Une découverte récente pourrait permettre le rajeunissement de l’ensemble du corps

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| JenkoAtaman, Adobe Stock
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Alors que jusqu’ici seule la thérapie génique est parvenue à inverser le vieillissement cellulaire, des chercheurs ont franchi un nouveau cap en parvenant pour la première fois à reproduire l’effet par le biais d’un traitement chimique. Pour cela, ils ont identifié six cocktails moléculaires permettant de rajeunir les profils de transcription de protéines nucléo-cytoplasmiques à l’échelle génomique, et ainsi inverser l’âge transcriptomique — en moins d’une semaine dans le cadre d’une expérience.

Tout processus biologique régissant le cycle de vie de tout être vivant dépend du stockage et de la préservation des informations. Chez les eucaryotes, ces informations sont contenues dans le génome et l’épigénome. La perte de ces informations, en particulier celles épigénétiques, enclenche une cascade d’évènements induisant un déclin progressif du fonctionnement cellulaire et tissulaire. Les cellules perdent en quelque sorte leur identité, un phénomène qui s’intensifie à mesure que l’on prend de l’âge.

La sénescence cellulaire est l’un des phénomènes les plus notables de la biologie du vieillissement. Il s’agit d’un état au cours duquel le cycle cellulaire facilitant la réparation des lésions et empêchant la prolifération excessive des cellules âgées et endommagées est suspendu. La transition d’une cellule vers un état de sénescence peut être induite par une perte d’information épigénétique et des dommages irréversibles à l’ADN nucléaire et cytoplasmique.

Réinitialiser une « copie sauvegarde » d’un épigénome jeune

En 2006, Shinya Yamanaka a découvert quatre facteurs de transcription (OCT4, SOX2, KLF4 et c-MYC ou OSKM), rebaptisés « facteurs de Yamanaka », permettant de reprogrammer le développement des cellules adultes — un exploit qui lui a valu le prix Nobel de médecine en 2012. En introduisant ces gènes dans une cellule adulte, il est possible de « modeler » son identité et la convertir en cellule souche pluripotente induite (iPSC).

Sur la base de ces travaux, les chercheurs de Harvard souhaitaient savoir s’il est possible d’inverser le vieillissement cellulaire sans trop les rajeunir — pour qu’elles ne deviennent pas cancéreuses. Une recherche connexe de 2020 a révélé que cela est effectivement possible. L’effet a pu être démontré de manière empirique en introduisant les facteurs de Yamanaka à l’intérieur de cellules de nerfs optiques, rénales et musculaires. Des essais in vivo avaient permis d’améliorer la vision et la durée de vie chez des souris.

À noter que les mêmes chercheurs (de la présente étude) ont précédemment démontré que les changements épigénétiques sont les principaux moteurs du vieillissement chez les mammifères. Ainsi, contrairement à ce que l’on croyait auparavant, les modifications (ou la perte d’informations) au niveau de l’ADN ne sont ni les seules ni les principales causes du vieillissement.

« Nous nous attendons à ce que les résultats transforment notre façon de voir le processus de vieillissement et notre approche du traitement des maladies associées au vieillissement », expliquait dans un communiqué Jae Hyun Yang, auteur principal de la nouvelle étude. Selon l’expert, il est plus facile de manipuler les molécules contrôlant les processus épigénétiques que d’inverser les mutations au niveau de l’ADN.

Dans cette optique, Yang et son équipe suggèrent que les résultats in vivo précédents sont cohérents avec l’existence d’une sorte de « copie sauvegarde » d’un épigénome jeune. Ce dernier pourrait être « réinitialisé » par le biais d’une reprogrammation partielle, grâce aux facteurs Yamanaka. Le processus peut être réalisé à l’aide de vecteurs adénoviraux, ou par le biais de la délivrance d’ARN par nanoparticules lipidiques.

« Jusqu’à récemment, le mieux que nous pouvions faire était de ralentir le vieillissement. De nouvelles découvertes suggèrent que nous pouvons maintenant l’inverser », explique David A. Sinclair, professeur de génétique à Harvard et coauteur de la nouvelle étude. Cependant, « ces processus nécessitaient jusqu’ici une thérapie génique, limitant son utilisation généralisée », ajoute-t-il.

Non seulement la thérapie génique est coûteuse et prend du temps, mais elle comporte également des risques dans la mesure où l’on introduit du matériel génétique dans l’organisme. Dans leur nouvelle étude, décrite dans la revue spécialisée Aging, Yang et son équipe proposent une alternative potentiellement plus accessible (moins coûteuse et nécessitant moins de temps de conception), basée sur les facteurs de Yamanaka.

Inverser le vieillissement dans l’ensemble du génome

La nouvelle étude a été menée en collaboration avec l’Université du Maine et le Massachussetts Institute of Technology (MIT). Au cours de leurs expériences, les chercheurs ont trié des molécules pouvant à la fois potentiellement inverser le vieillissement cellulaire et rajeunir les cellules. Pour ce faire, ils ont développé des tests cellulaires à haut débit afin de distinguer les cellules jeunes de celles âgées et sénescentes. Ces essais s’appuient sur l’horloge de vieillissement basée sur la transcription et la compartimentation en temps réel des protéines nucléo-cytoplasmiques (NCC). Pour en faciliter l’observation, un système de fluorescence accompagné de la microscopie automatisée a été utilisé.

viellissement cellulaire chimiquement inverse
Des souris ont été modifiées pour vieillir rapidement afin de tester l’efficacité des thérapies visant à inverser le processus de vieillissement. La souris de droite a été vieillie de 150% par rapport à sa sœur (gauche) en perturbant son épigénome. © D. Sinclair, Harvard Medical School. 2023 Yang et al.

En effet, l’une des caractéristiques physiologiques les plus durables du vieillissement (et ainsi facilement détectable) est la détérioration de la NCC. Cette altération se manifeste par une invasion du cytoplasme par des protéines nucléaires et l’échec du noyau à importer ces protéines. De ce fait, les experts ont développé un test ratissant ces changements, plutôt que de se baser sur la détection d’un ensemble limité de gènes changeant avec l’âge (le protocole conventionnel). Cette technique permet également d’assurer une fiabilité et une transposabilité dans différents types de cellules.

Après analyses, les chercheurs ont identifié six cocktails moléculaires différents capables de rajeunir et d’inverser l’âge transcriptomique selon un effet similaire à une surexpression de facteurs de Yamanaka, en moins d’une semaine. Les profils de transcription NCC ont été complètement restaurés à l’échelle du génome, et ce sans effacer l’identité de la cellule. Afin d’éviter les effets de rajeunissement involontaires pouvant être causés par la prolifération d’un petit pourcentage de cellules sénescentes, les expériences ont été réalisées dans des environnements inhibant la division cellulaire. Les molécules nouvellement découvertes se montrent prometteuses pour le traitement de diverses pathologies liées à l’âge et pourraient peut-être inverser le vieillissement dans l’ensemble de l’organisme.

Vidéo explicative de l’étude :

Source : Aging

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