Les chiffres donnent le tournis. Et se sont aggravés avec la crise sanitaire et l’isolement des enfants et adolescents. Aujourd’hui, 13% des enfants vivant dans un pays de l’OCDE présentent au moins un trouble psychique. En France, ce nombre serait compris entre 600 000 et 1 million enfants et d’adolescents. Un problème de santé publique systémique, que les pays occidentaux peinent à adresser, faute de vouloir regarder le problème en face tant la souffrance psychique des enfants peut être tabou.
« Dès que vous parlez d’enfance, d’adolescence et de psychiatrie, vous avez un blocage », regrette Olivier Pelat, président d’une association de mécènes de l’hôpital de la Salpêtrière, qui multiplie les innovations et prévoit une montée en puissance dans les années à venir.
Volontarisme gouvernemental dans un contexte dégradé
Ces difficultés s’inscrivent dans une baisse globale du nombre de médecins spécialistes, avec une chute de 34 % du nombre de pédopsychiatres entre 2010 et 2022, le pays en comptant aujourd’hui moins de 2 000. Entre 1986 et 2013, le nombre de lits dans les services spécialisés a chuté de 58 %, selon un récent rapport de la Cour des Comptes. En bref, une offre inadaptée à la demande. Mais, derrière les discours sur la faillite de la psychiatrie en France, plusieurs initiatives se mettent en place.
Au niveau global, un renforcement budgétaire significatif a d’ores et déjà été annoncé. Les Assises de la santé mentale, organisées en 2021, ont fléché 5 millions d’euros supplémentaires vers les « Maisons des adolescents », des centres d’accueil et de soin, qui devraient à terme être implantés dans chaque département ; 8 millions vers les centres médico-psychologiques infanto-juvéniles pour faciliter les prises de premier rendez-vous et 2 millions vers une quinzaine de centres spécialisés dédiés à la prise en charge des individus souffrant de traumatisme psychologique.
Le tout, dans un contexte de renforcement des ressources humaines : « Le gouvernement travaille énormément pour faire connaître ces métiers et constituer des filières adaptées. Il y a également des négociations de branches pour rendre financièrement ces métiers plus attractifs, et des réflexions sur la manière d’améliorer la qualité de vie au travail et le temps de travail dans ces secteurs », souligne Charlotte Caubel, secrétaire d’État à l’Enfance, dans un interview accordé au magazine L’Express le 16 mars 2023.
Un projet-pilote ambitieux à la Pitié-Salpêtrière
La situation délicate de la pédopsychiatrie en France n’empêche pourtant pas les innovations et, surtout, les perspectives d’avenir ambitieuses. Au sein du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (APHP), un robot d’aide à l’apprentissage de l’écriture a été installé dans les locaux pour soutenir l’apprentissage des enfants, notamment ceux touchés par des troubles autistiques. Une initiative, à laquelle TF1 a consacré un reportage, conduite avec le soutien d’une équipe de chercheurs qui seront, à terme, plus amplement impliqués dans la vie de l’hôpital et du service.
« L’idée est de faire un institut de soin, où l’on va mettre à disposition des salles expérimentales et des lieux pour que les chercheurs qui s’intéressent à nos patients viennent les voir in situ », se réjouit le professeur Cohen, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Une transformation qui s’inscrit aussi dans une montée en gamme des infrastructures avec, à terme, la construction d’un bâtiment moderne de 10 000 m2 conçu pour répondre aux besoins des enfants et des adolescents.
Un projet prévu pour sortir de terre dans les trois ans, avec le soutien de l’AP-HP, mais aussi de mécènes privés. « J’ai toujours la gorge un peu serrée quand je vois ces enfants et ces adolescents et je ne veux pas les décevoir », explique Olivier Pelat, qui a apporté son soutien au projet.
Au sein du centre hospitalier George Sand, dans le Cher, trois projets du pôle médico-psychologique de l’enfant et de l’adolescent ont été retenus dans le cadre des appels à projets du ministère de la Santé. En tout et pour tout, 94 projets ont été retenus dans le cadre des appels à projets innovation et pédopsychiatrie en 2022. Signe que, dans un contexte global dégradé, l’innovation reste une constante fondamentale.