apparaît en outre qu’une mauvaise santé cardiovasculaire maternelle entraîne un risque deux fois plus élevé d’apparition précoce de maladie cardiovasculaire (par rapport à une santé cardiovasculaire maternelle idéale). En revanche, la santé cardiaque des pères n’a pas eu d’effet statistiquement significatif sur la durée pendant laquelle la progéniture a vécu sans maladie cardiovasculaire.
Un héritage qui n’est pas une fatalité
Pourquoi cette influence majeure de la part des mères ? Selon le Dr Muchira, cette prédominance proviendrait de la combinaison de l’état de santé pendant la grossesse et de l’environnement dans lequel évolue l’enfant au début de sa vie. « Si les mères souffrent de diabète ou d’hypertension pendant la grossesse, ces facteurs de risque s’impriment chez leurs enfants à un très jeune âge. De plus, les femmes sont souvent les principales dispensatrices de soins et le principal modèle de comportement », explique-t-il.
L’étude suggère par ailleurs que les fils sont plus affectés que les filles par le mode de vie malsain de leur mère. Cette différence s’expliquerait du fait que les fils avaient des habitudes de vie plus défavorables que celles des filles ; ceci a par conséquent aggravé les facteurs conditionnant leur état de santé. Quelle conclusion tirer de cette observation ? Pour le Dr Muchira, cela prouve que chaque individu est réellement responsable de sa propre santé. Il souligne que même les personnes qui héritent d’un risque plus élevé de développer des maladies cardiovasculaires peuvent inverser la tendance en adoptant les mesures adéquates : faire régulièrement de l’exercice, manger de façon équilibrée, etc. « Sans cela, le risque sera multiplié », avertit le spécialiste.
Les conclusions de cette recherche montrent ainsi qu’il est possible de briser le cycle intergénérationnel de morbidité et de mortalité dues aux maladies cardiovasculaires, un point sur lequel insiste le Dr Muchira : « Si les enfants deviennent des adultes en bonne santé, ils n’acquerront pas le même risque cardiovasculaire que leurs parents, une situation qui augmentera les chances d’avoir des petits-enfants encore plus sains ». Les auteurs affirment qu’en adoptant un mode de vie plus sain, les femmes en âge de procréer, tout comme les mères de jeunes enfants, peuvent tout à fait préserver la santé cardiaque future de leur progéniture. Plus tôt les bonnes habitudes sont adoptées et transmises à l’enfant, plus durables seront les effets sur sa santé.