Une équipe dirigée par des chercheurs de l’Université de Toronto rapporte la découverte de huit technosignatures jamais détectées auparavant, parmi plus de 480 heures d’observations du télescope Robert C. Byrd de Green Bank. Ces données ont été analysées par un nouvel algorithme, spécialement formé pour distinguer rapidement les signaux radio de l’espace des nombreuses interférences issues de la Terre.
Depuis le lancement du programme SETI dans les années 1960, la recherche d’intelligence extraterrestre consiste à détecter d’éventuelles technosignatures — en supposant qu’une civilisation extraterrestre avancée serait suffisamment sophistiquée pour émettre ces signaux. Pour ce faire, les scientifiques utilisent de puissants radiotélescopes, situés dans des zones isolées, où les interférences issues des technologies humaines sont minimales. Cependant, elles ne sont jamais nulles. « Dans bon nombre de nos observations, il y a beaucoup d’interférences », explique Peter Ma, chercheur à l’Université de Toronto et premier auteur de l’étude décrivant la découverte.
Pour distinguer au mieux les signaux de l’espace des signaux terrestres, Ma et ses collaborateurs ont entrepris de créer une intelligence artificielle spécifiquement pour cette tâche : ils ont simulé les deux types de signaux afin d’entraîner différents algorithmes d’apprentissage automatique à faire la différence entre les deux. L’algorithme qui s’est avéré le plus performant a ensuite été utilisé pour analyser près de 150 téraoctets de données collectées par le télescope de l’observatoire de Green Bank. L’équipe a ainsi détecté huit nouveaux signaux, provenant de cinq étoiles différentes, qui pourraient potentiellement être émis par une intelligence extraterrestre.
Une approche qui combine apprentissage supervisé et non supervisé
Comme le soulignent les auteurs de l’étude, le principal défi de la conduite du SETI dans le domaine radio est de développer une technique généralisée pour rejeter les interférences radiofréquences humaines. Ils ont donc réalisé une véritable avancée dans ce domaine, car leur algorithme s’est montré très efficace : bien que les données du télescope Robert C. Byrd aient déjà été analysées auparavant, sans intelligence artificielle, ces huit signaux avaient jusqu’à présent été complètement ignorés.
L’algorithme en question est une combinaison de deux sous-types d’apprentissage automatique : l’apprentissage supervisé et l’apprentissage non supervisé. Pour rappel, l’apprentissage supervisé, à l’inverse du non supervisé, consiste à apprendre une fonction de prédiction à partir d’exemples étiquetés par des humains. L’approche mise en œuvre ici, appelée « apprentissage semi-non supervisé », consiste à utiliser des techniques supervisées pour guider et entraîner l’algorithme à généraliser via des techniques d’apprentissage non supervisé, de sorte que de nouveaux modèles cachés puissent être découverts plus facilement dans les données, explique Ma.
Cette technique a permis aux chercheurs de réduire le nombre de signaux candidats d’environ deux ordres de grandeur par rapport aux analyses précédentes sur le même ensemble de données, tout en maintenant le taux de faux positifs à un niveau relativement bas.
Deux caractéristiques permettent de considérer les huit nouveaux signaux comme des signaux dignes d’intérêt, explique le Dr Steve Croft, scientifique du projet Breakthrough Listen sur le télescope Green Bank. Premièrement, ils sont détectables uniquement lorsque le télescope est pointé sur leur étoile source — par opposition aux interférences locales, qui sont généralement omniprésentes. Deuxièmement, ils changent de fréquence avec le temps d’une manière qui les fait apparaître loin du télescope.
Des signaux probablement non issus d’une autre civilisation
Le spécialiste souligne toutefois que cela ne suffit pas à déduire avec certitude qu’il s’agit bien d’un signal extraterrestre : il arrive en effet que des signaux possèdent ces deux caractéristiques simplement par pur hasard. Les premières observations de suivi n’ont d’ailleurs pour le moment pas permis de confirmer que ces signaux sont des technosignatures extraterrestres : aucun signal de morphologie similaire n’a été détecté à nouveau suite à la ré-observation des cibles, rapporte l’équipe. D’autres analyses sont en cours.
Mais même si ces signaux ne sont pas émis par une autre forme de vie intelligente, ce travail n’en demeure pas moins prometteur et démontre à nouveau que l’intelligence artificielle peut être d’une grande aide pour la recherche scientifique. « Cette approche d’apprentissage automatique se présente comme une solution de pointe pour accélérer le SETI et d’autres recherches transitoires à l’ère de l’astronomie pilotée par les données », conclut l’équipe dans Nature Astronomy.
À l’avenir, Ma et le reste de l’équipe SETI espèrent étendre leur approche et appliquer leur nouvel algorithme à d’autres ensembles de données et observatoires. « Avec l’aide de l’intelligence artificielle, je suis optimiste quant au fait que nous serons en mesure de mieux quantifier la probabilité de la présence de signaux extraterrestres provenant d’autres civilisations », a déclaré la Dre Cherry Ng, chercheuse associée au Dunlap Institute for Astronomy and Astrophysics de l’Université de Toronto et co-auteure de l’article.
Combiné aux puissants radiotélescopes actuels et futurs, tels que MeerKAT et le Square Kilometre Array — dont la construction devrait s’achever d’ici 2028 —, ou encore le VLA de nouvelle génération (ngVLA), cet algorithme permettra d’accélérer et d’étendre considérablement la recherche de signaux extraterrestres à des millions d’étoiles.