Fin mars 2020, après s’être appuyé sur une étude chinoise antérieure de quelques semaines, le professeur Didier Raoult présentait à son tour les résultats de son essai clinique concernant l’hydroxychloroquine dans le traitement du COVID-19. Criblés de biais méthodologiques et rapidement décriés par la communauté scientifique, ces résultats ont été invalidés par diverses études postérieures qui montraient, au mieux, une inefficacité du traitement et, au pire, des effets secondaires mettant en danger la vie des patients. Sur la base de ces différentes études, dont le point culminant a été une étude de grande envergure publiée dans la revue The Lancet il y a quelques jours, l’OMS a pris la décision de suspendre tous les essais cliniques impliquant l’hydroxychloroquine dans le cadre de son Essai de Solidarité.
L’Organisation mondiale de la santé a annoncé lundi qu’elle avait temporairement suspendu les essais cliniques sur l’hydroxychloriquine (HCQ) en tant que traitement potentiel pour le COVID-19, menés à titre préventif dans divers pays. La décision est intervenue après la publication la semaine dernière d’une étude dans The Lancet qui a indiqué que l’utilisation du médicament sur les patients pourrait augmenter leurs risques de mourir, explique le directeur de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Tedros déclare que le groupe exécutif de l’Essai de Solidarité, dans lequel des centaines d’hôpitaux de plusieurs pays ont recruté des patients pour tester plusieurs traitements possibles pour le nouveau coronavirus, avait par précaution suspendu les essais utilisant ce médicament. « Le groupe exécutif a mis en place une pause temporaire de la partie HCQ dans le cadre de l’essai de solidarité tandis que les données de sécurité sont examinées par le Data Safety Monitoring Board. Les autres parties du test se poursuivent ».
Un traitement inefficace, voire dangereux pour les patients : les conclusions de The Lancet
L’hydroxychloroquine est normalement utilisée pour traiter certaines maladies auto-immunes, mais la déclaration de personnalités telles que le président américain Donald Trump — qui a annoncé la semaine dernière qu’il prend le médicament — a incité les gouvernements à l’acheter en vrac. Le ministre brésilien de la Santé a également recommandé la semaine dernière d’utiliser l’hydroxychloroquine, ainsi que la chloroquine antipaludéenne, pour traiter même les cas légers de COVID-19.
L’étude de The Lancet a révélé que les deux médicaments peuvent produire des effets secondaires potentiellement graves, en particulier l’arythmie cardiaque. Et aucun médicament n’a profité aux patients hospitalisés atteints du COVID-19, selon une autre étude publiée également dans The Lancet, qui a examiné les dossiers de 96’000 patients dans des centaines d’hôpitaux. Tedros a souligné lundi que les deux médicaments « sont acceptés comme étant généralement sans danger pour les patients atteints de maladies auto-immunes ou de paludisme ».
Le scientifique en chef de l’OMS, Soumya Swaminathan, explique que l’essai de solidarité soutenu par l’OMS avait seulement examiné les effets de l’hydroxychloroquine et non de la chloroquine. La décision de suspendre l’inscription aux essais utilisant l’hydroxychloroquine était une mesure temporaire. « Nous agissons simplement par précaution », indique le chef des urgences de l’OMS, Michael Ryan.
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La nécessité pour les gouvernements de maintenir une vigilance accrue
Alors que de nombreux pays commencent à lever progressivement les restrictions, l’OMS a souligné lundi la nécessité de suivre les mesures de distanciation physique et d’intensifier les efforts pour tester et détecter les cas d’infection. « Tous les pays doivent rester en état d’alerte », déclare Maria Van Kerkhove, experte de l’OMS, soulignant que même les pays qui ont connu une baisse du nombre de cas doivent rester prêts.
Ryan a également confirmé ces propos, exhortant les pays à « continuer à mettre en place une stratégie globale pour garantir que nous continuons sur une trajectoire descendante et que nous n’ayons pas un deuxième pic immédiat ». Il met contre l’idée que la pandémie pourrait se déplacer dans des vagues saisonnières naturelles, soulignant que les raisons pour lesquelles la transmission diminue dans un certain nombre de pays sont les mesures drastiques mises en place.