Moins de bienveillance et plus d’indépendance : le profil psychologique inattendu des végétariens

Ils accorderaient plus d’importance à la réussite sociale, au pouvoir et à la stimulation…

moins bienveillance vegetariens couv
| Unsplash
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Les valeurs morales des végétariens diffèrent significativement de celles des mangeurs de viande, s’orientant davantage vers l’individualisme et le non-conformisme, selon une enquête. Ils seraient moins enclins à valoriser des valeurs telles que la bienveillance, et accorderaient plus d’importance à la stimulation, à la réussite sociale et au pouvoir. Cela suggère que, contrairement à l’image populaire, le végétarisme pourrait être moins motivé par un impératif moral que par une forme de résistance aux normes conventionnelles.

L’adoption du végétarisme a fortement augmenté au cours des dernières décennies. Cet intérêt croissant a conduit les psychologues à examiner les valeurs qui accompagnent ces transformations alimentaires. La plupart des recherches s’attachent aux motivations principales de cette transition : la santé, le bien-être animal ou encore la lutte contre le réchauffement climatique.

En revanche, les ressorts personnels de cette décision restent relativement peu explorés. Pour les appréhender, les travaux s’appuient le plus souvent sur des indicateurs de personnalité — ouverture d’esprit, aimabilité, etc. —, sans toujours prendre en compte les valeurs plus profondes et complexes qui structurent ces traits et influencent les choix de manière plus déterminante.

John B. Nezlek, psychologue à l’Université polonaise des sciences sociales et humaines SWPS et au College of William & Mary, a entrepris d’étudier le végétarisme à l’aune de la théorie des valeurs de Schwartz. Bien que ce modèle soit l’un des plus influents dans la compréhension des valeurs humaines, il est rarement mobilisé dans l’analyse des comportements alimentaires.

« L’étude des valeurs possède une longue histoire en psychologie. Si les définitions varient, elles sont généralement conçues comme des idéaux abstraits qui guident le comportement des individus », explique-t-il dans l’étude publiée dans la revue PLOS ONE. « Le modèle de Schwartz est largement utilisé et pourrait présenter une validité prédictive des critères externes supérieure à celle d’autres cadres théoriques », ajoute-t-il.

Végétarisme : une tendance marquée au non-conformisme

La théorie des valeurs humaines de Schwartz repose sur dix catégories fondamentales — comme le traditionalisme, l’autonomie ou l’universalisme — qui permettent de prédire le comportement et les décisions dans des situations concrètes. L’étude de John Nezlek s’appuie sur une comparaison interculturelle des préférences en matière de valeurs afin de déterminer si celles-ci varient entre individus végétariens et non-végétariens.

Le chercheur a recruté 3 792 adultes, âgés de la fin de la trentaine au début de la cinquantaine, dont 1 054 Américains et 2 738 Polonais. Parmi eux, 883 se déclaraient végétariens — un terme englobant ici végétaliens, lacto-végétariens et lacto-ovo-végétariens — tandis que 2 909 participants étaient classés comme non-végétariens.

Les volontaires ont été invités à remplir des questionnaires standardisés portant sur les valeurs humaines. Chacune des questions proposait de juger dans quelle mesure un portrait de personne fictive leur correspondait, selon une échelle en six points. Les résultats ont été pondérés pour réduire les biais de réponse et analysés à partir des dix valeurs définies par Schwartz : l’universalisme, la bienveillance, la conformité, le traditionalisme, la sécurité, l’autonomie, la stimulation, l’hédonisme, la réussite et le pouvoir.

L’analyse révèle que, de manière générale, les valeurs déclarées par les végétariens diffèrent significativement de celles des non-végétariens. Les premiers accordent ainsi moins d’importance à des valeurs comme la bienveillance, la sécurité ou la conformité, par rapport aux seconds. À l’inverse, ils valorisent davantage la stimulation, la réussite et le pouvoir — ce qui pourrait refléter une tendance accrue à la non-conformité.

Des nuances apparaissent toutefois selon le contexte culturel. En Pologne, la non-conformité aux valeurs traditionnelles est plus marquée chez les végétariens, mais la différence en matière de bienveillance est modérée. Aux États-Unis, les végétariens mettent davantage en avant l’universalisme que les omnivores — une différence qui n’a pas été observée de manière significative en Pologne.

Par ailleurs, les valeurs liées à l’autonomie sont davantage plébiscitées par les non-végétariens américains, tandis qu’elles le sont plus fortement par les végétariens polonais. Les préoccupations environnementales, qui constituent une composante de l’universalisme, suivent une tendance similaire dans les deux pays.

Pour l’auteur, ces résultats suggèrent que, malgré les différences culturelles observées, le végétarisme pourrait aussi refléter des tendances à l’individualisme et au non-conformisme, plutôt qu’à une adhésion à des valeurs centrées sur l’harmonie sociale. « Ces résultats suggèrent qu’adopter un régime végétarien représente une manifestation de valeurs privilégiant l’indépendance et l’individualité, une hypothèse qui contraste quelque peu avec la manière dont le végétarisme est souvent abordé », conclut-il.

Source : PLOS ONE
Laisser un commentaire

Vous voulez éliminer les publicités tout en continuant de nous soutenir ?


Il suffit de s'abonner !


JE M'ABONNE