Origine de la pandémie de COVID-19 : les faiblesses de la (fausse) piste italienne

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Depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’Organisation mondiale de la santé travaille avec les États membres et la communauté scientifique pour mieux comprendre comment tout ceci a commencé. Près de deux ans après le tout premier cas déclaré (le 8 décembre 2019, à Wuhan), nous ne savons toujours pas avec certitude comment le SARS-CoV-2 a émergé. Si la Chine est généralement tenue pour responsable des faits, une série d’études commencent à suggérer que la maladie circulait déjà en Italie bien avant la pandémie…

Une prépublication parue au début du mois d’août rapporte que « des preuves moléculaires de l’infection par le SARS-CoV-2 ont été trouvées chez 13 sujets », dont 11 dataient de la période prépandémique. La première positivité pour l’ARN du SARS-CoV-2 aurait été trouvée dans un échantillon prélevé le 12 septembre 2019, suggérant que le virus circulait en Lombardie à la fin de l’été 2019, soit beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait jusqu’alors.

Plusieurs autres études décrivent des preuves de la présence du virus parmi la population italienne avant le mois de décembre 2019. Cette découverte pourrait véritablement changer la donne, tant sur l’origine de la pandémie, que sur la manière dont le virus s’est propagé et a évolué. La théorie, qui pourrait potentiellement dédouaner la Chine de la pire crise sanitaire de l’Histoire, est d’ailleurs largement relayée par les médias chinois. Encore faut-il que les études réalisées reposent sur des éléments fiables et irréfutables, ce qui est loin d’être le cas selon un article de Wired.

Des méthodes atypiques, aboutissant à des preuves peu convaincantes

Pour commencer, une étude parue plus tôt cette année, dirigée par Elisabetta Tanzi, professeure à l’Université de Milan, rapporte qu’un jeune garçon du nord de l’Italie, présentant des symptômes de rougeole en novembre 2019, était infecté par le SARS-CoV-2. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont utilisé un échantillon d’un patient positif fourni par un hôpital local — ce qui signifie que le virus a pénétré dans leur laboratoire. Or, pour effectuer des tests, il a nécessairement fallu amplifier et multiplier cet échantillon viral, une approche particulièrement sensible à la contamination, connue pour générer des faux positifs.

De même, l’article paru début août, dont l’étude était également dirigée par Tanzi, rapporte lui aussi des preuves d’infection, mais les auteurs ne mentionnent pas la façon dont ils ont obtenu les échantillons de contrôle. En d’autres termes, les échantillons prélevés avant la pandémie ont très bien pu être contaminés au moment de l’étude. Pour Andrew Rambaut, biologiste de l’évolution moléculaire à l’Université d’Édimbourg, ces preuves sont donc très minces. « Il leur incombe de démontrer que ces séquences virales sont réelles », dit-il.

Une autre étude publiée en août 2020, menée par le ministère de l’Environnement et de la Santé de Rome, a signalé la détection d’ARN de SARS-CoV-2 dans des échantillons d’eaux usées prélevés le 18 décembre 2019 dans les villes de Milan et Turin. Mais les chercheurs ont utilisé leurs propres amorces, utilisées pour cibler des régions spécifiques d’ARN, malgré l’existence d’amorces standardisées utilisées dans le monde à l’époque, ce qui laisse certains spécialistes relativement sceptiques.

Un article publié en novembre 2020 signale, quant à lui, que plus d’une centaine de participants — parmi des volontaires italiens inscrits pour un essai de dépistage du cancer du poumon — avaient développé des anticorps anti-coronavirus dès septembre 2019. Cependant, il s’avère que les chercheurs n’ont pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la détection d’anticorps contre d’autres coronavirus, comme celui du rhume. En outre, cette étude soumise à la revue Tumori, a été acceptée dès le lendemain — ce qui indique que l’examen par les pairs a été vraiment rapide, voire inexistant… Une enquête, réclamée par l’OMS, a conduit à une ré-analyse des échantillons examinés : aucun ne contenait des niveaux suffisamment élevés d’anticorps pour être considéré comme une preuve d’infection.

Des études qui alimentent la désinformation et la propagande

Finalement, plusieurs articles similaires, pointant du doigt l’Italie, ont vu le jour, mais tous reposent sur des imprécisions ou des méthodologies inhabituelles. Une série d’articles motivés par un « effet d’entraînement », selon Michael Worobey, biologiste évolutionniste à l’Université d’Arizona : « Il est vrai que les gens là-bas sont vraiment convaincus qu’il y a eu une épidémie précoce, et ils vont en chercher des preuves, et peut-être ne sont-ils pas très autocritiques à l’égard des preuves qu’ils génèrent ». Une fois l’idée suggérée, les scientifiques « passeront ensuite en revue leurs échantillons stockés pour voir ce qu’ils peuvent trouver », ajoute Rambaut.

L’ensemble de ces résultats, bien qu’imparfaits et non corroborés, sont largement exploités par la Chine pour la dégager des lourdes responsabilités qui planent au-dessus d’elle ; pour Andrew Small, chercheur principal spécialisé en politique étrangère chinoise à la German Marshall Fund, ces signalements d’autres lieux potentiels d’origine du virus s’apparentent à une campagne de propagande.

Lors d’un récent point presse, Liang Wannian — chef de la partie chinoise de l’équipe de l’OMS chargée de retracer les origines de la pandémie — a déclaré que la prochaine phase de l’enquête devrait être menée dans d’autres parties du monde, où la transmission du virus a été identifiée avant qu’il ne soit détecté à Wuhan. « Les tentatives des médias de l’État chinois pour affirmer que la pandémie pourrait avoir son origine ailleurs dans le monde sont clairement de la désinformation scientifique », souligne Jesse Bloom, généticien de l’évolution virale au Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle, au regard des « preuves accablantes » qui accusent la Chine.

La piste italienne doit-elle être définitivement écartée ? Même si les preuves n’apparaissent pas comme très solides, quelques scientifiques estiment que certaines études méritent un examen plus attentif. « La recherche des origines de tout nouvel agent pathogène est un processus difficile, basé sur la science, et qui demande collaboration, dévouement et temps », rappelle l’OMS dans un communiqué publié le 12 août. L’organisation a déclaré qu’elle travaillait actuellement avec un certain nombre de pays, y compris l’Italie, ayant signalé la détection de SARS-CoV-2 dans des échantillons biologiques stockés à partir de 2019. Elle rappelle enfin qu’il est d’une importance vitale de savoir comment la pandémie de COVID-19 a commencé, afin de pouvoir anticiper et empêcher toute future pandémie.

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