La particule d’antimatière la plus lourde jamais détectée pourrait expliquer la prédominance de la matière dans l’Univers

16 particules d’antimatière ont été détectées avec 6 milliards de collisions de particules.

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Représentation artistique de l'antihyperhydrogène-4, un hypernoyau d'antimatière constitué d'un antiproton, de deux antineutrons et d'une particule antilambda. | Institut de physique moderne de Chine
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En analysant 6 milliards de collisions de particules générées par le collisionneur d’ions lourds relativistes (RHIC), des chercheurs ont détecté 16 particules d’antihyperhydrogène-4, les noyaux d’antimatière les plus lourds jamais découverts. Bien qu’ils ne présentent a priori aucune différence significative par rapport à leurs homologues ordinaires — mis à part leurs charges opposées, des recherches plus approfondies permettront peut-être d’expliquer le mystère de l’asymétrie matière-antimatière.

Selon le modèle standard de la cosmologie, peu de temps après le Big Bang, l’Univers primitif était composé d’une « soupe primordiale » de plasma contenant des particules de matière et d’antimatière. L’antimatière a été théorisée pour la première fois en 1928, lorsque le physicien britannique Paul Dirac a proposé l’existence d’antiélectrons, dont la charge est opposée à celle des électrons.

Depuis, les physiciens ont découvert que toutes les particules fondamentales possèdent des équivalents miroirs, appelés « antiparticules ». La matière et l’antimatière auraient été créées à des quantités équivalentes lors du Big Bang et posséderaient des propriétés similaires (ou presque). « Nos connaissances en physique sur la matière et l’antimatière nous montrent que, à l’exception du fait qu’elles ont des charges électriques opposées, l’antimatière a les mêmes propriétés que la matière : même masse, même durée de vie avant désintégration et mêmes interactions », explique dans un communiqué du Laboratoire national de Brookhaven/DOE, Junlin Wu, de l’Université de Lanzhou et de l’Institut de physique moderne, en Chine.

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Cependant, cela aurait dû rendre impossible l’existence de l’Univers stable au sein duquel nous existons actuellement. En effet, étant donné leurs charges opposées, les particules de matière et d’antimatière devraient techniquement s’annihiler en entrant en contact les unes avec les autres. Toutefois, un mystérieux déséquilibre a visiblement permis à l’Univers d’échapper à l’autodestruction. Cela a donné lieu à un univers au sein duquel la matière est prédominante.

Les physiciens cherchent depuis plusieurs décennies l’origine de ce déséquilibre. « La raison pour laquelle notre univers est dominé par la matière reste ouverte. Nous ne connaissons pas la réponse », indique Wu. Dans le cadre de la collaboration STAR (Solenoidal Tracker at RHIC) — l’une des quatre expériences du RHIC —, Wu et ses collègues ont effectué une nouvelle expérience visant à créer de l’antimatière afin de potentiellement découler sur ce déséquilibre. « Pour étudier l’asymétrie matière-antimatière, la première étape consiste à découvrir de nouvelles particules d’antimatière », explique Hao Qiu, physicien du STAR et conseiller de Wu à l’IMP.

De particules d’antimatière émergeant au hasard lors des collisions

L’expérience STAR consiste à accélérer des ions lourds (des noyaux d’atomes qui ont été débarrassés de leurs électrons) à une vitesse proche de celle de la lumière. Cette accélération brouille les limites entre les protons et les neutrons individuels, donnant lieu à une « soupe » de plasma de quarks et de gluons libres. L’énergie qui y est générée reproduit brièvement les conditions de l’Univers primitif au cours des premières millisecondes après le Big Bang et produit de nouvelles particules.

Chaque collision d’ions lourds génère des centaines, voire des milliers, de nouvelles particules. La plupart de ces particules sont des « pions » (les particules les plus légères de la famille des mésons), des éléments instables à courte durée de vie. Cependant, il peut arriver que quelques rares particules d’antimatière émergent. La comparaison des caractéristiques des particules de matière et d’antimatière générées pourrait fournir des indices sur l’asymétrie ayant donné lieu à la prédominance de la première dans l’Univers.

Dans la nouvelle expérience — décrite dans la revue Nature —, les chercheurs de STAR ont cherché à détecter l’antihyperdrogène-4, une particule d’antimatière lourde composée d’un antiproton, de deux antineutrons et d’un antihypéron (un baryon contenant un quark étrange). Pour qu’elle soit détectable, il faut que ces quatre composants soient émis par la soupe quark-gluon générée lors des collisions du RHIC au bon endroit, dans la même direction et au bon moment, de sorte à s’agglutiner dans un état temporairement lié.

« C’est seulement par hasard que ces quatre particules constitutives émergent des collisions du RHIC suffisamment proches les unes des autres pour pouvoir se combiner pour former cet anti-hypernoyau », explique Lijuan Ruan du laboratoire de Brookhaven/DOE, l’un des coauteurs de l’étude.

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Image composite du détecteur STAR et d’un exemple de traces de particules détectées émergeant d’une collision or-or au collisionneur d’ions lourds relativistes (RHIC). © Joe Rubino et Jen Abramowitz/Laboratoire national de Brookhaven

Lors des collisions dans le détecteur STAR, les particules traversent une cloison remplie de gaz confiné à l’intérieur d’un champ magnétique et laissent des traces détectables de leur passage. En mesurant ces traces et la manière dont leur trajectoire se courbe sous l’effet du champ magnétique, il est possible de déterminer leur nature. En outre, étant donné que la matière et l’antimatière ont une charge opposée, la trajectoire des particules qui les composent dévient ainsi dans des directions différentes sous l’effet du champ magnétique.

16 particules d’antimatière détectées avec 6 milliards de collisions

Pour détecter l’antihyperhydrogène-4, les chercheurs ont analysé les traces des particules générées par 6 milliards de collisions. En d’autres termes, ils ont étudié les traces des particules produites par la désintégration de l’antihypernoyau. « La clé était de trouver celles où les deux traces de particules ont un point de croisement, ou sommet de désintégration, avec des caractéristiques particulières », indique Ruan.

En éliminant tous les bruits de pions générés par les collisions et ne correspondant pas aux caractéristiques d’un antihypernoyau, les chercheurs ont identifié 22 événements candidats avec un nombre d’arrière-plans estimé à 6,4. Cela signifie qu’environ 6 de ces particules ont plus de chances d’être des bruits de pions, tandis que 16 correspondraient à des antihyperhydrogène-4, avec un haut degré de confiance.

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Masses (par rapport aux années de découverte) des particules d’antimatière sélectionnées, avec l’antihyperhydrogène-4 à la fin. © Collaboration STAR

Ces résultats seraient suffisamment fiables pour effectuer des comparaisons directes matière-antimatière. Cependant, en comparant la durée de vie des antihyperhydrogènes-4 avec celle des hyperhydrogènes-4, les chercheurs n’ont détecté aucune trace de déséquilibre. Néanmoins, ces résultats seraient attendus, car une violation de la symétrie dans le ratio matière/antimatière serait extrêmement rare. La prochaine étape de la recherche consistera à mesurer la différence de masse entre ces particules.

Source : Nature

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