Alors que l’on pensait que le niveau moyen global actuel de la mer (GMSL) était le plus élevé en plus de 100 000 ans, une nouvelle modélisation suggère un niveau beaucoup plus haut au milieu de l’Holocène (il y a entre 4000 et 8000 ans environ). En contradiction avec ce qui a précédemment été estimé, cette découverte suggère que l’on a sous-évalué les hausses à venir. D’ici 2080, le GMSL pourrait être le plus élevé des 115 000 dernières années.
Débutant il y a environ 12 000 ans, l’Holocène a été marqué par un réchauffement planétaire global durant les 6000 premières années, puis d’une courte période glaciaire, pour être bouleversé par le réchauffement d’origine anthropique dès le début de l’ère industrielle. En effet, il existe trois moments majeurs dans l’histoire géologique de notre planète au cours desquels les températures étaient suffisamment élevées pour ressembler à celles d’aujourd’hui. Le plus récent s’est déroulé vers le milieu de l’Holocène.
Au cours de cet intervalle, les deux plus grandes étendues de glace de l’hémisphère Nord ont fusionné. Tout en commençant à s’élever et à se stabiliser, les températures au cours de cette période auraient temporairement dépassé de plusieurs degrés celles du tout début de l’ère industrielle. Les mesures du GMSL au court de cette phase fournissent des indices clés permettant d’estimer la sensibilité des inlandsis ainsi que celle d’autres processus géophysiques au réchauffement à venir.
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Cependant, un grand nombre d’incertitudes subsistent quant aux températures planétaires, la fonte des glaces et la hausse du niveau de la mer, au cours de l’Holocène. Dans un article en prépublication sur Earth ArXiv, une équipe de l’Université de Columbia propose une nouvelle modélisation tenant compte de nouvelles données, telles que les mesures géologiques les plus récentes du niveau passé de la mer le long des côtes. Les résultats suggèrent que contrairement à ce que l’on pensait, le volume des inlandsis au cours de cette période géologique serait inférieur à celui d’aujourd’hui et les calottes glaciaires se seraient largement retirées à l’intérieur des terres.
Un inlandsis antarctique plus petit
Les modélisations antérieures des GMSL de l’Holocène sont généralement basées sur des observations locales du niveau relatif de la mer (RSL). Cependant, ces mesures ne sont pas suffisamment représentatives du GMSL pour diverses raisons, telles que l’ajustement isostatique glaciaire (GIA). Il s’agit d’un paramètre traduisant les effets de déformation gravitationnelle, rotationnelle et viscoélastique que la planète peut subir selon la charge d’eau et de glace présente.
De plus récentes mesures du GMSL se sont basées sur la modélisation du GIA pour obtenir à la fois des reconstructions plus précises des inlandsis et d’autres structures terrestres solides. Les mesures sont ensuite affinées jusqu’à ce que les estimations de RSL obtenues correspondent aux contraintes observationnelles, pour finalement permettre de calculer le GMSL à partir du volume de glace estimé.
Toutefois, aucun de ces modèles ne tenait compte de la possibilité d’un GMSL plus élevé qu’aujourd’hui. Or, plusieurs raisons auraient pu les conduire à des erreurs d’estimation, selon les chercheurs de Columbia. La première est que l’on s’attendait généralement à ce que les variations du GMSL au cours de cette période soient beaucoup plus faibles que celles actuelles. Les objectifs de la plupart des études sont orientés dans ce sens, ce qui pourrait conduire à une certaine subjectivité. La seconde raison est que ces recherches n’avaient accès qu’à une fraction des données océaniques disponibles actuellement et n’incluaient pas des calculs océaniques couplés avec ceux de l’inlandsis.
Dans le but de combler ces lacunes, les chercheurs de la nouvelle étude ont tenu compte de l’expansion des eaux chaudes, de la fonte des calottes glaciaires et des glaciers de montagne et du rebond des terres débarrassées du poids de la glace. Ces mesures ont été appuyées par des relevés isotopiques à l’intérieur des roches, ainsi que par une amélioration des modèles estimant le volume des glaciers dans le passé et les niveaux des mers le long des côtes à la même époque.
Les résultats ont révélé qu’il y a une forte probabilité que le GMSL ait été 0,5 à 1,5 mètre plus élevé qu’aujourd’hui, il y a entre 4000 et 8000 ans, durant la période la plus chaude du milieu de l’Holocène. Parallèlement, l’inlandsis antarctique aurait été plus petit que celui au cours des 6000 dernières années. Par ailleurs, « nous démontrons que le retrait de l’Antarctique est en retard de 250 ans par rapport à la température, soulignant sa future vulnérabilité au réchauffement actuel », écrivent les chercheurs dans leur article.
Ces résultats semblent indiquer que les modèles actuels sous-estiment les élévations à venir du GMSL. En entrant ces nouvelles données dans des simulations de futures conditions climatiques, les chercheurs ont constaté que l’élévation du GMSL au cours des 125 prochaines années sera très probablement la plus rapide des 5000 dernières années et la plus élevée des 115 000 dernières années. Il faut toutefois garder à l’esprit que la comparaison ne peut pas être parfaite. Néanmoins, une meilleure compréhension de cette période clé de l’Holocène pourrait permettre de mieux anticiper notre avenir climatique.