Onze mois après les premières infections du virus Ebola au Congo, l’OMS a décidé mercredi de classer l’épidémie en tant qu’urgence mondiale, afin d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation alarmante, qui pourrait atteindre de nombreux pays.
Cinq ans après la terrible épidémie en Afrique de l’Ouest, qui avait causé la mort de plus de 11’000 personnes jusqu’en 2016, le virus Ebola frappe de nouveau en République Démocratique du Congo (RDC), avec plus de 2500 personnes infectées depuis août 2018, dont 1650 qui en ont succombé. Cette nouvelle épidémie a poussé l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à la déclarer comme une « urgence sanitaire mondiale ».
Cette classification n’est pas dans le but de forcer les gouvernements à agir davantage, mais de lancer une alerte globale pour rendre le problème plus visible. Elle doit être déclarée uniquement lors de situations exceptionnelles où le risque de propagation peut toucher d’autres pays et devenir un problème international. Cependant, l’OMS ne souhaiterait pas qu’elle engendre une réaction qui pourrait affecter l’économie et les efforts de la RDC.
« C’est toujours une urgence régionale et non une menace mondiale » déclare Robert Steffen, président du comité d’urgence responsable de la classification de l’épidémie comme urgence sanitaire mondiale. « Les États ne doivent pas utiliser cette urgence comme prétexte pour imposer des restrictions au commerce ou aux voyages, ce qui aurait un impact négatif sur la réaction, la vie et les moyens de subsistance des habitants de la région ».
Son comité avait déjà effectué auparavant trois demandes à l’OMS pour classer l’épidémie comme urgence mondiale. Ce n’est qu’après le diagnostic du premier cas d’infection le 14 juillet dernier à Goma, ville frontalière avec le Rwanda de presque deux millions d’habitants et où plus de 15’000 personnes traversent chaque jour pour passer d’un pays à l’autre, ainsi que l’expansion de l’épidémie à plus de 500 km de l’épicentre de l’infection (ville de Beni), que l’institution de l’ONU décida de prendre en compte leur demande, en admettant également l’échec des mesures de confinement.
Le ministère de la santé de la RDC a accepté la déclaration de l’OMS, mais se demande si elle n’aurait pas été influencée par des individus qui chercheraient à obtenir davantage de fonds humanitaires en exploitant l’épidémie. Le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus avait par ailleurs déclaré que les fonds qu’ils ont pu soulever (54 millions) sont largement insuffisants, et que cela aura pour conséquence que l’épidémie perdurera encore très longtemps.
L’inquiétude dans la ville de Goma n’est pas uniquement due à sa population et sa frontière commune avec le Rwanda, mais aussi à son aéroport international, qui pourrait favoriser l’apparition d’infections dans un pays éloigné de la RDC. Le mois dernier, un enfant âgé de cinq ans et sa grand-mère sont morts en Ouganda, après avoir assisté en RDC aux funérailles d’un membre de la famille décédé pour la même raison.
La criminalité des régions de Goma et Beni inquiètent également les officiels de la santé. Plus de 198 attaques dans des établissements de soins médicaux ainsi que sur des travailleurs sanitaires (dont sept qui ont été assassinés) ont été enregistrées depuis le mois de janvier. Les infrastructures mal entretenues, les violences politiques ainsi que la perte de confiance de la population face aux responsables de la santé publique dans le pays n’arrangent guère la situation.
Dans le même sujet : Pour la première fois, une survivante au virus Ebola a transmis l’infection sans montrer de symptômes
De nombreuses personnes applaudissent la déclaration d’urgence sanitaire mondiale. « Il existe un risque important d’augmentation du nombre ou de la propagation dans de nouveaux lieux. […] C’est peut-être l’épidémie la plus compliquée à laquelle le monde ait jamais eu à faire face, mais la riposte en RDC reste débordée et sous-financée », déclare le chef de l’association caritative « Wellcome Trust », Josie Golding.
Un vaccin produit par la pharmaceutique Merck a déjà été distribué à plus de 161’000 personnes dans le pays, mais il est possible que les réserves s’épuisent rapidement. Le ministre de la santé a rejeté l’utilisation d’un autre vaccin encore en phase expérimentale produit par Johnson & Johnson. L’OMS souhaiterait lui faire changer d’avis, et le rassurer sur les résultats positifs obtenus jusqu’à aujourd’hui durant les tests.
Adam Kamradt-Scott, spécialiste de la sécurité sanitaire mondiale de l’Université de Sydney déclare que la RDC devrait tirer des leçons de l’épidémie dans l’ouest de l’Afrique.
« C’est une épidémie qui se produit dans une zone de conflit. La seule façon dont vous pouvez aider à faire face à l’épidémie est de résoudre le conflit », en faisant en partie référence aux différents actes de violence sur les officiels de la santé dans la région, dont une partie est due au manque de confiance du peuple au gouvernement.