Découvert en 1789 par l’astronome William Herschel, Encelade est une des lunes de Saturne et le sixième plus gros satellite de la planète. La lune intéresse particulièrement les scientifiques car, sous son épaisse couche de glace de surface, se trouve un gigantesque océan d’eau liquide. Les données recueillies par la sonde Cassini en 2008 concernant les panaches d’eau éjectés dans l’espace avaient révélé la présence de molécules organiques non-solubles. Une nouvelle analyse vient de révéler la présence de molécules organiques complexes précurseurs des acides aminés composant la vie sur Terre et solubles dans l’eau. Un indice supplémentaire indiquant que l’océan d’Encelade pourrait abriter la vie.
Une nouvelle analyse des données de la NASA révèle la présence de composés organiques dans les panaches d’eau liquide qui jaillissent dans l’espace à partir de l’océan, sous la croûte glacée d’Encelade. Ces composés, qui contiennent de l’azote et de l’oxygène, jouent un rôle clé dans la production de molécules complexes d’acides aminés, qui servent de blocs de construction aux protéines. Sans protéines, la vie telle que nous la connaissons sur Terre ne pourrait pas exister.
Les astrobiologistes soupçonnent depuis longtemps que l’océan situé en dessous de la surface d’Encelade pourrait contenir les ingrédients de la vie. Les chercheurs avaient déjà détecté d’autres molécules organiques provenant de la lune glacée, mais c’est la première fois qu’elles sont détectées dissoutes dans l’eau. C’est essentiel, car cela signifie que les composés pourraient subir des réactions chimiques en eaux profondes qui produisent des acides aminés.
« Ce travail montre que l’océan d’Encelade regorge de blocs de construction biochimiquement réactifs, confortant ainsi l’enquête sur l’habitabilité d’Encelade » déclare Frank Postberg, co-auteur de l’étude publiée dans la revue MNRAS.
Des composés organiques complexes solubles dans l’eau
Sur Encelade, des jets d’eau et de glace sont émis régulièrement dans l’espace à travers des fissures chaudes dans la croûte de la lune. Les planétologues de la NASA à l’origine de la nouvelle étude ont analysé les données sur la composition chimique de ces panaches et ont découvert plusieurs nouveaux composés organiques, certains contenant de l’azote et d’autres contenant de l’oxygène.
Ces composés ont été dissous dans l’eau sous la surface d’Encelade. Selon l’étude, ils se sont ensuite évaporés avec les eaux de surface, se sont condensés et ont gelé dans la croûte glacée de la lune. Les panaches ont projeté les composés dans l’espace, où la sonde Cassini de la NASA les a détectés alors qu’ils volaient à proximité. Ces composés sont un autre signe qu’Encelade pourrait avoir sa propre version d’un processus qui crée la vie sur Terre.
Cheminées hydrothermales : un environnement propice à la création de la vie
Au fond des océans de la Terre, l’eau de mer se mélange à du magma qui bouillonne à travers les fissures du plancher océanique. Cette interaction produit des cheminées hydrothermales (fumeurs noirs) pouvant atteindre jusqu’à 370 °C.
Les cheminées crachent de l’eau chaude riche en hydrogène, alimentant des réactions chimiques qui transforment des composés organiques en acides aminés. Ces acides aminés peuvent ensuite s’agencer pour former des protéines, essentielles pour la réplication de l’information génétique.
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Ce processus permet à la vie de se développer sans l’aide du Soleil. C’est important car la surface glacée d’Encelade est très réfléchissante et renvoie le peu de lumière solaire que la lune reçoit dans l’espace. Toute vie là-bas devrait donc se développer dans le noir. Les planétologues pensent que les cheminées hydrothermales potentiellement présentes dans l’océan d’Encelade pourraient fonctionner de la même manière que celles sur Terre.
« Si les conditions sont réunies, ces molécules provenant de l’océan profond d’Encelade pourraient suivre le même processus de réaction que celui que nous voyons sur Terre » déclare Nozair Khawaja, qui a dirigé l’équipe de recherche. « Nous ne savons pas encore si les acides aminés sont nécessaires à la vie au-delà de la Terre, mais trouver les molécules qui forment les acides aminés est une pièce importante du puzzle ».
L’année dernière, l’équipe a découvert des molécules organiques similaires à partir des mêmes données. Mais les molécules n’étaient pas solubles dans l’eau ; les chercheurs pensent qu’elles flottaient simplement à la surface de l’océan d’Encelade. De tels composés devraient se dissoudre dans l’eau pour interagir avec les sources hydrothermales et produire les réactions nécessaires à la vie.
Jusqu’à présent, les astrobiologistes ne savaient pas si les composés organiques présents sur Encelade pouvaient suivre un tel processus. « Nous trouvons ici des blocs organiques plus petits et solubles — des précurseurs potentiels pour les acides aminés et d’autres ingrédients nécessaires à la vie sur Terre » déclare Jon Hillier, un autre co-auteur de l’étude.
L’héritage de Cassini et l’exploration de Titan
Les données utilisées pour arriver à ces deux découvertes provenaient de la mission Cassini de la NASA. La sonde a été lancée en 1997 et a passé 13 ans à explorer Saturne et ses lunes. En septembre 2017, la mission a pris fin lorsque l’agence spatiale a délibérément envoyé le vaisseau spatial s’écraser sur Saturne. Ils ont agi ainsi pour éviter de contaminer Encelade ou Titan, une autre lune proche qui pourrait également abriter la vie.
Cassini a découvert qu’Encelade dissimule un océan global d’eau salée liquide en dessous de sa surface et a photographié des geysers provenant de cet océan. La sonde a survolé les panaches et recueilli des données sur leur composition en 2008. Les chercheurs prévoient de continuer à les étudier, ainsi que d’autres données recueillies par Cassini, durant les décennies à venir.
La NASA envisage également d’envoyer une sonde sur Titan, une autre cible de choix pour la recherche de la vie extraterrestre en raison de ses propres composés organiques. Cette mission devrait consister en un hélicoptère à propulsion nucléaire appelé Dragonfly, qui sera envoyé sur la planète en 2026. L’engin spatial devrait arriver sur Titan en 2034, puis commencer à rechercher des signes de vie.