En analysant la première année de données du Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI), incluant près de 6 millions de galaxies, une équipe internationale de chercheurs a confirmé les prédictions d’Einstein sur la gravité. La manière dont les galaxies se regroupent au cours des 11 derniers milliards d’années d’histoire de l’Univers suggère que la gravité se comporte exactement comme prédit par la relativité générale, même à de grandes distances cosmologiques.
Selon la théorie de la relativité générale, la gravité a façonné l’architecture de l’Univers en contribuant à la répartition de la matière et à l’agglomération de celle-ci pour former de grandes structures, telles que les galaxies. Cependant, alors qu’elle est bien testée à l’échelle des systèmes stellaires, certaines observations remettent en question sa validité à de grandes distances cosmologiques.
« La relativité générale a été très bien testée à l’échelle des systèmes solaires, mais nous devions également vérifier que la théorie fonctionne à des échelles beaucoup plus grandes », explique dans un article de blog du Lawrence Berkeley National Laboratory (Berkeley Lab), Pauline Zarrouk, du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
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Parmi les phénomènes semant le doute dans les prédictions d’Einstein figure l’accélération de l’expansion de l’Univers. Découverte en 1998 par Saul Perlmutter, Brian Schmidt et Adam Riess, elle a donné lieu à deux hypothèses impliquant notamment soit l’existence d’une énergie noire provoquant cette accélération, soit une lacune dans la théorie de la gravité d’Einstein à de grandes échelles cosmologiques, conduisant à des variantes modifiées de la théorie. De récentes mesures du Dark Energy Survey semblent également suggérer que la gravité agit de manière différente selon les distances cosmiques.
Zarrouk et ses collègues ont évalué la validité des théories modifiées de la gravité en analysant la première année de données de l’instrument DESI concernant la manière dont les galaxies se regroupent au fil du temps. « Les données que nous avons recueillies avec DESI nous permettent de mesurer les schémas subtils de regroupement des galaxies. Ce qui est vraiment passionnant, c’est que nous pouvons utiliser ces schémas non seulement pour mesurer la vitesse d’expansion de l’Univers, mais aussi pour tester notre compréhension de la gravité elle-même », indique dans un communiqué de l’Université de Portsmouth Seshadri Nadathur, qui a codirigé les nouvelles analyses. Les résultats sont détaillés dans une série d’études en prépublication sur le serveur arXiv.
Les prédictions d’Einstein confirmées sur 11 milliards d’années
DESI est un instrument d’observation de pointe installé sur le télescope Mayall, en Arizona. Il dispose de 5 000 capteurs en fibre optique pouvant capturer simultanément la lumière de 5 000 galaxies. La première année de données de l’instrument inclut près de 6 millions de galaxies et de quasars répartis sur une période allant jusqu’à 11 milliards d’années dans le passé de l’Univers. En seulement un an d’observation, DESI a collecté 3 fois plus de données que ce qui serait possible avec les précédents instruments en 20 ans. Ces relevées ont permis de réaliser la carte tridimensionnelle la plus étendue et la plus détaillée de l’Univers à ce jour.
La cartographie a permis aux chercheurs de collecter des mesures exactes de la répartition des galaxies dans l’Univers et l’évolution de son expansion sous l’effet de la gravité au fil du temps. Plus précisément, les équipes ont mesuré les oscillations acoustiques baryoniques (BAO), traduisant la manière dont les galaxies se regroupent. L’expansion de l’Univers éloigne les galaxies les unes des autres, tandis que la gravité atténue localement cet étirement en les regroupant. Les variations de vitesse d’expansion permettraient ainsi d’évaluer l’effet de la gravité sur de grandes distances cosmiques.
Les chercheurs ont constaté que sur 11 milliards d’années, la manière dont les galaxies se regroupent est cohérente avec les prédictions d’Einstein sur la gravité. Ces résultats confirmeraient ainsi la validité de la relativité générale à toutes les échelles de l’Univers et imposent une limite aux théories alternatives proposées pour expliquer les observations inattendues liées à son expansion. Les observations inattendues incluent notamment l’expansion accélérée de l’Univers, un phénomène non prévu par les théories classiques de la gravité.
Les données de DESI ont également montré que l’énergie noire ne semble pas constante et évolue au fil du temps. Cela suggère que le modèle cosmologique standard reste incomplet et que d’autres phénomènes physiques doivent probablement encore être mis au jour.
Claire Lamman et Michael Rashkovetskyi/collaboration DESI)
Une masse plus faible pour les neutrinos
Les données de DESI ont également fourni de nouvelles informations sur les neutrinos, les seules particules fondamentales dont les masses n’ont pas encore été mesurées avec précision en laboratoire. La limite supérieure de la masse combinée des trois types de neutrinos serait plus basse que ce qui a précédemment été supposé. Les précédentes expériences ont montré que cette masse devrait au moins être de 0,059 eV/c². À titre de comparaison, un électron a une masse d’environ 511 000 eV/c². En revanche, les mesures de DESI indiquent une masse de 0,071 eV/c² pour les neutrinos.
« Ces particules élémentaires sont de minuscules particules de très petite masse, mais la force de gravité qu’elles produisent collectivement affecte la façon dont les galaxies se déplacent et se regroupent dans l’espace », explique Carlos Frenk de l’Université de Durham et membre de l’équipe DESI. « La taille et la qualité sans précédent de l’ensemble de données DESI ont permis de détecter cet effet minuscule, ce qui est très enthousiasmant pour les cosmologistes et les physiciens des particules », ajoute-t-il.
Les chercheurs continuent d’analyser les trois premières années de données de DESI et prévoient de présenter une mise à jour des mesures de l’énergie noire d’ici l’année prochaine. Ces données devraient permettre de cartographier environ 40 millions de galaxies et de quasars.
ollaboration Fiske Planetarium, CU Boulder et DESI)