Lorsque le projet Pan-Cancer débute, les chercheurs ont un objectif simple : séquencer entièrement les génomes de différents types de cancer et les comparer afin d’obtenir une cartographie détaillée des mutations et altérations cellulaires à l’origine des cancers les plus courants. Et récemment, l’équipe internationale de cancérologues, généticiens, immunologistes et biochimistes, a publié un ensemble de données complet sur ce séquençage. Les résultats obtenus sont sans précédent et considérés comme une véritable percée médicale. Ils devraient permettre de considérablement améliorer les diagnostics et les traitements anticancéreux.
Le projet Pan-Cancer a réuni plus de 1300 chercheurs dans le monde pour s’attaquer à la tâche gigantesque de séquencer les génomes de 38 types de cancer chez près de 2800 patients. Leurs travaux ont produit une foule de nouvelles découvertes — du nombre et de l’emplacement de mutations pilotes qui poussent les cellules à se reproduire de manière incontrôlable, aux similitudes surprenantes entre les cancers trouvés dans différents types de tissus.
Les résultats ont été publiés dans près de deux douzaines d’articles dans la revue Nature et représentent l’étude la plus vaste et la plus complète jamais réalisée sur les génomes de plusieurs types de cancers.
« Grâce aux connaissances que nous avons acquises sur les origines et l’évolution des tumeurs, nous pouvons développer de nouveaux outils et thérapies pour détecter le cancer plus tôt, développer des thérapies plus ciblées et traiter les patients avec plus de succès » déclare Lincoln Stein, membre du comité de pilotage du projet.
Une grande variété de génomes, de mutations et de processus cancéreux
Parmi les principales conclusions du travail, figure la grande variété de génomes cancéreux. « Le résultat le plus frappant est à quel point le génome du cancer d’une personne est différent de celui d’une autre ». L’étude a trouvé des milliers de combinaisons de mutations dans des cancers individuels, ainsi que plus de 80 processus qui provoquent les mutations, certaines liées à l’âge et d’autres héritées ou liées à des facteurs de style de vie tel que le tabagisme.
Les travaux ont révélé que le développement précoce de certains cancers peut survenir des décennies avant le diagnostic, parfois même dans l’enfance. La recherche a également révélé que les modèles de mutations, et où ils se produisent, peuvent aider à identifier environ 1 à 5% des cancers qui ne peuvent pas être identifiés par des diagnostics réguliers. Un génome séquencé peut même révéler des erreurs de diagnostic sur un type de cancer.
La plupart des travaux sur le séquençage du génome du cancer se sont concentrés sur environ les 2%, connus sous le nom de « gènes codant pour les protéines ». Mais l’étude Pan-Cancer a séquencé des génomes entiers, découvrant de nouvelles mutations pilotes cancérigènes dans les 98% restants, appelés « gènes non codants ».
Une cartographie complète des mutations pour de meilleurs diagnostics et traitements
Les chercheurs ont constaté une énorme variation du nombre de mutations dans un cancer donné, de très peu dans certains cancers observés chez les enfants jusqu’à 100’000 dans des échantillons de cancer du poumon. Et dans environ cinq pour cent des cas, aucune mutation pilote connue n’a été trouvée, ce qui implique qu’il existe des mutations qui n’ont pas encore été identifiées.
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Le séquençage permet de cartographier les nombreux types de mutations — des changements dans des lettres d’ADN simples aux insertions ou suppressions de code génétique beaucoup plus importantes — qui peuvent provoquer le cancer. Il a également révélé que les cancers dans différentes parties du corps sont parfois beaucoup plus semblables qu’on ne le pensait.
En termes pratiques, les résultats aideront à identifier les cancers difficiles à diagnostiquer, à permettre un traitement plus ciblé basé sur les mutations pilotes spécifiques derrière un cancer particulier, et potentiellement à permettre un diagnostic plus précoce des tumeurs en développement.