Première : des chercheurs du MIT parviennent à contrôler l’aléatoire quantique

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Le prototype ayant permis de générer les premiers p-bits probabilistes contrôlables. | Charles Roques-Carmes, Yannick Salamin/MIT
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Pour la première fois, des chercheurs sont parvenus à contrôler l’aléatoire quantique, le mystérieux phénomène régissant le vide quantique. L’exploit a été réalisé par le biais d’un dispositif optique ayant permis de générer les premiers p-bits probabilistes contrôlables — en réponse à l’induction d’un faible champ de polarisation. Cette découverte pourrait révolutionner des domaines tels que l’informatique quantique et permettre une détection des champs ultra-précise.

En règle générale, le vide est considéré comme un espace entièrement exempt de particules et d’énergie. Cependant, en physique quantique, même ce vide a priori parfait est truffé de minuscules fluctuations, régies par un phénomène appelé « aléatoire quantique ». Pour l’analogie, le vide quantique est comparable à une mer calme subissant parfois des vagues de manière tout à fait imprévisible et soudaine. En effet, selon le « principe d’incertitude de Heisenberg », tout système ou espace ne peut être totalement dépourvu d’énergie.

Depuis des décennies, les scientifiques tentent de saisir et de transposer l’aléatoire quantique à de nombreux domaines, en introduisant des variables aléatoires dans leurs calculs. Ces recherches ont permis notamment de comprendre que les fluctuations du monde quantique sont responsables de nombreux phénomènes naturels défiant les lois de la physique classique.

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Mais le fait de prendre le hasard quantique en compte dans les calculs et les modélisations constitue une tâche particulièrement laborieuse. Malgré les tentatives d’utilisation dans des domaines tels que la cryptographie et la simulation informatique, la génération de nombres véritablement aléatoires est difficile et la fluctuation du vide quantique reste insaisissable. Mais pour la première fois, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’Institute for Soldier Technologies (IST) ont démontré un niveau de contrôle de l’aléatoire quantique. Une avancée qui pourrait révolutionner un grand nombre de domaines scientifiques et technologiques.

Un contrôle du hasard « parfait » ?

Le hasard régissant la probabilité quantique est gouverné par des lois fondamentalement différentes de celles du hasard « classique ». Prenons par exemple un simple jeu de pile ou face avec une pièce à deux faces. Selon le principe probabiliste conventionnel, la pièce a 50% de chances de tomber sur « face » comme sur « pile ». Il s’agit d’un principe déterministe de base régissant la plupart de nos conceptions, telles que les ordinateurs conventionnels. En effet, les ordinateurs classiques exécutent un ensemble d’algorithmes prédéfinis qui, en répétant plusieurs fois la même opération, obtiennent toujours très précisément le même résultat. Bien que cette approche ait révolutionné le domaine du numérique, elle comporte des limites dans la modélisation du monde physique, qui implique un grand nombre de variables et d’incertitudes.

En revanche, les systèmes informatiques quantiques, se basant sur la probabilité quantique, exploitent le principe aléatoire quantique, suivant les règles de superposition quantique — dans laquelle un qubit peut prendre simultanément la valeur 0 et 1 en plus de l’une ou l’autre. Ainsi, les calculs générés ne fournissent pas une seule bonne réponse, mais un éventail de résultats possibles, chacun avec sa probabilité de se produire. Cette caractéristique de la probabilité quantique est beaucoup plus adaptée aux phénomènes réels ou naturels, au sein desquels une large gamme de possibilités est à considérer pour conduire à la meilleure solution.

La maîtrise des probabilités liées à l’aléatoire quantique permettrait de comprendre et peut-être d’anticiper de nombreux phénomènes inhérents à la microbiologie, à la biologie moléculaire ou encore à la sismologie (pour ne prendre que des exemples liés aux systèmes naturels terrestres) et de les modéliser dans des systèmes informatiques. Cependant, le manque de contrôle dans la distribution des probabilités quantiques a longtemps entravé leur application réelle. En fait, il s’agit en quelque sorte de pouvoir contrôler le hasard « parfait ».

Un moyen de « saisir l’insaisissable »

D’après la nouvelle étude, parue dans la revue Science, les chercheurs du MIT et de l’IST ont peut-être découvert un moyen de « saisir l’insaisissable », par l’injection d’une faible polarisation laser dans un oscillateur paramétrique optique. Le dispositif permet notamment de générer naturellement des p-bits aléatoires et pourrait ainsi servir de source sûre et contrôlable d’aléatoires quantiques « biaisés ».

« Malgré une étude approfondie de ces systèmes quantiques, l’influence d’un champ de biais très faible était inexplorée », explique dans un communiqué le concepteur principal du système, Charles Roques-Carmes, du laboratoire de recherche en électronique du MIT. « Notre découverte de l’aléatoire quantique contrôlable nous permet non seulement de revisiter des concepts vieux de plusieurs décennies en optique quantique, mais ouvre également un nouveau potentiel en informatique probabiliste et en détection de champ ultra-précise », suggère-t-il.

Au cours de leur expérience, les chercheurs sont parvenus à manipuler les probabilités quantiques de l’état des bits photoniques à la sortie de leur dispositif. Il s’agit donc des tout premiers p-bit probabilistes contrôlables. Par ailleurs, le système a démontré une sensibilité aux variations temporelles des impulsions de champ de polarisation, et ce à un niveau nettement inférieur au photon unique.

Marin Soljačić du MIT, coauteur de l’étude, indique « qu’en faisant des fluctuations du vide un élément contrôlable, nous repoussons les limites de ce qui est possible dans le calcul probabiliste quantique amélioré ». Les chercheurs ont notamment découvert que le système pouvait générer près de 10 000 p-bits par seconde, chacun pouvant sortir selon un état de distribution binomiale aléatoire. Et il serait possible, selon eux, d’augmenter ce débit au cours des prochaines années et d’ainsi permettre de modéliser des dynamiques complexes, incluant l’optimisation combinatoire et la chromodynamique quantique sur réseau.

Source : Science

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