Le détecteur d’ondes gravitationnelles courtes mis au point par des chercheurs de l’Université d’Australie occidentale a repéré deux événements forts au cours des 153 jours d’une expérience menée en 2019. Ces signaux pourraient provenir du début de l’Univers, ou bien être le fruit d’une interaction de la matière noire avec un trou noir. Pour l’instant, les scientifiques qui les ont détectés ne peuvent les interpréter avec certitude.
Les ondes gravitationnelles sont d’énormes ondulations observées dans le tissu de l’espace-temps, générées par des collisions de trous noirs et d’étoiles à neutrons dans l’Univers lointain — des événements si puissants qu’ils envoient des ondes à travers tout le cosmos, à des longueurs d’onde de l’ordre de centaines de kilomètres. Des installations telles que le Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (LIGO) ont été conçues pour détecter ces ondes spécifiques.
Néanmoins, il existe également des ondes gravitationnelles beaucoup plus courtes, de quelques mètres à quelques kilomètres de long, dont l’origine est mal comprise par la communauté scientifique. Par conséquent, certains chercheurs ont entrepris de construire des détecteurs spécialement adaptés à la recherche de ces ondes plus petites, à haute fréquence. Parmi eux : Michael Tobar, physicien à l’Université d’Australie occidentale de Perth et son équipe ; et il se trouve que leur dispositif a récemment détecté de mystérieux signaux.
Une origine difficile à déterminer
Le détecteur d’ondes gravitationnelles à haute fréquence conçu par Tobar et ses collègues consiste en un disque en cristal de quartz d’environ trois centimètres de diamètre, avec une chambre de résonance qui produit un signal électrique chaque fois qu’il vibre à certaines fréquences. Tobar compare cette configuration à un gong qui émettrait un son particulier s’il était frappé par une onde gravitationnelle : le « son » émis par le cristal est ici capté comme un signal électromagnétique.
Pour préserver leur détecteur de tout champ électromagnétique « parasite », les chercheurs ont équipé leur dispositif de plusieurs écrans anti-rayonnement. L’appareil a également été refroidi à des températures très froides (de l’ordre de 4 K) pour minimiser les vibrations thermiques. Deux événements ont été détectés au cours de l’expérience qu’ils ont menée en 2019, lors de laquelle ils ont surveillé deux modes de cisaillement (lent et rapide) simultanément.
Le premier événement s’est produit le 12 mai 2019 et il a été observé dans le mode 5,506 MHz ; aucun événement n’a en revanche été observé dans le second mode à 8,392 MHz. Au cours d’une deuxième phase de tests, un deuxième événement s’est produit le 27 novembre 2019 et a été observé dans les deux modes (à 5,506 MHz et 4.993 MHz).
Reste à déterminer l’origine de ces résultats. Selon Tobar, le rayonnement cosmique — un flux de noyaux atomiques et de particules de haute énergie provenant du milieu interstellaire — pourrait être une explication possible. Mais les signaux observés pourraient aussi bien provenir d’un type de fluctuation thermique du cristal auparavant inconnu (qui aurait pourtant dû être minimisé par les températures extrêmement froides).
Un signal provenant de l’Univers primitif ?
En réalité, « une multitude de perspectives exotiques » pourraient expliquer les signaux observés, selon les chercheurs. Des axions — les particules hypothétiques proposées comme l’un des constituants de la matière noire — tournant autour d’un trou noir pourraient eux aussi émettre des ondes gravitationnelles. Finalement, à supposer que l’origine des signaux repose sur une toute nouvelle physique, tout est envisageable : « De nombreuses explications pourraient nécessiter une physique inconnue jusqu’alors, au-delà du modèle standard qui décrit presque toutes les particules subatomiques et les forces de l’Univers », a déclaré Tobar.
Ces signaux pourraient également provenir des confins de l’Univers, des tout premiers instants qui ont suivi le Big Bang. En effet, les cosmologistes pensent qu’après cet événement, l’Univers a vécu une période d’expansion exponentielle, à l’issue de laquelle il pourrait avoir subi une transition de phase — un peu comme lorsque l’eau liquide passe à l’état gazeux à une certaine température, explique Francesco Muia, physicien théoricien à l’Université de Cambridge, qui n’a pas participé à cette étude. Or, cette transition « pourrait avoir déposé de grandes quantités d’énergie dans le tissu de l’espace-temps, générant des ondes gravitationnelles qui pourraient être vues par cette expérience », précise Muia.
Mais avant de formuler une conclusion définitive, des preuves supplémentaires doivent être apportées. Les chercheurs espèrent ainsi que d’autres expériences similaires à la leur seront bientôt mises en ligne ; une détection simultanée du même signal par plusieurs appareils pourrait potentiellement orienter les scientifiques vers son origine, en excluant notamment les processus internes du cristal.