Une nouvelle pince à épiler inspirée du bec du corbeau plus performante que les pinces traditionnelles

concept pince bio-inspiration
| T. Murakami et al. (gauche)/Sarah Jelbert
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Parmi les nombreux outils ingénieux inventés par l’Homme figure la pince à épiler. Celle-ci est très largement utilisée, tant dans le cadre personnel que professionnel. Bien que son apparence inorganique et acérée ne semble guère adaptée à un usage médical, jamais personne n’a cherché à optimiser la forme de cet instrument. Une équipe de l’Université de Tsukuba (Japon) a entrepris de s’inspirer de la nature pour concevoir une pince à épiler plus efficace.

Pour développer cette pince, les chercheurs se sont inspirés du corbeau calédonien (Corvus moneduloides) — un animal réputé pour sa capacité à fabriquer et à utiliser des outils. Son bec a une longueur de 4,3 cm de la charnière nasale antérieure à l’extrémité de la mandibule supérieure ; celle-ci est plus longue que la mandibule inférieure. Grâce à son bec, cet oiseau peut confectionner de petits crochets en bois à l’extrémité incurvée, qui lui servent à déloger les larves des interstices où elles se nichent.

Le bec de ce corbeau a été choisi en raison de son extrême maniabilité lorsqu’il est utilisé comme outil et de sa forme modérément arrondie et organique, notent les chercheurs dans leur article de préimpression. La pince est de ce fait plus accessible et plus conviviale que les pinces à épiler conventionnelles. L’équipe a développé un prototype (baptisé Kuchibashi) à partir d’une modélisation en 3D du bec de corbeau calédonien, qu’ils ont adapté à la main humaine. L’objet a été imprimé en 3D, puis soumis à diverses tâches de saisie pour évaluer son utilisabilité.

Une pince performante pour saisir les plus gros objets

Le Kuchibashi a une longueur d’environ 2 cm (pour la partie « bec »), tandis que la partie « poignée » mesure 4,5 cm. L’outil a été conçu de telle sorte que les doigts de l’utilisateur puissent saisir environ la moitié de la longueur du bec. L’équipe a sollicité quelques participants afin de comparer l’utilisabilité du Kuchibashi avec celle des pinces conventionnelles et des doigts humains. Ils devaient réaliser une tâche de saisie (transférer de petites billes de verre d’un récipient à l’autre le plus vite possible), puis répondre à un questionnaire (destiné à évaluer la facilité d’utilisation globale de l’outil, sur une échelle de cinq points).

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(a) Saisie d’une tomate cerise, (b) saisie d’un morceau de tofu dans une soupe miso, (c) prototype de Kuchibashi à l’échelle, (d) corbeau de Nouvelle-Calédonie et étapes de conception du Kuchibashi. © T. Murakami et al.

Plus précisément, l’expérience de saisie consistait en deux tâches successives : transférer 10 billes de verre entre des boîtes de Pétri distantes de 15 cm (AllT), puis transférer une seule bille rouge située au centre des autres (OneT). Les participants ont effectué ces tâches avec des combinaisons aléatoires d’outils et de tailles de billes (3, 5 et 8 mm). Une expérience supplémentaire, comprenant uniquement la tâche OneT, a été réalisée avec des billes de 14 mm.

résultats expérience saisie pince
Résultats de l’expérience. © T. Murakami et al.

Les résultats de l’expérience montrent que le Kuchibashi s’est montré particulièrement efficace dans les tâches AllT et OneT avec les billes de 8 mm de diamètre, ainsi que dans l’expérience OneT supplémentaire. Les temps d’exécution étaient en effet significativement inférieurs par rapport aux autres outils. Pour les objets plus petits, les temps d’exécution étaient similaires.

Un design satisfaisant, mais non adapté aux très petits objets

Du côté de l’expérience utilisateur, l’outil a été jugé globalement bon (avec une note moyenne de 4,19 sur 5). Les participants ont particulièrement apprécié la facilité à tenir l’outil et le fait que celui-ci puisse difficilement glisser des mains, ainsi que son design « à la mode ». Ils ont également exprimé un sentiment de confiance et de sécurité dans la saisie elle-même ; un léger « creux » dans la pince (similaire au bec du corbeau) empêche en effet l’objet saisi de glisser.

Seuls quelques participants l’ont jugé « trop épais pour les petits objets », rapporte l’équipe. Finalement, 80% des participants ont répondu « oui » à la question de savoir s’ils aimeraient utiliser le Kuchibashi à l’avenir.

Le Kuchibashi s’est avéré efficace et a été perçu positivement par les participants, mais il a quelques limites. Tout d’abord, comme mentionné dans le résultat de la tâche de saisie, cet outil n’est pas significativement plus rapide que d’autres méthodes (doigts ou pince à épiler conventionnelle) lorsque les billes sont petites. « De plus, avec la forme et la taille actuelles du Kuchibashi, les objets extrêmement petits sont difficiles à manipuler », soulignent les chercheurs.

Cette étude présente elle-même certaines limites, notamment le fait que l’expérience n’a pas été réalisée avec des objets à saisir de formes et de matériaux différents, mais uniquement avec des billes de verre. L’équipe envisage d’étudier comment le Kuchibashi pourrait être utilisé en tant que couvert — une suggestion faite par certains participants à l’expérience, particulièrement satisfaits de l’outil.

À noter que ce n’est pas la première fois qu’un bec d’oiseau inspire des ingénieurs : le nez du train à grande vitesse japonais Shinkansen a été inspiré par le bec du martin-pêcheur, un oiseau au bec long et fin capable de traverser des milieux de densités différentes sans perdre d’énergie. Grâce à ce biomimétisme, le Shinkansen peut sortir d’un tunnel en faisant le moins de bruit possible et les passagers sont moins incommodés par le changement brutal de pression.

Source : T. Murakami et al., arXiv

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