Les technologies d’imagerie ont fait d’étonnants progrès ces dernières années, notamment depuis l’apparition de l’IRM en 1980, suivie de l’IRMf dans les années 2000. Cependant, le grand inconvénient de ces techniques si utilisées est qu’elles sont pensées pour produire des images et non des animations. Récemment, une équipe internationale de chercheurs a présenté une technologie d’imagerie permettant de visualiser et amplifier les mouvements de fluides du cerveau en temps réel, en 3D et avec des détails étonnants. Elle offre ainsi un outil de diagnostic potentiel pour la détection d’affections difficiles à repérer, telles que les troubles obstructifs du cerveau et les anévrismes, avant qu’elles ne mettent la vie en danger.
La nouvelle technique, appelée IRM amplifiée 3D (IRMa 3D), révèle les mouvements fluidiques pulsés du cerveau, ce qui pourrait aider les chercheurs à visualiser de manière non invasive les troubles cérébraux et à élaborer de meilleures stratégies de traitement pour les malformations ou troubles minuscules qui obstruent le cerveau ou bloquent la circulation des fluides cérébraux.
Samantha Holdsworth, directrice de recherche au Mātai Medical Research Institute (Nouvelle-Zélande) et chercheuse principale au Centre for Brain Research, et Mehmet Kurt, professeur adjoint d’ingénierie mécanique au Stevens Institute of Technology (États-Unis), ont publié deux études présentant la technologie IRMa en collaboration avec l’université de Stanford, l’université de San Diego en Californie, l’université Queens et l’école de médecine Icahn de Mount Sinai.
Visualiser les mouvements de fluides du cerveau comme jamais auparavant
La première étude présente la méthode d’IRMa 3D et la compare à son prédécesseur, l’IRMa 2D. La nouvelle méthode permet une visualisation étonnante du « mouvement » du cerveau humain, dans toutes les directions. La deuxième étude visualise, valide et quantifie l’amplitude et la direction des mouvements de fluide du cerveau dans un espace tridimensionnel. La validation et la quantification garantissent que le traitement logiciel reflète une version amplifiée du mouvement réel. Les résultats ont été publiés hier respectivement dans les revues Magnetic Resonance in Medicine et Brain Multiphysics.
Les deux approches présentées pourraient apporter des informations cliniques importantes pour un certain nombre de troubles cérébraux. Par exemple, le mouvement anormal de deux zones situées à la base du cerveau, le pont (pons) et le cervelet, a été proposé comme marqueur diagnostique de la malformation de Chiari I, une anomalie qui entraîne une extension du tissu cérébral dans le canal rachidien.
VIDÉO 1 : L’IRMa 3D permet non seulement d’obtenir un aperçu étonnant de l’intérieur du « cerveau qui pulse », mais aussi de mesurer ce mouvement physiologique dans toutes les directions. Ici, l’amplitude du mouvement du cerveau est superposée pour chaque tranche de cerveau et chaque orientation en 3D. [© 3D aMRI method outlined in Abderezaei et al. Brain Multiphysics (2021); Terem et al. Magnetic Resonance in Medicine (2021)] :
IRMa 3D : la suite logique de l’IRMa 2D
L’IRM amplifiée en 2D a été développée par Holdsworth, Mahdi Salmani Rahimi, Itamar Terem et d’autres collaborateurs de l’université de Stanford, permettant à l’imagerie IRM de capturer le mouvement des fluides du cerveau d’une manière qui n’avait jamais été possible auparavant. L’IRM amplifiée 3D s’appuie sur ces travaux antérieurs développés et publiés en 2016. L’algorithme IRMa utilise une méthode de traitement du mouvement vidéo développée au Massachusetts Institute of Technology (MIT).
