La couleur a toujours fasciné l’Homme et l’a accompagné tout au long de son histoire. Les innovations techniques et pigmentaires ont multiplié les types de peintures afin de répondre à de nouveaux besoins, de l’art le plus simple aux chefs d’œuvres couvrant des murs entiers, en passant par l’industrie textile, alimentaire, cosmétique, etc. Récemment, un groupe de chercheurs a mis au point une peinture à économie d’énergie, la plus légère au monde. Elle respecte l’environnement tout en conservant une haute efficacité à garder les surfaces à des températures modérées. Elle est si légère qu’à peine 1,3 kg suffiraient à recouvrir un Boeing 747 (contre 500 kg pour un revêtement standard).
La couleur est l’une des sources les plus riches d’informations sensorielles dans la vie quotidienne. Tout au long de l’histoire, la fascination pour les couleurs a poussé les humains à produire des pigments plus efficaces et de meilleure qualité. Des peintures rupestres paléolithiques au développement des premiers colorants synthétiques au milieu du XIXe siècle, la recherche de substances plus pures, résistantes à la décoloration et respectueuses de l’environnement est restée très active.
En effet, bien que les colorants chimiques puissent être produits en grandes quantités, la plupart d’entre eux sont composés de matériaux toxiques difficiles à éliminer lors du recyclage et sont responsables de la pollution de l’eau. De plus, étant chimiquement instables, ils s’estompent avec le temps, un processus accéléré avec des températures plus élevées ou une forte exposition à la lumière.
Au cours des dernières décennies, s’ajoutant aux applications purement décoratives dans les industries textile, cosmétique ou alimentaire, la recherche sur les colorants s’est développée notamment dans les technologies d’affichage, le stockage optique, la détection et la chromothérapie. Le secteur des revêtements fonctionnels n’est pas en reste, le but étant par exemple de produire une peinture à forte perméabilité thermique, permettant de renvoyer une grande partie de l’énergie lumineuse sans qu’elle pénètre la surface.
Récemment, Debashis Chanda, chercheur à l’Université de Floride centrale, professeur au NanoScience Technology Center de l’UCF, s’est inspiré des papillons pour créer la première alternative écologique, à grande échelle et multicolore, aux colorants à base de pigments. Cette avancée pourrait contribuer aux efforts d’économie d’énergie et aider ainsi à lutter contre le réchauffement climatique. Son travail est publié dans la revue Science Advances.
S’inspirer de la nature pour créer
La couleur n’est pas l’apanage des humains, les papillons, les oiseaux et les fleurs présentent des couleurs extraordinaires et naturelles. Chandra explique dans un communiqué : « La couleur structurelle sert de mécanisme primaire de génération de couleur dans plusieurs espèces extrêmement vives où l’arrangement géométrique de deux matériaux généralement incolores produit toutes les couleurs ».
Sur la base de ces bio-inspirations, le groupe de recherche de Chanda a conçu une peinture plasmonique (capacité des électrons, à la surface d’un métal, à résonner sous l’influence des particules de la lumière — les photons — et de renvoyer ces fréquences) qui utilise un arrangement structurel à l’échelle nanométrique de matériaux incolores — aluminium et oxyde d’aluminium — au lieu de pigments pour produire des couleurs.
Alors que les colorants pigmentaires contrôlent l’absorption de la lumière en fonction de la propriété électronique du matériau et que chaque couleur a donc besoin d’une nouvelle molécule, les colorants structurels contrôlent la façon dont la lumière est réfléchie, diffusée ou absorbée en se basant uniquement sur la disposition géométrique des nanostructures. Selon leur disposition, les composants du matériau présentent des teintes complètement différentes ou sont même incolores.
Concrètement, la peinture se compose de minuscules flocons d’aluminium parsemés de nanoparticules d’aluminium encore plus petites. Les chercheurs ont combiné ces flocons de couleur structurelle avec un liant commercial pour former des revêtements durables de toutes les couleurs. Les paillettes de couleur peuvent être stockées sèches ou dispersées dans une solution.
Chanda souligne : « La couleur conventionnelle s’estompe parce que le pigment perd sa capacité à absorber les photons. Ici, nous ne sommes pas limités par ce phénomène. Une fois que nous peignons quelque chose avec une couleur structurelle, elle devrait persister pendant des siècles ».
Une peinture plus légère et plus écologique, véritable solution énergétique et climatique
Ces couleurs structurelles sont respectueuses de l’environnement, car elles n’utilisent que des métaux et des oxydes, contrairement aux couleurs actuelles à base de pigments, produites avec des molécules synthétisées artificiellement ou à base de métaux lourds comme le cadmium et le cobalt, selon les auteurs.
De plus, comme la peinture plasmonique reflète tout le spectre infrarouge, moins de chaleur est absorbée par la surface sur laquelle elle est appliquée, cette dernière restant entre 1 et 3 °C en dessous par rapport à une surface recouverte d’une peinture standard. Un avantage considérable face au réchauffement climatique, rappelle Chandra.
Il ajoute : « La différence de température promise par la peinture plasmonique entraînerait d’importantes économies d’énergie. Utiliser moins d’électricité pour le refroidissement réduirait également les émissions de dioxyde de carbone, atténuant ainsi le réchauffement climatique ».
La peinture plasmonique est également extrêmement légère en raison du grand rapport surface/épaisseur : une coloration complète est obtenue avec une couche de seulement 150 nanomètres. Elle est si légère qu’à peine 1,3 kg de peinture plasmonique pourraient recouvrir un Boeing 747, qui nécessite normalement 500 kg de revêtement conventionnel.
Ceci induit potentiellement une réduction de consommation de carburant pour les avions et les voitures qui en sont recouverts. Les prochaines étapes du projet incluent une recherche plus approfondie concernant les aspects d’économie d’énergie de ce revêtement, pour améliorer sa viabilité en tant que peinture commerciale. Il est donc nécessaire de pouvoir la produire à grande échelle à des coûts raisonnables.