L’ouragan Patricia est le cyclone tropical le plus puissant jamais observé dans l’hémisphère occidental et le plus fort à l’échelle mondiale en termes de vents maximum. Toutefois, là ne sont pas les seules caractéristiques étonnantes de cet ouragan. En effet, les scientifiques ont pour la première fois pu observer un flash de rayons gamma terrestres accompagnés d’un faisceau descendant de positrons au centre d’un cyclone.
Les flashs de rayons gamma terrestres (TGF) correspondent aux rayonnements gamma issus de l’atmosphère terrestre. Ils apparaissent pendant quelques microsecondes (entre 0.2 et 3.5 ms) lors des orages électriques ; jusqu’à un millier de TFG peuvent se produire quotidiennement. Dégageant une énergie pouvant atteindre 20 MeV, ils sont constitués de photons gamma, d’électrons et parfois de positrons de haute énergie. Le mécanisme de formation des TGF est encore mal compris. Les modèles théoriques prédisent que des collisions entre des électrons relativistes et des noyaux d’atomes de l’air produiraient un intense rayonnement gamma par rayonnement continu de freinage (rayonnement électromagnétique produit par le ralentissement de charges électriques).
Ils sont observés pour la première fois en 1991 grâce au détecteur d’impulsions gamma de faible énergie BATSE, du Compton Gamma-Ray Observatory (NASA). Durant les 9 ans d’existence du satellite, les scientifiques détectent 74 TGF ; ce faible nombre s’explique par la résolution temporelle du satellite (trop lente pour des observations microsecondes) et surtout par le fait qu’aucun astronome n’avait pensé à tourner ces instruments vers les orages électriques. Lancé en 2002, le Reuven Ramaty High Energy Solar Spectroscopic Imager (NASA), plus performant, a permis la détection de 499 TGF, avec des énergies comprises entre 10 et 20 MeV.
Les modèles théoriques des TGF prédisent également qu’un faisceau ascendant de positrons (antiparticules de l’électron) devrait être émis vers l’atmosphère lors du flash. L’existence de positrons dégagés par les TGF lors d’orages électriques est confirmée dès 2011 par le Fermi Gamma-ray Space Telescope de la NASA, mais aucun faisceau d’antimatière n’avait été jusqu’alors détecté.
Aujourd’hui, c’est chose faite ; en effet, une équipe américano-britannique de physiciens a pour la première fois réalisé une double observation inédite : un TGF dans l’œil d’un cyclone et un faisceau descendant de positrons provenant de ce TGF. Les résultats ont été publiés dans le Journal of Geophysical Research: Atmospheres.
Pour ce faire, les chercheurs ont étudié le centre de l’ouragan in situ à bord de l’Hurricane Hunter aircraft de la NOAA, et grâce à l’Airborne Detector for Energetic Lightning Emissions (ADELE), qui détecte les rayons X et gamma émis par les positrons descendants. « Il s’agit de la première confirmation des prédictions théoriques, et elle montre que les TGF transpercent l’atmosphère du haut vers le bas via des rayonnements de haute énergie » explique David Smith, physicien à l’université de Santa Cruz. « Cet événement aurait pu être détecté depuis l’espace, comme tous les autres TGF observés, par son faisceau ascendant produit par une avalanche d’électrons. Mais nous l’avons vu d’en bas car, cette fois-ci, le faisceau de positrons a été émis dans la direction opposée ».
Ces résultats devraient aider les chercheurs à détecter plus facilement les TGF dans le futur, en utilisant des instruments terrestres. « Nous l’avons détecté à une altitude de 2.5 km, mais j’estime que nos instruments auraient très bien pu l’observer à 1.5 km. C’est l’altitude de Denver, donc il y a de nombreux endroits où vous pourriez observer des TGF si vous possédez un instrument au bon endroit et au bon moment, pendant un orage électrique » explique Smith.
Lors d’orages plus récents, des scientifiques de la JAXA (agence spatiale japonaise) ont détecté des faisceaux de positrons similaires. Malgré ces observations, un long travail attend encore les physiciens pour comprendre le mécanisme de formation exact des flashs de rayons gamma terrestres et les conditions spécifiques produisant un faisceau descendant de positrons, alors que les électrons possèdent un mouvement ascendant.