« La nouvelle méthode agrandit les pulsations rythmiques microscopiques du cerveau lorsque le cœur bat pour permettre la visualisation d’infimes mouvements de type piston, qui sont inférieurs à la largeur d’un cheveu humain », explique Itamar Terem, étudiant diplômé à Stanford et auteur principal de la première étude. « La nouvelle version 3D offre un facteur de grossissement plus important, ce qui nous donne une meilleure visibilité des mouvements du cerveau, et une meilleure précision ».
L’IRMa 3D du cerveau humain montre les mouvements infimes du cerveau à une résolution spatiale sans précédent de 1,2 mm³, soit environ la largeur d’un cheveu humain. Les mouvements réels sont amplifiés (rendus plus grands, jusqu’à 25 fois) pour permettre aux cliniciens et aux chercheurs de les visualiser en détail. Les détails frappants de ces mouvements animés et amplifiés pourraient aider à identifier des anomalies, telles que celles causées par des blocages des fluides rachidiens, qui comprennent le sang et le liquide céphalorachidien (LCR).
VIDÉO 2 : le nouveau logiciel 3D IRMa conçu par les chercheurs permet de créer des modèles d’animation 4D des mouvements du cerveau à partir d’une image IRM :
« Nous avons montré que l’IRMa 3D peut être utilisée pour la quantification du mouvement intrinsèque du cerveau en 3D, ce qui implique que l’IRMa 3D présente un grand potentiel pour être utilisée comme outil clinique par les radiologues et les cliniciens afin de compléter la prise de décision pour le traitement du patient », déclare Mehmet Kurt, du Stevens Institute of Technology et auteur principal de la deuxième étude. « Dans mon laboratoire à Stevens, nous constatons déjà les avantages de l’utilisation de variantes de la technique d’IRMa 3D dans diverses conditions cliniques, notamment la malformation de Chiari I, l’hydrocéphalie et les anévrismes, en collaboration avec des cliniciens du Mount Sinai ».
Détecter les irrégularités fluidiques et mesurer la pression intracrânienne
Un certain nombre de projets de recherche sont en cours et utilisent déjà le nouveau logiciel d’imagerie. « Nous utilisons l’IRMa 3D pour voir si nous pouvons trouver de nouvelles informations sur l’effet des lésions cérébrales traumatiques légères sur le cerveau », déclare Holdsworth. « Une étude déjà en cours, une collaboration entre le Mātai et l’université d’Auckland, utilise l’IRMa 3D ainsi que des méthodes de modélisation du cerveau pour voir si nous pouvons développer une méthode non invasive de mesure de la pression cérébrale, qui pourrait dans certains cas éviter la chirurgie cérébrale ».
Cette méthode pourrait être utile en clinique, par exemple chez les enfants souffrant d’hypertension intracrânienne idiopathique, qui doivent souvent faire l’objet d’une surveillance invasive de la pression cérébrale. « Cette nouvelle méthode de visualisation fascinante pourrait nous aider à comprendre ce qui régit la circulation des fluides dans et autour du cerveau. Elle nous permettra de développer de nouveaux modèles de fonctionnement du cerveau, qui nous guideront dans la manière de maintenir la santé du cerveau et de la restaurer en cas de maladie ou de trouble », a déclaré Miriam Sadeng, professeur associé à l’université d’Auckland au département d’anatomie et d’imagerie médicale, médecin et co-autrice des deux études.
« La validation de la méthode par la modélisation informatique nous a donné davantage de confiance quant à l’impact potentiel de ce travail », déclare Javid Abderezaei, étudiant diplômé dans le laboratoire de Kurt à Stevens et co-auteur principal de la deuxième étude. « Ce qui est passionnant, c’est que les modèles de déplacement dominants dans le cerveau sain correspondent qualitativement à la physiologie sous-jacente, ce qui signifie que toute modification du flux physiologique résultant d’un trouble cérébral devrait se refléter dans les déplacements que nous mesurons ».
La possibilité de visualiser les différences de mouvement du cerveau pourrait nous aider à mieux comprendre une variété de troubles cérébraux. À l’avenir, cette technologie pourrait être étendue à d’autres troubles de santé dans tout le corps humain.