La maladie de Parkinson est marquée par la mort des neurones producteurs de dopamine dans le cerveau, impliqués notamment dans le contrôle des mouvements. C’est d’ailleurs l’un des principaux symptômes (mouvements incontrôlés ou tremblements) caractéristiques de la maladie. Récemment, une équipe de chercheurs américains a, pour la première fois, identifié précisément les cellules cérébrales spécifiques qui meurent dans la maladie de Parkinson et découvert ce qui les rend si sensibles à la dégénérescence. Cette découverte ouvre la voie à un tout nouveau champ de recherche thérapeutique, dans l’espoir de traiter réellement la maladie et non plus de soulager seulement les symptômes.
La maladie de Parkinson est une maladie neurologique dégénérative : les neurones dopaminergiques (situés dans la substance noire du cerveau) sont touchés et dégénèrent, puis meurent progressivement. La fonction de ces neurones est de fabriquer et de libérer la dopamine. La dopamine est un neurotransmetteur indispensable au contrôle des mouvements du corps, en particulier les mouvements automatiques (par exemple les expressions du visage). La disparition de ces neurones provoque ainsi un déficit en dopamine dans le cerveau obligeant dorénavant le/la malade à penser ses mouvements alors qu’ils étaient autrefois réalisés automatiquement. La dopamine est aussi un neurotransmetteur qui est impliqué dans la motivation, ce qui peut expliquer parfois des situations d’apathie ou de désintérêt général. La maladie de Parkinson est une maladie neurologique dégénérative complexe. Ses symptômes diffèrent d’une personne à une autre.
Malheureusement, l’origine exacte de cette dégénérescence neuronale est incertaine, mais probablement multifactorielle : l’âge, la génétique et/ou l’environnement sont vraisemblablement impliqués. Si la plupart des cas de Parkinson sont sporadiques, des antécédents familiaux existent chez 15% des patients et une origine génétique (liée à un seul gène causal) est retrouvée dans 5% des cas.
L’enjeu de comprendre le mécanisme d’initiation puis de propagation de la maladie, afin de le stopper, est crucial en matière de santé publique. En effet, la maladie de Parkinson est la 2e maladie neurologique la plus fréquente après Alzheimer et la 2e cause de handicap moteur d’origine neurologique chez les personnes âgées. Elle touche plus de 150 000 personnes en France, plus de 1,2 million en Europe et plus de 6,3 millions dans le monde.
Dans ce contexte, des chercheurs du Stanley Center for Psychiatric Research du Broad Institute du MIT et de Harvard, ont voulu comprendre quelles cellules sont réellement impliquées dans la maladie et pourquoi, afin de permettre la recherche de nouvelles interventions thérapeutiques. Leur étude est publiée dans la revue Nature Neuroscience.
Une sensibilité génique exacerbée de certains neurones
Dans le but de comprendre la base moléculaire de la perte de ces neurones et de déterminer pourquoi ces cellules, et seulement certaines d’entre elles, meurent, les scientifiques ont isolé et cartographié environ 22 000 cellules cérébrales prélevées d’échantillons de tissus cérébraux humains de 10 personnes décédées de la maladie de Parkinson, et de huit personnes non affectées par ce trouble.
Concrètement, ils ont utilisé le séquençage d’ARN monocellulaire pour identifier tous les types de neurones dopaminergiques présents dans le mésencéphale humain. Cette technique examine les informations de séquence des cellules individuelles avec des technologies de séquençage de nouvelle génération (NGS) optimisées. Elle offre une résolution plus élevée des différences cellulaires et une meilleure compréhension de la fonction d’une cellule individuelle dans le contexte de son microenvironnement.
De plus, des études antérieures ont suggéré qu’il existe deux ou trois types de neurones dopaminergiques dans le mésencéphale. Les résultats dépassent les hypothèses : ils ont identifié 10 sous-types distincts de neurones dopaminergiques, dont un, marqué par l’expression d’un gène appelé AGTR1, particulièrement vulnérable à la mort cellulaire dans la maladie de Parkinson. Ils ont également identifié, exactement, où les cellules résident habituellement, sous la substantia nigra pars compacta.
Evan Macosko, l’un des auteurs de l’étude et membre du Broad Institut, déclare dans un communiqué : « Nous avons été surpris qu’un seul sous-type spécifique de neurone dopaminergique soit si particulièrement vulnérable. Nous nous attendions à ce que de nombreuses populations soient également vulnérables, sur la base de travaux antérieurs, mais cela n’a pas été le cas ».
Ensuite, ils ont pu identifier des facteurs intrinsèques à ce type spécifique de neurones, expliquant peut-être leur vulnérabilité à la dégénérescence. Ainsi, Evan Macosko souligne : « Nous savons également […] que des variations dans certains gènes et régions génétiques peuvent augmenter le risque de développer la maladie de Parkinson. Ici, nous avons constaté que ces gènes à risque sont préférentiellement exprimés dans les cellules qui meurent ».
En d’autres termes, les facteurs de risque génétiques connus de la maladie de Parkinson pourraient agir directement sur les neurones pour les rendre plus vulnérables à la mort cellulaire, par rapport à d’autres sous-types de neurones dopaminergiques apparentés.
L’espoir d’un traitement curatif
En identifiant la signature d’expression génique réelle des neurones vulnérables, les chercheurs fournissent des informations précieuses afin de reproduire en laboratoire, via la reprogrammation des cellules souches de la peau, ces types spécifiques de cellules cérébrales. En termes simples, cette découverte fournit un cadre pour les études de transplantation cellulaire, et aidera les chercheurs à concevoir des neurones capables de remplacer les cellules vulnérables.
Evan Macosko précise : « Ces signatures peuvent nous orienter vers des hypothèses interprétables et exploitables sur la maladie de Parkinson ». Il souligne également l’importance dans la maladie de Parkinson de cibler les processus de signalisation dans les neurones qui meurent. Il existe déjà des essais expérimentaux de thérapie génique ciblant les neurones dans la maladie de Parkinson, et cette étude met en évidence des types de cellules et des voies spécifiques sur lesquels ces efforts de thérapie génique devraient se concentrer.
En conclusion, ces résultats pourraient permettre aux scientifiques de sonder les facteurs génétiques de la maladie, de sélectionner des candidats-médicaments potentiels ou même d’explorer la possibilité d’une médecine régénérative pour la maladie de Parkinson. Bien qu’il faudra probablement des années avant que les résultats de l’équipe ne profitent aux patients, Macosko est optimiste quant à leur potentiel : « C’est certainement la recherche sur la maladie la plus importante que mon laboratoire ait faite jusqu’à présent ».
Notons, information supplémentaire factuelle, que cette étude a été soutenue, entre autres, par l’Initiative Chan Zuckerberg, entreprise philanthropique américaine créée par Mark Zuckerberg de Meta et sa femme, Priscilla Chan, afin de faire « avancer le potentiel humain et promouvoir l’égalité dans des domaines comme la santé, l’éducation, la recherche scientifique et l’énergie ».