Selon les spécialistes, les grands singes en voie de disparition sont en outre menacés par le nouveau coronavirus. Selon eux, il y aura une « bataille difficile » à mener prochainement afin de protéger ces animaux d’une éventuelle infection.
Les gorilles, les orangs-outans, les chimpanzés et les bonobos sont connus pour être sensibles aux maladies respiratoires humaines, tombant parfois beaucoup plus malades que les humains. En effet, certains grands singes (tels que les gorilles, les chimpanzés ou encore les orangs-outans) possèdent presque le même ADN que les humains. Une similitude qui se monte à 98.47% pour les gorilles. Ces derniers sont donc très susceptibles d’être sensibles aux mêmes maladies que l’Homme.
Par exemple, les virus appelés métapneumovirus (du groupe des mononegavirales – à ARN) provoquent généralement une infection avec des symptômes de rhume chez l’Homme, mais ont conduit à des résultats plus graves chez les chimpanzés, y compris la mort de jeunes chimpanzés. « Tout comme nous ne savons pas vraiment jusqu’où ce [coronavirus] ira en matière d’impact sur les populations humaines, il en va de même pour les singes », explique Thomas Gillespie à l’Emory University à Atlanta, en Géorgie.
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Bien qu’il n’y ait pas encore eu de cas confirmés de COVID-19 chez d’autres grands singes, comme ces derniers ont une biologie cellulaire similaire à celle des humains, cela pourrait les rendre sensibles au nouveau coronavirus.
Une pression globale sur les gouvernements pour protéger les grands singes
À présent, les chercheurs demandent aux gouvernements de prendre des mesures de précaution pour protéger les grands singes, en particulier les populations qui entrent régulièrement en contact avec les humains.
Gillespie et 25 autres chercheurs du monde entier ont co-signé une lettre ouverte publiée dans Nature le 24 mars dernier. Ils ont appelé à la suspension du tourisme des grands singes et à la réduction des recherches sur le terrain pour réduire le risque de transmission du COVID-19 par l’Homme.
À l’exception de la Tanzanie, presque toutes ces activités ont depuis été suspendues. « La menace COVID-19 pour ces animaux ne peut pas être sous-estimée. Le coronavirus est si infectieux qu’il peut persister à l’extérieur du corps et l’effet du virus sur les singes est encore inconnu. Je pense que ça va être très difficile de le garder hors des populations de singes », explique Gillespie.
Le Rwanda, l’Ouganda et la République démocratique du Congo ont temporairement suspendu le tourisme des gorilles et restreint l’accès à leurs parcs nationaux pour protéger les espèces de montagne en danger critique d’extinction. Il y a actuellement quelque 1000 gorilles des montagne qui vivent dans deux zones protégées près des frontières des trois pays, et environ 70% de ces individus sont habitués à la population humaine.
Kirsten Gilardi, de Gorilla Doctors, une organisation à but non lucratif, affirme que les gorilles de montagne sont les seules grandes espèces de grands singes dont le nombre augmente naturellement dans la nature, mais en grande partie grâce au tourisme et aux bons soins vétérinaires. Cependant, à l’heure actuelle, ce contact nécessaire avec les gens les expose au risque d’infection. « Avec les gorilles de montagne, c’est une situation unique, car une si grande partie de la population de gorilles est habituée à la présence humaine, cela pourrait être une arme à double tranchant », explique Gilardi.
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Gilardi et son équipe se tenaient déjà à au moins 10 mètres des gorilles lorsqu’ils effectuaient des bilans de santé et portaient des masques chirurgicaux lors des évaluations. Mais avec la pandémie, ils ont également introduit des contrôles de température quotidiens des personnes entrant dans le parc ainsi que des procédures permettant de désinfecter leurs bottes et autre matériel. « COVID-19 a été un signal d’alarme pour nous tous », a déclaré Gilardi.
Ce sont les sanctuaires, avec leur fréquentation élevée, qui restent les plus exposés. Par exemple, le centre de réhabilitation des orangs-outans de Sepilok, dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo, a fermé ses portes au public, affirmant que le coronavirus « est un risque que nous ne pouvons pas nous permettre de prendre ». À noter qu’il y a 100’000 orangs-outans dans la nature à travers Bornéo.
Le programme de réhabilitation des orangs-outans de Jejak Pulang, dans la partie indonésienne de l’île de Bornéo, a également pris des précautions pour protéger ses huit orangs-outans orphelins. « Les plus jeunes comptent sur leurs mères porteuses humaines pour leur enseigner les compétences dont ils ont besoin afin d’être réintroduits dans la nature », explique Signe Preuschoft, le chef du programme.
Le coronavirus constitue une nouvelle menace, avec plus de 1600 cas confirmés en Indonésie au 1er avril : les employés de Jejak Pulang gardent maintenant leurs uniformes sur place et portent des masques faciaux lorsqu’ils sont en contact avec les orangs-outans. L’équipe a également commencé à stocker des aliments et des produits de nettoyage, mais certains équipements médicaux sont déjà en nombre insuffisant. « Les implications à long terme de la pandémie sur la conservation des grands singes ne sont pas claires, mais la perte de revenus provenant du tourisme pourrait entraîner une augmentation du braconnage », explique Gillespie.