Ordinateur probabiliste : le nouveau compromis entre ordinateur classique et ordinateur quantique

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Au cours des dernières années, le développement de l’informatique quantique s’est accéléré, aboutissant aujourd’hui à des preuves de concept convaincantes. Toutefois, la réalisation d’un ordinateur quantique pleinement fonctionnel n’est pas encore à l’ordre du jour. Pourtant, la résolution de certains problèmes actuels pourrait être optimisée grâce à des ordinateurs plus puissants que ceux disponibles actuellement. C’est dans ce cadre qu’une équipe de chercheurs a mis au point un « ordinateur probabiliste », situé, en matière de puissance de calcul, entre l’ordinateur classique et l’ordinateur quantique.

Les chercheurs ont mis un circuit électronique pour un « ordinateur probabiliste », un appareil qui pourrait permettre de combler le fossé entre les ordinateurs quantiques authentiques et les PC et Mac standard disponibles aujourd’hui. L’astuce d’un ordinateur probabiliste réside dans le fait de résoudre des problèmes quantiques sans pour autant être un véritable ordinateur quantique. Pour ce faire, il utilise un p-bit (probabilistic bit), que l’équipe responsable de cette recherche, publiée dans la revue Nature, décrit comme un « qubit du pauvre ».

Alors que les bits classiques peuvent uniquement prendre la valeur 1 ou 0, les qubits peuvent prendre les deux valeurs à la fois, grâce aux lois de la mécanique quantique, ce qui représente un grand bond en puissance de traitement. Un p-bit, quant à lui, ne peut être qu’un 1 ou un 0, mais peut basculer très rapidement entre ces deux états.

Résolution de problèmes quantiques sans qubits : le compromis des p-bits

En contrôlant soigneusement ces fluctuations, les scientifiques peuvent s’attaquer à des calculs d’un type généralement considéré comme un problème d’informatique quantique, mais sans ordinateur quantique réel. De plus, les p-bits fonctionnent à température ambiante, alors que les qubits ont besoin de températures très basses pour fonctionner correctement, de sorte qu’ils sont plus faciles à adapter aux ordinateurs existants.

mram pbit
La structure d’une jonction tunnel magnétique et la conception de la barrière d’énergie pour les applications MRAM et p-bits. La jonction tunnel magnétique est constituée de couches ferromagnétiques libres et fixes qui prennent en sandwich une barrière de tunnel isolante mince. Le sens de l’aimantation de la couche libre, représentant les informations numériques 0 et 1, peut être modifié par un tension électrique externe. Pour les applications MRAM, la barrière d’énergie entre les états 0 et 1 est conçue pour être grande par rapport à la fluctuation thermique, tandis que pour les p-bits, elle est conçue pour être proche du niveau de fluctuation thermique tel que l’aimantation fluctue dans le temps.  Ainsi, le basculement entre 0 et 1 est bien plus rapide. Crédits : Shunsuke Fukami/Kerem Camsari

« Il existe un sous-ensemble utile de problèmes pouvant être résolus avec des bits quantiques, qui peuvent également être résolus avec des p-bits » explique Supriyo Datta, ingénieur en électricité et en informatique, de l’université Purdue de l’Indiana. Le résultat de la recherche est un dispositif à mémoire MRAM (Random Access Memory) magnétorésistif modifié, utilisé pour stocker des informations dans certains des ordinateurs actuels. Les orientations magnétiques sont utilisées pour créer des états de résistance représentant des 1 ou des 0.

Huit de ces unités de p-bits MRAM sur mesure ont été assemblés avec un contrôleur électronique pour former un ordinateur probabiliste — un ordinateur dans lequel les unités ne sont susceptibles que d’adopter une valeur spécifique (d’où le nom probabiliste). Les chercheurs ont ensuite été en mesure de résoudre des problèmes de factorisation d’entiers, où les nombres sont décomposés en multiples plus petits.

Ordinateur probabiliste : le relais entre ordinateur quantique et ordinateur classique

Ceci est généralement considéré comme un problème quantique, un problème pour lequel les ordinateurs quantiques excelleraient — les ordinateurs classiques peuvent le faire, mais plus lentement et moins efficacement. Cet ordinateur probabiliste représente une sorte de compromis entre les deux. Les chercheurs suggèrent que des ordinateurs probabilistes pleinement fonctionnels traiteraient la factorisation d’entiers et les problèmes similaires en utilisant moins d’espace et d’énergie que les ordinateurs actuels.

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caracteristique pbits
Comparaison entre une jonction tunnel magnétique (MTJ) à p-bits et un ordinateur classique LFSR. La MTJ nécessite bien moins d’énergie et de transistors. Crédits : William A. Borders et al. 2019

« Sur une carte électronique, ce circuit occuperait la même surface qu’un transistor, mais remplirait une fonction qui aurait pris des milliers de transistors à exécuter. Il fonctionne également de manière à accélérer le calcul grâce au fonctionnement en parallèle d’un grand nombre de p-bits » déclare Ahmed Zeeshan Pervaiz, ingénieur en informatique et en électricité, de l’université de Purdue.

Ce nouvel ordinateur va devoir être optimisé et perfectionné pour être réellement utilisable, mais les chercheurs pensent que ces avancées pourraient arriver à court terme. Ces dispositifs peuvent alors prendre le relais des ordinateurs classiques pour certains problèmes, jusqu’à ce que la révolution de l’informatique quantique arrive enfin. « Dans un avenir proche, les p-bits pourraient aider une machine à apprendre comme un humain ou optimiser un itinéraire permettant aux marchandises d’être acheminées » conclut l’un des chercheurs, Kerem Camsari.

Sources : Nature

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