L’intelligence artificielle a connu un essor technologique exceptionnel au cours des dernières années. Le développement de réseaux de neurones toujours plus optimisés permet à l’IA de résoudre des tâches complexes et d’apprendre par elle-même de nouvelles méthodes de résolution. Toutefois, cette capacité d’adaptation montre ses limites : lorsque les conditions contextuelles changent, l’IA a souvent du mal à s’adapter en direct à ces variations. Chez l’Homme, cette adaptation relève de la neuromodulation. C’est pourquoi une équipe de chercheurs a tenté de reproduire cette capacité cognitive pour l’adapter dans un nouveau type de réseau de neurones, et les résultats se sont révélés très satisfaisants.
Malgré les immenses progrès réalisés dans le domaine de l’IA ces dernières années, nous sommes encore très loin de l’intelligence humaine. En effet, si les techniques actuelles de l’IA permettent de former des agents informatiques à effectuer certaines tâches mieux que les humains lorsqu’ils sont formés spécifiquement, les performances de ces mêmes agents sont souvent très décevantes lorsqu’ils sont mis dans des conditions (même légèrement) différentes de celles présentées pendant la formation.
L’être humain est capable de s’adapter très efficacement à de nouvelles situations en utilisant les compétences qu’il a acquises tout au long de sa vie. Par exemple, un enfant qui a appris à marcher dans un salon apprendra rapidement aussi à marcher dans un jardin. Dans un tel contexte, l’apprentissage de la marche est associé à la plasticité synaptique, qui modifie les connexions entre les neurones, tandis que l’adaptation rapide des compétences de marche apprises dans le salon à celles nécessaires pour marcher dans le jardin est associée à la neuromodulation.
Reproduire la neuromodulation humaine dans le cadre de l’intelligence artificielle
La neuromodulation modifie les propriétés d’entrée-sortie des neurones eux-mêmes via des neuromodulateurs chimiques. La plasticité synaptique est à la base de toutes les dernières avancées de l’IA. Cependant, aucun travail scientifique n’a jusqu’à présent proposé un moyen d’introduire un mécanisme de neuromodulation dans les réseaux de neurones artificiels. Ce résultat, décrit dans la revue PLOS ONE, est le fruit d’une collaboration entre des neuroscientifiques et des chercheurs en intelligence artificielle de l’Université de Liège.
Ces chercheurs de l’ULiège ont développé une architecture de réseau de neurones artificiels totalement originale, introduisant une interaction entre deux sous-réseaux. Le premier prend en compte toutes les informations contextuelles concernant la tâche à résoudre et, à partir de ces informations, neuromodule le deuxième sous-réseau à la manière des neuromodulateurs chimiques du cerveau.
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Neuromodulation artificielle : elle permet une adaptation efficace aux changements
Grâce à la neuromodulation, ce second sous-réseau, qui détermine les actions à effectuer par l’agent intelligent, peut donc s’adapter très rapidement à la tâche en cours. Cela permet à l’agent de résoudre efficacement de nouvelles tâches.
Cette architecture innovante a été testée avec succès sur des classes de problèmes de navigation pour lesquelles une adaptation est nécessaire. En particulier, les agents formés pour se diriger vers une cible, tout en évitant les obstacles, ont pu s’adapter à des situations dans lesquelles leur mouvement était perturbé par des directions de vent extrêmement variables.
Prof. Damien Ernst : « La nouveauté de cette recherche est que, pour la première fois, les mécanismes cognitifs identifiés en neurosciences trouvent des applications algorithmiques dans un contexte multitâche. Cette recherche ouvre des perspectives dans l’exploitation en IA de la neuromodulation, un mécanisme clé dans le fonctionnement du cerveau humain ».